Oscillateur balancier-spiral compensé en température
La présente invention se rapporte aux oscillateurs mécaniques en général et concerne, plus particulièrement, les oscillateurs mécaniques pour montre qui comportent un ensemble, formé d'un spiral et d'un balancier, compensé en température.
Les oscillateurs mécaniques, encore appelés organes régulateurs, des pièces d'horlogerie se composent d'un volant d'inertie, appelé balancier, et d'un ressort en spirale, appelé spiral ou ressort spiral, fixé sur l'axe du balancier, d'une part, et sur un pont dans lequel pivote l'axe du balancier, d'autre part. Le balancier- spiral oscille autour de sa position d'équilibre à une fréquence qui doit être maintenue aussi œnstante que possible car elle détermine la marche de la pièce d'horlogerie. Pour un spiral homogène et uniforme, la période d'oscillation de tels oscillateurs est donnée par l'expression:
dans laquelle:
Jb est le moment d'inertie total du balancier-spiral, Ls représente la longueur active du spiral, ES est le module d'élasticité du spiral, is est le moment quadratique de section du spiral.
Une variation de la température entraîne une variation de la période d'oscillation telle que, au premier ordre:
soit: un effet de dilatation sur J
b, L
S , et ι
s et de thermoélasticité sur E . Avec une augmentation de la température, les 3
premiers termes sont généralement positifs (dilatation du balancier, allongement du spiral et diminution du module d'Young) et occasionnent un retard, tandis que le dernier terme est négatif (augmentation de la section du spiral) et occasionne une avance. Dans le passé, plusieurs méthodes de compensation de la dérive en température de la fréquence ont été proposées pour pallier ce problème. On peut, notamment, citer les méthodes de compensation par la modification thermique du moment d'inertie du balancier (par exemple, balancier bimétallique en acier et en laiton) ou par l'utilisation d'un alliage spécial (par exemple, l'invar) pour spiraux à très faible coefficient thermo-élastique. Ces méthodes restent complexes, difficiles à mettre en œuvre et, par conséquent, coûteuses. Plus récemment, dans sa demande de brevet européen No.
EP 02026147.5, la demanderesse a décrit une méthode de compensation thermique de la constante de rappel d'un ressort spiral consistant à oxyder thermiquement un spiral réalisé dans un substrat en silicium. Comme pour les spiraux en acier de type invar (par exemple, l'alliage de la maison Nivarox-FAR S.A.), les ressorts spiraux en silicium oxydé permettent de réguler le comportement thermique du ressort lui-même, éventuellement avec une légère surcompensation de quelques ppm/°C. Cette limitation de la surcompensation est due à l'épaisseur maximum d'oxyde réalisable pratiquement (actuellement inférieure à 4μm) et à la largeur minimum tolérable de la section du spiral en silicium (supérieure à 40μm). En conséquence, le balancier doit également être compensé thermiquement; ce qui peut être obtenu, par exemple, en utilisant un alliage de type "glucydur" (alliage de cuivre et de béryllium, également appelé "glucinium") ou encore d'autres alliages présentant un très faible coefficient de dilatation thermique. Cette méthode est également compliquée et, pas plus que les autres méthodes plus traditionnelles, ne permet de s'affranchir d'autres défauts d'isochronisme tels que ceux dus, par exemple, à divers frottements dans l'oscillateur, un déséquilibrage du balancier, un excentrage du centre de masse du spiral etc.
La présente invention a pour but de pallier les inconvénients des techniques antérieures en proposant un spiral, pour oscillateur de pièce d'horlogerie, dont le comportement vis-à-vis des variations thermiques est tel qu'il permet de maintenir l'ensemble balancier- spiral aussi peu dépendant que possible desdites variations thermiques. Plus précisément, le spiral de l'invention est non seulement auto-compensé mais il peut être réalisé de manière à compenser également les dérives thermiques du balancier. Un autre but de l'invention est de pouvoir compenser également des défauts d'isochronisme inhérents à la construction du balancier-spiral.
Ces buts sont atteints avec l'oscillateur présentant les caractéristiques définies dans les revendications.
Plus précisément, le spiral de l'invention est réalisé dans un substrat de quartz cristallin dont la coupe est choisie de telle sorte que l'ensemble, constitué par le spiral et le balancier, soit compensé thermiquement.
Selon une autre caractéristique de l'invention, la forme du spiral est choisie de manière à » compenser les défauts d'anisochronisme de l'ensemble balancier-spiral.
Le quartz est bien connu dans le domaine de l'horlogerie électronique et a été étudié pour servir d'oscillateur grâce au phénomène de piézo-électricité. Par influence du vocabulaire horloger traditionnel, on parle d'oscillateur alors qu'il agit plus justement sur un mode vibratoire. Les fréquences atteintes sont d'environ 32kHz. Les comportements des cristaux de quartz utilisés ne sont pas forcément stables en fonction des conditions d'utilisation, aussi, pour pallier cet inconvénient, les coupes du cristal de quartz sont choisies de manière à combiner différents modes de vibration afin d'obtenir un comportement global stable. Or, les balanciers spiraux utilisés en horlogerie mécanique oscillent effectivement et le phénomène est purement mécanique. Les fréquences d'oscillation sont, au maximum, d'environ 5Hz.
Les comportements du quartz dans les deux applications ci- dessus ne sont absolument pas comparables. Pour l'homme du métier, il n'y a aucune raison pour utiliser en horlogerie mécanique des informations issues de l'horlogerie électronique. Quand bien même, les connaissances accumulées sur les quartzs utilisés dans les montres électroniques ne sont pas directement transposables aux ressorts spiraux. Le comportement thermique des ressorts spiraux en quartz est essentiellement lié à l'inclinaison de la coupe par rapport à l'axe optique Z du cristal de quartz. Comme représenté à la figure 1 , le plan du spiral peut être repéré par une double rotation Z /φ/θ (notation selon les normes IEEE), où <j> est la longitude et θ la colatitude (inclinaison de l'axe du spiral par rapport à l'axe optique Z du cristal).
Les rigidités des cristaux, tant d'allongement que de cisaillement, ont généralement un point d'inversion thermique voisin de 0°K avec une courbure négative. Ils se rigidifient à basse température. Leur premier coefficient thermique à température ambiante, c'est-à-dire 25°C, est donc généralement négatif avec une courbure négative. Il varie de quelques dizaines à quelques centaines de ppm/°C. Le quartz est l'un des rares cristaux permettant, à température ambiante, d'annuler le premier coefficient thermique de la rigidité au moyen de la coupe, c'est-à-dire l'orientation de la structure, et même, de le rendre positif de quelques dizaines de ppm/°C. Contrairement aux spiraux en silicium oxydé ou en acier de type invar, le spiral en quartz ne nécessite pas un balancier compensé de type glucydur. Il permet de compenser la dérive thermique de la plupart des balanciers courants bas de gamme en acier inox et, même, de la rendre, à certains égards, plus favorable que celle du diapason à quartz 32 kHz.
L'oscillateur balancier-spiral selon l'invention possède encore toutes ou certaines des caractéristiques énoncées ci-après: le spiral est réalisé dans un substrat de quartz dont la coupe est à double rotation ZY/§ /θ ; - le spiral est réalisé dans un substrat de quartz dont la coupe est à simple rotation x/β ; le spiral est réalisé dans un substrat de quartz dont la coupe est à simple rotation r/θ ; l'angle θ est tel que le coefficient thermique du premier ordre dudit spiral compense la dérive thermique du balancier; l'angle θ est tel que la courbe représentant la dérive thermique de l'ensemble balancier-spiral reste contenue à l'intérieur du gabarit horloger; - l'épaisseur et, éventuellement, le pas du spiral sont modulés de manière à compenser les défauts d'isochronisme du balancier.
D'autres objets, caractéristiques et avantages de la présente invention apparaîtront à la lecture de la description suivante faite à titre d'exemple non limitatif et en relation avec les dessins annexés dans lesquels: la figure 1 montre une plaque de quartz présentant une double rotation zγ/§/e par rapport aux axes du cristal; les figures 2.a à 2.b montrent les comportements des premier , deuxième β et troisième γ coefficients thermiques de la rigidité d'un spiral réalisé dans une plaque telle que celle de la figure 1 en fonction des angles θ et ψ ; les figures 3.a à 3.c montrent le courbes de niveau de ces mêmes coefficients thermiques ;
la figure 4 montre une plaque de quartz présentant une seule rotation autour de l'axe X; les figures 5.a à 5.c montrent les variations des coefficients thermiques α , β et γ de la rigidité pour un spiral réalisé dans la plaque de la figure 4; la figure 6 représente la dérive thermique de la fréquence avec adaptation de la coupe X/Q du spiral au coefficient α du balancier; et la figure 7 montre un exemple de réalisation d'un spiral avec compensation de l'anisochronisme. Comme indiqué précédemment, le comportement thermique d'un spiral en quartz dépend essentiellement de la coupe de la plaque dans laquelle il est réalisé. Ainsi pour une coupe à double rotation ZY/$/Q , telle que représentée à la figure 1, les coefficients thermiques du premier ordre α , du deuxième ordre β et du troisième ordre γ de la rigidité du spiral sont représentés aux figures 2.a à 2.c, respectivement, pour une température de 25°C. L'axe vertical indique les valeurs de α , β et γ , respectivement en ppm/°C, en ppb/°C2 et ppt/°C3. Les figures 3.a à 3.c montrent les lignes de niveau des graphes des figures 2. Si l'on considère, en particulier, la figure 3.a, qui concerne le premier coefficient thermique α , on notera que la valeur de celui-ci ne dépend pratiquement pas de l'angle ψ mais varie en fonction de l'angle θ . Comme, par ailleurs, la contribution des coefficients thermiques de deuxième et troisième ordres s'avère négligeable, il s'ensuit qu'une coupe à simple rotation, par exemple x/θ est suffisante pour réaliser un spiral selon l'invention, c'est-à-dire capable non seulement de compenser sa propre dérive thermique mais encore celle du balancier qui lui est associé. Une plaque possédant une telle coupe est représentée à la figure 4. Elle est obtenue par une simple rotation d'angle θ autour de l'axe optique x du cristal. Les spiraux réalisés dans une plaque de ce type présenteront une symétrie élastique maximale, à savoir une symétrie par rapport au
plan X et une symétrie par rapport à l'axe du spiral (axe après rotation). Ces spiraux seront donc mieux équilibrés élastiquement que ceux réalisés dans une plaque à double rotation et ce, sans avoir une limitation de leur capacité de compensation thermique. Il convient de préciser que la simple rotation peut également être effectuée autour de l'axe Y.
Les figures 5.a à 5.b représentent la variation, en fonction de l'angle θ , des coefficients thermiques , β et γ de la rigidité, respectivement, pour un spiral présentant une coupe à simple rotation x/θ . Les coefficients sont pratiquement symétriques par rapport à l'axe θ = o . Si l'on ne considère que le premier coefficient a (les autres coefficients d'ordre plus élevé ayant une influence beaucoup plus faible et pouvant être négligés), on remarque que celui-ci est égal à zéro pour θ =±24.o° et qu'il est maximum pour θ =0. En ce point, α est égal à 13.466 ppm/°C, ce qui correspond à la compensation thermique maximale qu'il est possible d'atteindre avec un spiral en quartz présentant une coupe x/θ =0. La dérive thermique du balancier dépend du matériau dans lequel il est réalisé. Ainsi les aciers inox courants ont un coefficient thermique de dilatation variant, typiquement, entre 10 et 15 ppm/°C, alors que pour le laiton la valeur de ce coefficient est de 17 ppm/°C. La figure 6 montre quelques exemples de compensation thermique réalisables, pour différents matériaux de balancier, avec des spiraux de coupe à simple rotation x/θ . Les courbes C1 à C3 montrent les dérives thermiques de la fréquence d'oscillateurs comportant des balanciers en acier de différents types, alors que la courbe C4 correspond à celle d'un oscillateur avec un balancier en laiton. On notera que par rapport au gabarit horloger (cadre R) imposé pour les montres-chronomètres (variation de fréquence inférieure à ± 8 sec/jour dans le domaine de températures 23°C ± 15°C), il est possible de trouver la coupe x/θ du spiral de quartz permettant de compenser la dérive des balanciers les plus courants, tels les balanciers en acier. Pour un balancier en laiton (courbe C4), toutefois, la compensation maximale du spiral en quartz ne permet pas de satisfaire complètement aux exigences de ce gabarit horloger. Ainsi pour un matériau du balancier donné, est-il possible de déterminer l'angle θ , de la coupe du spiral en quartz, qui offre la
meilleure compensation thermique possible de l'ensemble régulateur.
Selon une autre caractéristique de l'invention, le spiral en quartz permet également de compenser des défauts d'isochronisme de l'oscillateur. L'une des sources principales d'anisochronisme est la variation de l'amplitude des oscillations du balancier. La variation de l'anisochronisme peut être de l'ordre de plusieurs ppm/degré d'angle, typiquement 2 ppm/degré d'angle avec une variation d'angle typique de ± 25%. Une méthode connue pour compenser l'anisochronisme consiste à agir sur la courbure de l'extrémité du spiral à proximité du piton P. Cette méthode demande une étape de réglage par des personnes spécialement formées; ce qui n'est pas optimum en matière d'industrialisation. Selon une variante de l'invention, il est proposé d'agir sur la rigidité locale de la spire en modulant la largeur de sa section. La modulation a pour effet de renforcer l'inertie et la rigidité locale de la spire dans le secteur opposé au piton. La fonction de modulation de la largeur de la section est, par exemple, du type k.∞s(θm -θ) , où k est un coefficient de proportionnalité, θ représente l'angle polaire dans la section considérée et θ m la valeur de l'angle polaire au piton. Lorsque k est égal à 0,4, la compensation d'anisochronisme est d'environ 1 ppm/degré d'angle. La valeur exacte de k pour un oscillateur donné peut être déterminée de manière empirique ou par le biais d'une simulation numérique. La figure 7 montre un spiral présentant une telle modulation de la largeur de sa section. La modulation de la largeur de la section des spires peut être accompagnée d'une modulation du pas entre les spires de manière à ce que l'intervalle entre ces dernières au repos reste constant. Cette dernière modulation, non représentée, permet d'éviter le collage entre spires lors de grandes amplitudes d'oscillation. Le spiral décrit précédemment peut être fabriqué par tout moyen connu de l'homme de métier pour l'usinage des quartz, tels les moyens d'attaque par voie humide (attaque chimique) ou par voie sèche (attaque par plasma).
Bien que la présente invention ait été décrite en relation avec des exemples de réalisation particuliers, on comprendra qu'elle est susceptible de modifications ou variantes sans pour autant sortir de son domaine. Par exemple, d'autres types de modulation de l'épaisseur des spires peuvent être envisagés, telle une variation linéaire de l'épaisseur de la spire depuis le centre du spiral vers le piton, que celle-ci soit ou non accompagnée d'une augmentation du pas des spires.