BASCULE DETYPE TAJONCTIONS JOSEPHSON
La présente invention concerne un circuit logique SFQ ou RSFQ (Rapid Single Flux Quantum), plus particulièrement, une bascule de type T.
La logique SFQ est basée sur la quantification du flux et le transfert de quanta de flux individualisés, et l'élément de base en est le SQUID (Superconducting QUantum Interferometer Device) qui utilise les propriétés des jonctions Josephson. Une jonction Josephson est une jonction entre deux matériaux supraconducteurs à proximité immédiate. Ces deux matériaux supraconducteur de part et d'autre de la jonction sont couplés, en sorte qu'ils forment deux électrodes en faible contact électrique. Les jonctions Josephson sont des éléments actifs non linéaires, qui ont comme propriétés de pouvoir travailler à très haute fréquence et de nécessiter très peu d'énergie.
Différents circuits logiques ont été conçus, basés sur l'élément de base, le SQUID, comme boucle de mémorisation. L'invention concerne plus particulièrement un circuit logique de type bascule T (T pour "toggle") comprenant une telle boucle de mémorisation. Ce type de bascule bien connu dans le domaine de l'électronique numérique possède une entrée de commande T et deux sorties de données complémentaires g et Q (figure 1 a). Cette bascule T change d'état à chaque impulsion d'horloge. La table de vérité associée est rappelée en figure 1b. Une série d'impulsions appliquées en entrée fait ainsi apparaître une impulsion alternativement sur l'une et l'autre des sorties de données. Cette bascule est notamment utilisée comme diviseur de fréquence par deux.
En logique SFQ, une telle bascule nécessite pour assurer le fonctionnement correct de la bascule, deux branches d'entrée, commandées par l'entrée de commande T, et comprenant chacune une jonction Josephson. Un exemple de structure d'une telle bascule T en logique SFQ est détaillé sur la figure 2. Elle utilise ainsi deux jonctions Josephson JJ3 et JJ4 dans l'étage d'entrée E, et deux jonctions Josephson JJ1 et JJ2 dans la boucle de mémorisation 1.
La boucle de mémorisation 1 comprend deux branches connectées en parallèle entre la masse et un nœud interne NO. Chaque branche de cette boucle comprend une jonction Josephson et une inductance associée, en série entre la masse et ce nœud NO, JJ1 et L1 dans une branche, JJ2 et L2 dans l'autre branche. La boucle 1 comprend en outre une source de polarisation tias, connectée au nœud interne NO, pour polariser les jonctions
Josephson de la boucle.
Les points N1 et N2 représentent les deux sorties du circuit. Un étage de sortie associé à chaque branche, comprenant une inductance et une résistance en série, connectées entre le nœud interne de la branche et la masse, schématise l'impédance d'un circuit de charge.
Dans l'exemple, le circuit de charge associé à la branche (JJ1 , L1) est connecté au nœud N1 et comprend une inductance Ls1 et une résistance R1. Dans l'exemple, il assure le transfert de la donnée Q au circuit logique suivant.
Le circuit de charge associé à la branche (JJ2, L2) est connecté au nœud N2 et comprend une inductance Ls2 et une résistance R2. Il assure le transfert de la donnée complémentaire Q à la porte logique suivante.
L'étage d'entrée E de la bascule comprend une branche par jonction de la boucle de mémorisation 1. Chaque branche de cet étage comprend une inductance et une jonction Josephson connectées en série entre l'entrée de commande T et le point milieu de connexion entre la jonction et l'inductance associée d'une branche de la boucle de mémorisation. Une branche de l'étage d'entrée comprend ainsi une inductance L3 et une jonction JJ3. La jonction JJ3 est connectée au nœud N1 entre la jonction JJ1 et l'inductance associée L1 . L'autre branche de l'étage d'entrée comprend une inductance L4 et une jonction JJ4. La jonction JJ4 est connectée au nœud N2 entre la jonction JJ2 et l'inductance associée L2.
Le fonctionnement interne de cette structure de bascule est le suivant : la boucle de mémorisation 1 maintient l'état interne du circuit par effet SQUID : un courant permanent circule dans cette boucle selon un sens positif ou négatif. L'entrée de commande T reçoit des impulsions de courant d'un générateur lin. A chaque impulsion émise par ce générateur lin, un courant est transmis par les jonctions JJ3 et JJ4 aux jonctions JJ1 et JJ2. Ce
courant est suffisamment fort pour faire commuter celle des jonctions JJ1 ou JJ2 qui est traversée par le courant de boucle circulant dans le même sens que ce courant. Il est suffisamment faible pour ne pas provoquer la commutation de l'autre jonction. Cette commutation d'une des deux jonctions de la boucle de mémorisation ou boucle SQUID 1 provoque l'apparition d'une impulsion sur l'une des sorties de donnée Q ou βet un renversement du sens du courant dans la boucle de mémorisation et ce qui change l'état interne de la bascule.
L'état initial de la bascule est généralement défini en prévoyant une légère asymétrie dans le circuit de polarisation en courant de la boucle, typiquement en choisissant les inductances L1 et L2 sensiblement différentes.
Un problème lié à ce type de circuit logique est le nombre important de jonctions Josephson utilisées, en regard de la dispersion de leurs caractéristiques.
En outre, les quatre jonctions Josephson de la structure ne sont pas équivalentes dans le rôle qu'elles jouent vis à vis de la dispersion maximale du circuit. En effet, les jonctions JJ3 et JJ4 des branches d'entrée sont très critiques de ce point de vue. Ce sont ces jonctions qui imposent la dispersion maximale supportée par le circuit.
Un objet de l'invention est de proposer une structure simplifiée d'une bascule T en logique SFQ, et plus particulièrement, une structure comprenant un nombre réduit de jonctions Josephson. Un objet de l'invention est de réduire les contraintes de fabrication d'un tel circuit, et d'améliorer le rendement de fabrication.
L'invention concerne donc un circuit logique SFQ de type bascule T comprenant une boucle SQUID comprenant une première branche avec une première jonction Josephson et une deuxième branche avec une deuxième jonction Josephson, lesdites branches étant connectées en parallèle entre la masse et un nœud interne de la boucle, et un étage d'entrée associé pour transmettre des impulsions d'entrée appliquées sur une entrée de commande de la bascule. Selon l'invention, l'étage d'entrée comprend une seule branche avec une troisième jonction Josephson connectée entre l'entrée de commande de la bascule et le nœud interne de la boucle.
Dans une variante, une jonction parmi les première et deuxième jonctions de la boucle SQUID est une jonction-π.
D'autres avantages et caractéristiques de l'invention apparaîtront plus clairement à la lecture de la description qui suit, faite à titre indicatif et non limitatif de l'invention et en référence aux dessins annexés, dans lesquels :
- les figures 1a et 1b déjà décrites représentent les entrée/sorties logiques et la table de vérité d'une bascule bistable T;
- la figure 2 déjà décrite est un schéma d'une telle bascule, réalisée avec des jonctions supraconductrice selon l'état de la technique;
- la figure 3 représente un schéma d'une bascule bistable selon l'invention;
- la figure 4 montre des résultats de simulation obtenus avec une telle structure; - la figure 5 montre une variante de l'invention, utilisant des jonctions-π.
Selon l'invention, on réalise une bascule T avec seulement 3 jonctions Josephson, les jonctions JJ3 et JJ4 de l'étage d'entrée étant remplacées par une seule jonction Josephson JJ5.
Une réalisation possible de cette structure est représentée sur la figure 3. Pour la simplification de l'exposé, les mêmes éléments sur les figures portent les mêmes références.
Dans la structure selon l'invention représentée sur la figure 3, on a une unique branche d'entrée, qui reçoit la commande T et qui est connectée au point commun N0 des deux inductances série L1 et L2 de la boucle SQUID 1. Cette branche d'entrée comprend une jonction Josephson JJ5 et son inductance associée L5. Dans l'exemple, et comme représenté sur la figure 3, le générateur de polarisation Ibias des jonctions JJ1 et JJ2 de la boucle Squid 1 est connecté au nœud N0. En pratique, une même ligne supraconductrice S forme les inductances Ls1 , L1 , L2, Ls2 en série. La valeur de chaque inductance est déterminée par la longueur de ligne S pour chacune. Le générateur de polarisation Ibias peut être connecté en tout point de cette ligne selon les valeurs des différents éléments de la structure pour obtenir une polarisation appropriée de la boucle. Notamment, la source de
polarisation Ibias peut-être être connectée en différents points correspondants à des nœuds de la structure : N1 , NO, N2, par exemple sur NO comme représenté en trait plein sur la figure 3, ou sur N1 , comme représenté en tirets sur la figure 3 ou encore en un point intermédiaire sur les inductances Ls1 ou Ls2, par exemple sur Ls1 , comme représenté en pointillé sur la figure 3.
Ainsi, une structure selon l'invention comprend dans la première branche de la boucle, une inductance L1 connectée entre un nœud de connexion N1 avec la première jonction, et le nœud interne NO, dans la deuxième branche de la boucle, une inductance L2 connectée entre un nœud de connexion N2 avec la deuxième jonction, et le nœud interne NO. Une inductance de sortie Ls1 , Ls2 est connectée à chaque nœud de connexion N1 , N2 des branches, fournissant une sortie de donnée respective Q , Q . Une source de polarisation en courant Ibias de la boucle 1 est connectée en un point de la ligne supraconductrice S formant les différentes inductances L1 , L2, Ls1 , Ls2.
De préférence, le point de connexion de la source de polarisation dans la boucle SQUID est tel que la polarisation de la boucle est asymétrique. Avec cette structure selon l'invention, l'impulsion d'entrée est appliquée entre les 2 jonctions JJ1 et JJ2 à travers la jonction JJ5 qui assure une isolation de l'entrée T vis-à-vis de chacune des sorties Q et Q . Cette impulsion génère un courant qui se divise dans chacune des 2 branches de la boucle de façon asymétrique. Dans l'exemple, en prenant L1>L2, on a i2>i1 . A la première impulsion appliquée en entrée T, c'est la jonction JJ2 qui émet une impulsion en sortie.
Avec un dimensionnement convenable des différents composants, on obtient un fonctionnement conforme de la bascule.
La figure 4 illustre ainsi les résultats de simulation obtenus avec une structure de bascule correspondant au schéma représenté sur la figure 3.
Du point de vue de la simulation, le circuit émetteur d'impulsions lin à l'entrée T de la bascule est représenté par une jonction JJ6 et une inductance L6 (représentées en pointillé). En pratique cette inductance L6 peut être ignorée pour la simulation, car elle n'est pas critique (L6 = OpH).
Cette simulation correspond à une structure de bascule avec des jonctions Josephson prises toutes identiques, avec les valeurs caractéristiques suivantes : lc= 350μA; Rπ= 10Ω; C= 20fF, où le est le courant critique de la jonction et où et G sont la résistance et la capacité du schéma électrique équivalent d'une jonction Josephson, et avec les valeurs suivantes pour les autres composants :
L1= 3pH; L2= 2pH; L5= 3pH; Ls1= 5pH; Ls2= 5pH; L6=0pH ; Rs1 =Rs2=10Ω; bas = 450 μA.
Il ne s'agit que d'un exemple pratique, non limitatif.
On notera la dissymétrie introduite dans la boucle de mémorisation en prenant L2 différent de L1, de façon à installer un état initial (sens du courant critique dans la boucle). Cette dissymétrie est ici assez forte avec une différence de 40% entre les inductances L1 et L2. En pratique, le courant de polarisation doit être appliqué de façon dissymétrique, suffisamment pour que l'état i nitial soit certain.
Sur la figure 4 qui représente les résultats de cette simulation, la courbe supérieure représente la tension mesurée au point d'entrée T, et les deux courbes inférieures, les tensions mesurées aux bornes des résistances Rs1 (sortie de donnée Q) et Rs2 (sortie de donnée complémentaire Q ).
Ces résultats montrent qu'en dépit de la forte valeur de l'inductance L5, même dans un cas défavorable avec une grande déformation des impulsions en entrée du circuit et avec des valeurs des inductances L2 et L5 qui diffèrent de 40% environ, on obtient un fonctionnement correct de la bascule T, conforme à sa table de vérité (figure 1 b) avec l'apparition d'impulsions en alternance sur les 2 sorties Q et Q .
On note sur la courbe T, une déformation des impulsions d'entrée une sur deux, ce qui peut s'expliquer compte-tenu de la forte dissymétrie de la polarisation de la boucle de mémorisation. En pratique, avec les valeurs choisies pour les autres composants, l'inductance L5 de la branche d'entrée aura de préférence une valeur inférieure à 4,5 pH, pour éviter les disfonctionnements liés à la déformation des impulsions. En effet, dans le cas où les impulsions seraient trop déformées, elles n'arriveraient plus à faire commuter les jonctions de la boucle.
La structure de circuit logique selon l'invention permet de relaxer les contraintes du circuit, en ne comprenant plus qu'une jonction dans l'étage d'entrée.
En outre, sur le plan de la fabrication, la structure du circuit selon l'invention permet une implantation physique moins contraignante. En effet, dans l'état de la technique, il faut réaliser deux lignes supra conductrices, qui partent d'un même point, le point d'entrée T, pour arriver en deux points relativement proches : N1 , N2 ce qui est une contrainte sur le plan du tracé de ces lignes, qui ne permet pas de minimiser les inductances parasites (L1 , L2).
Dans l'invention, une seule ligne correspondant à JJ5 doit être réalisée ce qui permet une implantation physique de la structure avec des inductances parasites les plus faibles.
Sur la figure 5, on a représenté un perfectionnement d'une bascule T à trois jonctions Josephson selon l'invention. Dans cette structure perfectionnée, une des deux jonctions Josephson JJ1 et JJ2 de la boucle SQUID est une jonction-π (boucle π -SQUID). Dans l'exemple, c'est la jonction JJ1, que l'on note JJ1-π sur la figure 5. La bnction JJ5 peut être indifféremment une jonction conventionnelle ou une jonction-π , sans incidence sur le fonctionnement de la structure.
On rappelle que pour les jonctions-π , la relation courant-phase ne s'écrit plus Is (Φ)=Icsm(Φ) comme pour les jonctions Josephson conventionnelles, mais Is (Φ)=Icàn{Φ+π ), où Ic est le courant critique. Ces jonctions-π présentent ainsi un courant critique négatif. De telles jonctions sont notamment obtenues en utilisant au niveau de la jonction des orientations différentes des matériaux ayant une anisotropie du paramètre d'ordre supraconducteur.
On pourra utilement se reporter aux publications suivantes sur les jonctions-π et les boucles π -SQUID : « Realization of High-Tc De π - SQUIDs », de R.R. Schulz et Al, Physica C341 , 1651-1654 (2000) et « Y-Ba- Cu-O/Au/Nb ramp-type Josephson junctions » IEEE Transactions on Applied Superconductivity Vol. 11 , N° 1 , March 2001 , p 501-204, de Smilde et al.
Un avantage de l'utilisation de ces jonctions Josephson particulières dans une structure de bascule selon l'invention, est l'apparition d'un courant de boucle spontané. En effet, si on couple deux jonctions Josephson, une
jonction conventionnelle et une jonction-π , formant ainsi une boucle « π - SQUID » un déphasage de π rd apparaît le long de la boucle, ce qui fait apparaître un courant spontané.
En pratique, on peut supprimer le générateur de courant Ibias de polarisation de la boucle SQUID 1 dans la structure de la bascule, comme représenté sur la figure 5, ce qui procure un avantage certain en termes de réalisation.
On notera que sur ce schéma simplifié on a omis de représenter l'inductance L5, qui est la somme des inductances de la connection entre JJ5 et NO d'une part et de l'entrée T à JJ5 d'autre part.