TITRE : DISPOSITIF ET PROCEDE D'ELECTROPHORESE
La présente invention est, de manière générale, relative à un dispositif et à un procédé d'électrophorèse. Plus particulièrement, les moyens de dispositif et de procédé d'électrophorèse conformes à l'invention permettent de séparer des populations d'analytes chargés compris en mélange dans une solution, et sont notamment adaptés à la séparation . d'acides nucléiques tels que des ADN chromosomiques double-brin.
ARRIERE-PLAN TECHNOLOGIQUE :
L'électrophorèse est une des techniques les plus utilisées en biologie moléculaire. Elle a notamment été utilisée pour l'étude du génome humain (décryptage du génome humain). Il faut en effet pouvoir différencier les molécules d'ADN par leur taille, pour ensuite les étudier une à une.
Les études consacrées à l'électrophorèse ont pour objectif d'augmenter ses performances : la rapidité et le pouvoir séparateur. L'intérêt de la rapidité est évident. Celui du pouvoir séparateur est une question d'efficacité et de fiabilité de la séparation. Un développement de systèmes de plus en plus simples et de plus en plus performants est en cours depuis maintenant plusieurs années. Le décryptage de génomes en est un des buts actuels. Les techniques proposés dans l'art antérieur souffrent toutefois de divers désavantages, et notamment d'une limitation en terme de pouvoir séparateur : elles ne permettent pas ou peu facilement de séparer des molécules d'ADN dont la taille est de l'ordre de quelques millions de paires de bases (10Mb), ce qui reste insuffisant et insatisfaisant pour la séparation d'ADN chromosomiques de très grande taille.
L'électrophorèse est étymologiquement une mise en mouvement de particules chargées par un champ électrique. Si dans un mélange de diverses particules, chacune d'elles avance dans le champ électrique avec une vitesse différente, l'électrophorèse devient un outil de séparation efficace. C'est Tiselius qui, dans les années 1930, utilisa le premier cette technique pour séparer des protéines en mélange dans une solution.
Mais l'électrophorèse d'ADN dans le milieu très simple qu'est la solution n'est pas possible car dans ces conditions, la vitesse électrophorétique est indépendante de la masse, contrairement au coefficient de diffusion.
La plupart des techniques d'électrophorèse actuelles utilisent donc un gel, ou un équivalent tel qu'une solution de polymère neutre non réticulé, un gel mimé par une matrice de billes ou plus généralement des obstacles topologiques,, pour séparer les molécules et notamment les molécules d'acides nucléiques.
Les séparations sur gel (gels de polyacrylamide, gels d'agarose) utilisent le pouvoir de tamisage de gels dont la réticulation confère une distribution de tailles de pores autour d'une valeur moyenne a qui est ajustée au cas par cas en fonction des populations à séparer de manière à ce que cette taille moyenne a soit inférieure au rayon de giration en solution des molécules à séparer. Ces pores constituent de très fins couloirs virtuels qui communiquent entre eux de sorte que les molécules y sont confinées en reptation et que leur migration est entravée par les obstacles topologiques. Les techniques sur gel actuellement disponibles sont très longues, et, en champ continu, ne permettent pas de séparer des acides nucléiques dont la taille serait supérieure à 50kb : soit les champs utilisables sont trop faibles et les temps de migration sont prohibitifs, soit on augmente le champ et la mobilité électrophorétique redevient (comme en solution) indépendante de la masse ; en outre, des effets secondaires d'échauffement du gel sont induits par effet Joule, ce qui conduit à une perte de résolution due à l'augmentation de la diffusion voire à la fusion du gel. Pour séparer de tels acides nucléiques sur gel, il est donc nécessaire de passer en champ puisé, mais les temps nécessaires d'analyse restent très longs, et la mise en œuvre délicate. En outre, les gels présentent le désavantage d'être non ré-utilisables.
D'autres recherches ont alors abouti à proposer des techniques de séparation d'ADN sur solution de polymère non réticulé en électrophorese capillaire. L'utilisation de capillaires permet de bien évacuer la chaleur créée par effet Joule, et donc de ne pas affecter la résolution par augmentation de la diffusion. On peut ainsi utiliser des champs plus élevés que sur gel, et gagner en rapidité d'analyse.
La matrice d'obstacles est constituée par une solutione de polymère neutre (les molécules sont enchevêtrées mais non réticulées). Un exemple de telles techniques est décrit dans l'article Barron, Sunada et Blanch (Electrophoresis
1996, 17 :744-757, « The effects ofpolymer properties on DNA séparations by capillary electrophoresis in uncross-linked polymer solutions »). Une solution diluée de e polymère neutre est placée dans un capillaire non confinant (un capillaire de diamètre 51 microns est utilisé dans l'article Barron et al. précité).
Pour des petites chaînes, l'efficacité est alors d'autant plus grande que la solution est concentrée, mais la rapidité est alors affectée. Pour les longues chaînes, la solution diluée s'impose.
Au final, ces techniques d'électrophorèse capillaire en solution de polymère non réticulé ne permettent pas de séparer des populations d'ADN dont la taille est supérieure à 50 kb (dans l'article Barron et al. précité, la taille maximale d'analyte séparable est de 23 kb).
On peut également mentionner d'autres techniques d'électrophorèse sans confinement, telles que celles qui consistent à greffer une molécule neutre aux chaînes d'ADN de manière à créer un parachute électrophorétique destiné à ralentir les petites molécules par rapport aux grosses, ainsi que les techniques qui utilisent l'adsorption des molécules à une interface (N. Pernodet, N. Samuilov, K. Shin, J. Sokolov, M. H. Rafailovich, D. Gersappe et B. Chu, Physical Revîew Letters 2000, 85(26) : 5651-5654, « DNA Electrophoresis on a Fiat Surface »), Ces techniques demandent néanmoins de sélectionner très soigneusement les molécules neutres ou le revêtement d'interface nécessaires (un revêtement d'attraction intermédiaire εs 2,25), et sont donc délicates et complexes à maîtriser et à mettre en œuvre pour une grande variété de solutions d' analytes à séparer.
Ces dernières années, d'autres techniques d'électrophorèse ont donc été développées. Ces techniques plus récentes mettent en œuvre la micro- lithographie. Au lieu d'une matrice tamisante de type gel ou polymère non réticulé, elles mettent en œuvre des obstacles topologiques constitués de matériau solide compact, pour jouer sur les changements entropiques des molécules qu'ils induisent. Un exemple de telles techniques est décrit dans l'article Jongyoon Han
et Harold G. Craighead (Anal. Chem 2002, 74 : 394-401, « Characterization and optimization of an entropie trop for DNA séparation »). Dans cet article, une cellule de migration comportant un couloir présentant une alternance de régions fines et larges est utilisée. Cette cellule fait ainsi passer de manière répétée les molécules directement d'une situation d'absence de confinement à une situation de fort confinement. Il est rapporté que cette cellule à obstacles topologiques permet la séparation de molécules d'ADN dans la gamme des 1-200 kb. Le . couloir a une longueur de 1,5 cm de long et une largeur de 30 micromètres, et la durée nécessaire à la séparation est d'environ 30min. II est en outre indiqué que s'il l'on tentait d'extrapoler le fonctionnement du système décrit à la situation d'ADN de taille chromosomique, le système devrait présenter une taille de l'ordre de 5cm, nécessiterait une durée de migration de l'ordre de 3,5 heures, et parviendrait vraisemblablement à une purification de l'ADN plutôt qu'à une réelle séparation.
Un autre exemple d'une telle technique est proposé dans l'article Masanori Ueda, Tetsuya Hayama, Yuzuru Takamura, Yasuhiro Horiike et Yoshinobu Baba (Electrophoresis 2002, 23 : 2635-2641, « Investigation of the possibility of geometrical electrophoresis »). Le système décrit est un système complexe, qui combine un fort confinement des molécules (diamètre de capillaire très inférieur au rayon de Flory des molécules), la présence d'obstacles topologiques (mise en jeu de l'élasticité des molécules d'analytes), et un effet de tamisage sur polymère non réticulé (flux de polyvinylpirrolidone). Ainsi, dans l'article Ueda et al. précité, un capillaire périodiquement incurvé de diamètre 0,6 micromètre est utilisé pour des molécules dont le diamètre indiqué est d'environ 4,5 micromètres. Ce système n'a en outre pas été testé en présence d'un mélange d'analytes, mais seulement en présence d'une seule population (de 166 kb). Son pouvoir de séparation n'est donc pas établi.
II subsiste donc un besoin pour des outils de séparation électrophorétique qui permettraient d'atteindre des performances de rapidité et de pouvoir de séparation satisfaisantes, pour des molécules de grande taille telles que des ADN de taille supérieure à 50kb, et des ADN double-brin en particulier, tout en étant simples à
fabriquer, aisés à mettre en œuvre, faciles à ré-utiliser pour différentes séparations.
DESCRIPTION SYNTHETIQUE DE L'INVENTION :
Face à ce problème, les Demanderesses ont mis au point des moyens de dispositif et de procédé d'électrophorèse qui ne présentent pas les désavantages des techniques de l'art antérieur, et qui, pour ce faire, mettent en jeu une relation de confinement particulière qui, schématiquement, correspond à un confinement « intermédiaire » entre la situation d'absence de confinement qui est par exemple observée lorsque les molécules sont laissées libres en solution, et la situation de fort confinement qui est par exemple observée lorsque les molécules sont placées dans un couloir de migration dont une dimension est inférieure au plus petit des rayons moléculaires moyens des populations en mélange. Cette situation de confinement intermédiaire peut être paramétrée sous la forme :
Rmin < h < δRmax, c'est-à-dire 0,2 < τc < 2, avec : h la plus petite dimension du couloir de migration,
Rmin le plus petit des rayons moléculaires moyens des populations d'analytes en mélange (rayon de la pelote gaussienne en solution),
Rma le plus grand des rayons moléculaires moyens des populations d'analytes en mélange (rayon de la pelote gaussienne en solution), et τc le taux de confinement appliqué (τc = 2R/h).
Deux grands modes de fonctionnement peuvent leur être appliqués :
- un mode sans flux électro-osmotique (sans EOF), c'est-à-dire avec des parois à faces internes électriquement neutres : dans ce cas, la migration d'analytes chargés négativement se fait en direction du pôle positif, et celle d'analytes chargés positivement se fait en direction du pôle négatif, et - un mode avec flux électro-osmotique (avec EOF), c'est-à-dire avec des parois à faces internes électriquement chargées, négativement ou positivement : si les faces internes des parois sont chargées négativement, l'EOF va du pôle positif vers le pôle négatif, et lorsqu'ils seront soumis à la fois au champ électrique et à
l'EOF, les analytes chargés négativement seront entraînés, vers le pôle négatif, si les faces internes des parois sont chargées positivement, l'EOF va du pôle négatif vers le pôle positif, et lorsqu'ils seront soumis à la fois au champ électrique et à l'EOF, les analytes chargés positivement seront entraînés vers lé pôle positif. Les moyens d'électrophorèse conformes à l'invention ne nécessitent pas la présence d'obstacles topologiques. Ils peuvent en outre être munis de moyens de réglage de sorte qu'ils sont ré-utilisables pour différentes séparations.
Les moyens conformes à l'invention permettent de séparer tout type de populations d'analytes chargés, et de manière avantageuse, permettent de séparer des populations d'acides nucléiques de forts poids moléculaires compris en mélange dans une solution (tels que des acides nucléiques dans la gammé dès 50 à 250 kb, notamment).
Les moyens d'électrophorèse conformes à la présente invention présentent en outre l'avantage de ne pas nécessairement requérir l'application d'un champ puisé (des populations d'acides nucléiques dans la gamme des 50-250 kb peuvent être séparées en champ continu), d'être ré-utilisables, et de pouvoir être maintenus à une taille inférieure au centimètre, voire au millimètre (la longueur de migration efficace pour séparer des populations d'acides nucléiques dans la gamme des 50- 250kb est d'environ 1,58 micromètre). Le dispositif selon l'invention peut donc être fabriqué sous la forme d'une puce, telle que micro- ou nano-puce.
BREVE DESCRIPTION DES FIGURES :
Dans la présente demande, il est fait référence aux figures suivantes : Les Figures 1A, IB, 2 A, 2B, 3 A, 3B, 4, 5 présentent différentes représentations schématiques d'un couloir de volume V selon l'invention.
Les Figures 6 et 7 présentent une représentation schématique d'une vue en coupe longitudinale d'un mode de réalisation d'un dispositif selon l'invention.
La Figure 8 présente un profil de vitesse de flux électro-osmotique dans un système à deux parois de verre chargées négativement, conformément à l'invention.
Les Figures 9 et 10 présentent une représentation schématique d'une vue en coupe d'un dispositif selon l'invention dont le couloir est défini par deux parois en verre
Pri et Pr2 (Figure 9 : vue en coupe longitudinale ; Figure 10 : vue de dessus).
Les Figures 11, 12, 13 et 14 présentent des photographies d'un dispositif prototype conforme à l'invention.
Les Figures 15 et 16 sont des graphes présentant la mobilité apparente en fonction de la hauteur inter-paroi (h, également appelée épaisseur e), pour une population d'ADN T2 et pour une population d'ADN lambda (populations non mélangées).
Les Figures 17 et 18 sont des graphes présentant les distributions de vitesse observées pour une solution comprenant deux populations d'analytes en mélange (ADN T2 et ADN lambda) à différentes hauteurs inter-parois h (hauteur h, également appelée épaisseur e) : Figure 17 colonne de gauche : hauteur (ou épaisseur) de 1,2 micromètre ; Figure 17 colonne de droite : hauteur de 2,3 micromètres ; Figure 18 colonne de gauche : hauteur de 5 micromètres ; Figure 18 colonne de droite : hauteur de 8 micromètres. Les graphes du haut présentent la distribution des vitesses des populations d'ADN T2 et d'ADN lambda en mélange ; les graphes du milieu et du bas présentent la distribution de la vitesse de la population d'ADN T2 et celle de la population d'ADN lambda, respectivement, telles qu'extraites du graphe « mélange » correspondant (graphe du haut). Les Figures 19A, 19B et 19C sont une représentation schématique de l'inversion des vitesses due à l' électro-osmose (la somme algébrique de la vitesse due au champ électrique appliqué et de la vitesse due au flux électro-osmotique EOF est telle que les molécules chargées négativement, telles que les acides nucléiques, migrent vers le pôle négatif). La Figure 20 donne une représentation schématique de la mobilité μ des ADN T2 et lambda en fonction de la hauteur inter-parois h entre les plaques de verre. La Figure 21 donne une représentation schématique de la mobilité électrophorétique (sans EOF) μei en valeur absolue des ADN T2 et lambda en fonction de la hauteur inter-parois h entre les plaques de verre. La Figure 22 présente l'évolution théorique de la mobilité vraie μ (en unité arbitraire) en fonction de la hauteur inter-parois h (trait continu = mobilité de la population d'ADN lambda ; trait pointillé = mobilité de la population d'ADN T2).
Les Figures 23 et 24 montrent une représentation schématique d'un dispositif conforme à l'invention présenté en coupe longitudinale (Figure 23 : couloir de volume N de type biseau ; Figure 24 couloir de volume N en demi-biseau).
DESCRIPTION DETAILLEE DE L'INVENTION :
La présente invention est ainsi relative à un dispositif et un procédé qui sont spécialement adaptés à, et permettent la séparation électrophorétique de n population(s) PAj d'analytes chargés électriquement, à partir d'une solution les comprenant en mélange, avec i allant de 1 à n, et avec n supérieur ou égal à 1, et avantageusement avec n supérieur ou égal à 2. Chaque population d'analytes PAj est caractérisée par un rayon moléculaire moyen R; qui, dans ladite solution, est différent de celui de la ou des autres populations PAj d'analytes chargés.
Le dispositif selon l'invention comprend une unité de migration qui comprend au moins une paroi solide compacte définissant un couloir de migration dans lequel il y a un espace de volume V, dans lequel est susceptible de régner un champ électrique. Ce couloir est destiné à recevoir ladite solution de populations PA; d'analytes à séparer, et à y permettre la migration de ces populations PAi suivant une direction de migration Dm contenue dans ledit volume N dudit couloir sur une longueur de migration disponible Lmdisponibie-
Ce couloir présente un volume N qui, tout au long de ladite longueur de migration disponible Lm is onibie, ou sur une partie efficace de celle-ci, est adapté pour maintenir chacune des populations d'analytes PA; destinées à être reçues dans ce couloir à un taux de confinement τq qui est supérieur ou égal à 0,2 et inférieur ou égal à 2, préférentiellement supérieur ou égal à 0,2 et inférieur ou égal à 1,7.
Le taux de confinement τq d'une population PAj à un point p de ladite longueur de migration disponible Lmdisponibie étant défini par le rapport suivant : τcj = [2 x (le rayon moléculaire moyen Rj de la population PAi)] / [la plus petite dimension de l'espace de volume N dudit couloir qui est perpendiculaire à la direction Dm de migration audit point p].
Le taux de confinement requis conformément à la présente invention représente un confinement « intermédiaire » entre la situation d'absence de confinement qui est par exemple observée lorsque les molécules sont laissées libres en solution, et la situation de fort confinement qui est par exemple observée lorsque les molécules sont placées dans un couloir de migration dont une dimension est inférieure au plus petit des rayons moléculaires moyens des populations en mélange. Cette situation de confinement intermédiaire peut être paramétrée sous la forme : Rmin ≤ h < 6Rmax, c ' est-à-dire 0,2 < τc < 2, avec : h la plus petite dimension du couloir de migration,
Rmin le plus petit des rayons moléculaires moyens des populations d'analytes en mélange (rayon de la pelote gaussienne en solution), Rma le plus grand des rayons moléculaires moyens des populations
• d'analytes en mélange (rayon de la pelote gaussienne en solution), et τc le taux de confinement appliqué (τc = 2R/h).
Les populations PAj d'analytes doivent être maintenues en confinement « intermédiaire » conforme à l'invention sur une distance suffisamment longue pour que la séparation recherchée se produise effectivement (vitesses moyennes de migration significativement différentes, en tenant compte de l'écart-type au sein de chaque population) ; cette longueur nécessaire est la longueur efficace de migration Liriefïicace- Le couloir de la cellule peut donc offrir le confinement voulu sur toute la longueur de migration qu'il offre (longueur de migration disponible
Lmdisponibie)- On peut néanmoins choisir une cellule qui offre une longueur de migration disponible Lmdisponibie légèrement excédentaire par rapport à la longueur de migration qui aurait été théoriquement suffisante (longueur efficace de migration L etπcace). Dans ce cas, le couloir présente le confinement « intermédiaire » requis conformément à l'invention sur une partie de longueur de migration disponible Lmd;sponjbie. Cette partie doit toutefois correspondre à une partie efficace, c'est-à-dire une partie à l'entrée de laquelle les populations PA; ne sont pas séparées (vitesses de migration non significativement différentes), mais à
la sortie de laquelle les populations sont séparées (vitesses de migration significativement différentes). Cette partie efficace du couloir représentera donc généralement une partie majoritaire de ce couloir.
Le couloir du dispositif selon l'invention comprend au moins une paroi solide compacte. Par paroi solide compacte, il est ici entendu une paroi qui est considérée par l'homme du métier comme substantiellement non poreuse en fonctionnement, par exemple non poreuse au contact d'une solution telle qu'une solution d'analytes contenus dans un tampon électrophorétique, par exemple une lame de verre. Cette paroi ne peut donc être constituée par un matériau réticulé ou liquide.
Le rayon moléculaire moyen d'une population PAi d'analytes, c'est-à-dire R;, est le rayon moyen de la pelote moléculaire dans la solution dans laquelle se trouve la molécule avant migration.
Le nom générique de ce rayon est le rayon de giration, symbolisé Rg. Ce rayon Rg varie comme N"0'5 quand la conformation de la pelote macromoléculaire est gaussienne, N représentant le nombre de segments de la chaîne moléculaire. Il correspond au rayon que présente cette molécule dans des conditions de solvatation peu favorables, telles que des conditions de forte salinité (par exemple, une solution tamponnée dont la concentration en sel est égale à 1M) ou de basse température (inférieure à la température ambiante) ou condition thêta. Il est alors désigné, en toute rigueur, par le symbole Rge- Dans de meilleures conditions de solvatation (par exemple molécule placée dans un solvant qui ne comprend pas trop de sels, tel qu'une solution de TBE à 10" M) , le rayon de la molécule augmente. M. Flory a montré que, dans ce cas, le rayon de la macromolécule (classiquement symbolisé Ri) variait comme N"0'6. Le Rge d'une molécule est donc légèrement inférieur à son Rf. Dans la présente invention, le rayon moléculaire à considérer est celui que présente effectivement la molécule concernée dans la solution dans laquelle elle se trouve ; il peut donc, selon les circonstances, s'agir d'un Rf ou d'un Rge.
Pour mesurer la rayon moléculaire moyen d'une population d'analytes, on peut procéder par tout moyen connu de l'homme du métier.
Un moyen classique comprend la mise en œuvre d'un microscope muni d'un réticule millimétrique préalablement étalonné par l'observation d'une réglette graduée micrométrique ent à travers l'objectif du microscope utilisé. L'observation des pelotes moléculaires à travers le réticule permet de mesurer le rayon moléculaire moyen. Si souhaité, pour faciliter l'observation des molécules, on peut en outre marquer les molécules objets de la mesure à l'aide de marqueurs de détection, tels que les marqueurs fluorescents pour les molécules d'ADN (marqueurs : fluorescéine, YOYO™, TOTO™ ou BOBO™ de chez Molecular Probes, Oregon, USA).
Alternativement, on peut remplacer l'œil humain par une chaîne d'acquisition et de traitement de l'image composée d'une caméra (par exemple, une caméra Hamamatsu C2400-08) et d'une carte d'acquisition (par exemple, Matrox Pulsar®) et d'un logiciel de traitement d'images (Matrox Mil® 6.0, par exemple).
De manière remarquable, l'espace de volume N dudit couloir de migration peut être dépourvu d'obstacle topologique. Il présente alors des faces internes qui, macroscopiquement, sont rectilignes.
Dans un mode de réalisation spécialement adapté à la séparation électrophorétique de n population(s) d'acides nucléiques PAi dont le(s) rayon(s) moléculaire(s) moyen(s) (respectifs) Rj est(sont) compris entre 0,5 et 1 micromètre, bornes incluses, à partir d'une solution les comprenant en mélange, un dispositif conforme à l'invention comprend un espace de volume N dont la plus petite dimension est classiquement comprise entre 1,2 et 5 micromètres, bornes incluses, préférentiellement entre 2 et 4 micromètres, par exemple 2,3 micromètres. Ce dispositif présente l'avantage de permettre la séparation de populations PAi d'ADN dont la taille est supérieure à 50kb, par exemple entre 50 et 250 kb. Par exemple, pour un mélange d'une population de rayon moléculaire moyen 1 micromètre (telle qu'une population d'ADN T2) et d'une population de rayon moléculaire moyen 0,5 micromètre (telle qu'une population d'ADN lambda), on peut choisir une hauteur constante de 1,2 micromètre (τ ambda = 0,83 ; τcχ2 =
1,67), de 2,3 micromètres (τ am da = 0,43 ; τc-n = 0,9), ou de 5 micromètres
(τciambda = 052 ; τcχ2 = 0,4), cf. exemple 2 ci-dessous. Par contre, une hauteur constante de 8 micromètres ne conviendrait pas (τcιambda = 0,25 ; mais τcτ2 = 0.13).
Selon un mode de réalisation avantageux de l'invention, le dispositif d'électrophorèse comprend en outre des moyens de réglage dudit volume V pour permettre de faire varier ce volume V en fonction des rayons moléculaires moyens Ri des populations PAj d'analytes chargés destinées à être reçues dans ledit couloir de migration. Grâce à ces moyens, un même dispositif peut être utilisé pour toute une variété de séparations électrophorétiques successives ; le dispositif selon l'invention présente ainsi une très grande adaptabilité. Le prototype présenté en illustration dans les exemples qui suivent comporte ainsi des tiges filetées (cf. Figures 9, et 11-14). L'homme du métier peut néanmoins bien entendu prévoir tout type de dispositif de réglage qui est adapté au volume de couloir particulier sélectionné, à la précision dé réglage souhaitée, et à la facilité de manipulation recherchée. Des exemples de moyens de réglage comprennent une platine de translation ou une platine de tilt à réglage micrométrique.
Ledit couloir de migration peut présenter un volume V choisi parmi le groupe constitué par un volume à section constante (cf. Figures 1 A, IB, 4) et un volume à sections divergentes (cf. Figures 2A, 2B, 3A, 3B, 5).
Par exemple, ledit couloir de migration peut présenter un volume N choisi parmi le groupe constitué par un volume parallélépipédique (Figures 1A, IB), un volume de type biseau (Figures 2A, 2B), un volume de type demi-biseau (Figures 3A, 3B), et un volume cylindroïde tel qu'un volume cylindrique (Figure 4), un volume de tronc conique (Figure 5).
Selon un mode de réalisation particulier de l'invention, le dispositif d'électrophorèse présente un espace de volume N qui est défini par au moins une paroi solide compacte est délimité par au moins deux faces solides compactes Fi et F2 en regard l'une de l'autre, tel qu'un espace de volume N qui est défini par au
moins deux parois solides compactes Pri et Pr2 en regard l'une de l'autre (cf.
Figures illustratives 6 et 7).
Ces au moins deux faces solides compactes Fi et F2 en regard l'une de l'autre, sont alors séparées par : - une hauteur h constante non nulle (cf. Figure illustrative 6), ou par
- un gradient de hauteurs non nulles Vh, qui s'étend de la hauteur la plus faible hmin à la hauteur la plus élevée hmax, avec hmin < hmax (cf. Figure illustrative 7), de manière à définir entre elles ledit couloir de migration de volume N, et - ladite hauteur h constante est supérieure ou égale au plus petit des rayons moléculaires moyens (R in) des populations PA; destinées à être reçues dans ledit couloir, mais inférieure ou égale à six fois le plus grand des rayons moléculaires moyens des populations d'analytes PAj destinées à être reçues dans ledit couloir (6 x Rma ), ou le cas échéant, - ledit gradient Vh est tel que sa borne inférieure hmin est supérieure ou égale audit Rmi„, et sa borne supérieure hma est supérieure ou égale à 6
X -K-max-
La « plus petite dimension de l'espace dudit couloir qui est perpendiculaire à ladite direction Dm de migration » est ici la hauteur h, ou le gradient de hauteurs h, de l'espace inter-faces.
Lesdites au moins deux faces Fi et F en regard l'une de l'autre peuvent être toutes deux placées parallèlement à ladite direction Dm de migration (cf. Figures 1A, 1B, 4, 6).
On peut également placer l'une desdites au moins deux faces en regard l'une de l'autre Fi ou F2, ou les deux faces Fi et F2, de manière à ce qu'elle(s) forme(nt) un angle θ non nul par rapport à ladite direction Dm de migration (cf. Figures 2A, 2B, 3A, 3B, 5, 7).
Selon un mode de réalisation particulier de l'invention, l'une desdites au moins deux faces Fi et F2 en regard l'une de l'autre forme un angle θ non nul par rapport à ladite direction Dm de migration, tel que cet angle θ non nul est inférieur ou égal
à θma = Arcsin [6Rmax / L], avec L longueur de la face correspondante, et l'autre desdites au moins deux faces Fi et F2 en regard l'une de l'autre est parallèle à ladite direction Dm de migration (volume de type demi-biseau, cf. Figures 3A,
3B).
Selon un autre mode de réalisation particulier de l'invention, lesdites au moins deux faces Fi et F2 en regard l'une de l'autre forment chacune un angle θ non nul par rapport à ladite direction Dm de migration, respectivement θl et Θ2, avec θl égal à ou différent de Θ2, et ces angles θl et Θ2 sont tous deux inférieurs ou égaux à Θmaχ = Arcsin [3Rmax / L], avec L longueur de la face correspondante (volume de type biseau, cf. Figures 2A, 2B).
L'angle θ non nul qu'une desdites au moins deux faces forme par rapport à ladite direction Dm de migration peut être égal à celui formé par l'autre desdites au moins deux faces, ou il peut en être différent. Concernant cet aspect, il n'y a donc pas de contrainte en terme d'usinage et d'ajustement.
Le dispositif selon l'invention peut en outre comprendre des moyens pour l'alimenter facilement en solution. Il est recommandé de veiller à ce que la solution soit apportée dans ledit espace de volume sans créer de bulles gazeuses au sein de la couche de liquide dans le couloir. De manière avantageuse, le dispositif selon l'invention peut donc comprendre un conduit d'alimentation destiné à alimenter ledit couloir de volume N en solution de populations PA; d'analytes à séparer. Ce conduit peut par exemple prendre la forme d'un capillaire ou d'une cheminée (symboliquement illustrée par un petit tube plastique en Figures 12, 13, 14), ou bien encore la forme d'un goulot d'arrivée au départ du couloir de migration.
Le dispositif selon l'invention peut fonctionner selon deux grands types de modes : un mode sans flux électro-osmotique (sans EOF), et un mode avec flux électro-osmotique (avec EOF).
Dans un mode de fonctionnement sans EOF, la ou chacune des parois solides compactes dudit couloir de volume N a une face interne électriquement neutre, ou
électriquement isolée, par exemple une face interne non ionisable, c'est-à-dire une face interne qui, en fonctionnement, ne se charge pas significativement lors de son mouillage par la solution ionique. Par exemple, la ou chacune des parois solides compactes dudit couloir de volume N peut être une paroi en matériau solide compact, couverte sur sa face interne d'une couche de revêtement électriquement isolant.
Conformément à la présente invention, on préférera que ladite ou chacune des faces internes électriquement neutres présente une attraction εs inférieure ou égale à 2,0, c'est-à-dire une attraction nulle ou faible, de manière à éviter les phénomènes d'adhésion et d'adsorption des molécules, qui sont susceptibles de perturber la qualité de la séparation. On peut par exemple utiliser un revêtement qui présente une attraction εs inférieure ou égale à 2,0, tel qu'un revêtement de polymère neutre, par exemple un revêtement choisi parmi le groupe constitué par un revêtement en PNP (polyvinylpirrolidone), un revêtement en PDMA (polydiméthylacrylamide). Il est recommandé de veiller à ce que le revêtement isolant recouvre toute la face interne de la paroi, sans laisser de zone ou microzone non isolée.
Dans un mode fonctionnement avec EOF, la ou chacune des parois solides compactes dudit couloir de volume N a une face interne capable de se charger électriquement, ou plus précisément une face interne électriquement ionisable (face interne qui est dans un matériau qui comporte des groupements chimiques ionisables). Cette ou chacune de ces faces internes est ainsi capable de se charger électriquement selon le pH de la solution avec laquelle on la met en contact. On choisira plus particulièrement une face interne capable de se charger négativement au contact d'une solution basique telle qu'une solution à pH 8,3. Dans un mode de fonctionnement avec EOF, cette ou face interne n'est donc pas recouverte de matériau électriquement isolant.
En fonctionnement, du fait des charges électriques de cette ou ces face(s), il se crée contre cette ou ces faces internes négatives, une couche de liquide d'épaisseur K"1, qui comprend un excès de charges positives (couche de Debye- Hϋckel). En Figure 8, est représenté de manière schématique le profil de vitesse du flux électro-osmotique entre deux plaques de verre chargées négativement (la
longueur K" a été exagérée pour la clarté de la représentation, mais elle est de l'ordre du nanomètre pour une solution dont la force ionique est de 10"2M). Lorsque l'on applique le champ électrique, cette (ou ces) couche(s) de contre-ions se déplacent vers l'électrode négative, et entraîne(nt) avec elle(s) le liquide. Il se crée ainsi un flux électro-osmotique ou EOF.
Il est recommandé de veiller à ce que cette face interne chargée soit de type hydrophile, c'est-à-dire une surface « facilement mouillable. par une solution , aqueuse ». Une surface est considérée par l'homme du métier comme étant de type hydrophile lorsqu'une goutte d'eau déposée sur cette surface fait un angle de contact inférieur à 5 degrés avec cette surface. Plus précisément une surface est considérée comme « de type hydrophile » ou « mouillable », lorsque son « spreading parameter » S est strictement supérieur à zéro, avec S≈ γsv - 7SL - 7LV où γsv représente l'énergie par unité de surface entre l'élément solide (ici, la surface de la paroi) et la vapeur (ici, l'air ambiant), γsL représente l'énergie par unité de surface entre l'élément solide (ici, la surface de la paroi) et le liquide (ici, la solution aqueuse), et YLV représente l'énergie par unité de surface entre le liquide et la vapeur.
Dans le cas de la séparation de polyanions avec EOF, on pourra donc choisir une paroi en matériau négatif ou neutre tel que le verre ou le mica ; dans le cas de la séparation de polycations avec EOF, on pourra donc choisir une paroi en matériau positif ou neutre telle qu'une paroi à surface en oxydes de métaux (oxyde de titane, oxyde de cerium, oxyde d'aluminium, par exemple).
Conformément à la présente invention, la ou chacune des faces internes desdites parois solides compactes dudit couloir de volume N peut présenter une rugosité faible à nulle, et notamment une rugosité comprise entre 0 et 100 Angstrôm, préférentiellement entre 2 et 60 Angstrôm, par exemple de 5 à 50 Angstrôm, toutes bornes incluses.
La ou chacune des parois solides compactes dudit couloir de volume N peut donc être une paroi en verre (qui, classiquement, présente une rugosité de 5 à 50
Angstrôm environ).
Le dispositif selon l'invention peut en outre comprendre des moyens, tel qu'un capillaire, pour collecter les populations PAj d'analytes séparées.
Le dispositif selon l'invention peut par ailleurs comprendre des moyens adaptés pour appliquer un champ électrique au sein dudit espace de migration, de sorte à permettre l'induction d'une migration desdites populations d'analytes PAi suivant ladite direction Dm de migration. Par exemple, le dispositif peut comprendre des électrodes en platine et/ou réservoirs destinés à contenir un tampon électrophorétique et/ou un générateur de courant électrique (générateur de courant continu et/ou de courant alternatif).
De manière particulière remarquable, le dispositif selon l'invention peut être miniaturisé. Il peut notamment être réduit à une taille inférieure au centimètre, préférentiellement une taille inférieure au millimètre. La présente invention vise donc également toute nano- ou micro-puce qui comprend un dispositif selon l'invention.
Les inventeurs ont en effet pu mettre en évidence que, pour séparer deux populations d'ADN qui sont contenues en mélange équimolaire dans une solution, et dont les rayons moléculaires moyens RI et R2 sont de 0,5 micromètre et 1 micromètre respectivement (ADN lambda de 50 kb environ, et ADN T2 de
164kb), la distance efficace de migration nécessaire pour atteindre une différence de 20s entre les pics d'élution respectifs de migration des deux populations d'ADN ne dépasse pas 10 mm (dispositif à deux parois parallèles séparées d'une hauteur de 1,2 micromètre). Cette distance efficace de migration peut, dans cet exemple de mélange équimolaire d'ADN lambda et T2, être réduit à 0,5 mm, en choisissant une hauteur inter-parois de 2,3 micromètres. Pour cet exemple de séparation de deux populations ADN d'environ 50 et 164kb, le dispositif selon l'invention a donc, dans sa disposition conduisant à une taille inférieure au centimètre, tout comme dans sa disposition conduisant à une taille inférieure au millimètre, la capacité de séparer des ADN de bas PM (taille inférieure à 50kb), tout comme des ADN de hauts PM (taille égale ou supérieure à 50 kb).
On voit donc que le dispositif selon l'invention présente des performances de séparation telles, qu'il peut être réalisé sous la forme d'une micro-puce, voire
d'une nano-puce. De telles micro- ou nano-puces sont particulièrement appropriées à la séparation de populations d'acides nucléiques tels que des ADN et des ARN, et notamment d'acides nucléiques double-brin. Les performances en terme de rapidité et de pouvoir de séparation sont en effet telles que l'invention permet d'accéder à la séparation électrophorétique d'ADN double-brin tels que des ADN chromosomiques.
La présente invention vise également un procédé pour là séparation électrophorétique de n population(s) d'analytes PAj chargés électriquement, à partir d'une solution les comprenant en mélange, avec i allant de 1 à n et avec n supérieur ou égal à 1, chaque population PAj d'analytes étant caractérisée par un rayon moléculaire moyen Rj différent de celui des autres populations PAj d'analytes contenues dans ladite solution. Le procédé d'électrophorèse conforme à l'invention est caractérisé en ,ce que l'on place ladite solution de telle sorte que toutes les populations PA; d'analytes à séparer se trouvent maintenues à un taux de confinement qui est supérieur ou égal à 0,2, et inférieur ou égal à 2, et l'on applique un champ électrique, de manière à ce que lesdites populations d'analytes PA; migrent d'un pôle à l'autre suivant ladite direction Dm de migration, chaque population d'analytes PAj contenue dans ladite solution acquérant une vitesse moyenne significativement différente de celle des autres populations PAj à séparer contenues dans ladite solution. Pour ce faire, on peut avantageusement utiliser un dispositif selon l'invention.
Notamment lorsque la solution est de composition inconnue, c'est-à-dire lorsque les populations PA; en mélange ne sont pas préalablement connues, on peut alors déterminer la hauteur h (la plus petite dimension dudit couloir à un point p suivant la direction de migration Dm) en fonction du plus petit des rayons moléculaires moyens des populations PAj destinées à être reçues dans ledit couloir (R in)» et du plus grand des rayons moléculaires moyens des populations PAj destinées à être reçues dans ledit couloir (Rmaχ)- Le procédé selon l'invention peut alors comprendre alors les étapes suivantes :
- on fournit un dispositif ou une puce selon l'invention, sélectionné de telle sorte que :
τ min = [2 x Rmin] / [la plus petite dimension de l'espace de volume N dudit couloir qui est perpendiculaire à la droite Dm de migration], et τcj max = [2 x Rmax)] / [la plus petite dimension de l'espace de volume N dudit couloir qui est perpendiculaire à la direction Dm de migration] soient tous deux, indépendamment l'un de l'autre, supérieurs ou égaux à 0,2 et inférieurs ou égaux à 2, avec Rmin représentant le plus petit des rayons moléculaires moyens des populations PA; destinées à être reçues dans ledit couloir, et avec Rmax le plus grand des rayons moléculaires moyens des populations PAj destinées à être reçues dans ledit couloir, on dépose ladite solution dans ledit dispositif ou ladite puce en la plaçant dans le couloir de ce dispositif ou cette puce, et on applique un champ électrique, de manière à ce que lesdites populations d'analytes PAj migrent d'un pôle à l'autre suivant ladite direction Dm de migration. Chaque population d'analytes PA; contenue dans ladite solution acquiert ainsi une vitesse moyenne significativement différente de celle des autres populations PA; à séparer contenues dans ladite solution. On peut alors laisser les populations migrer pendant la durée nécessaire (ou les distances respectives) pour qu'elles atteignent les temps d'élution souhaités (ou les différences de distance souhaitées).
Ce procédé présente l'avantage de permettre de résoudre de hauts PM (séparation des ADN de taille supérieure à 50kb), tout en restant en champ continu.
Il est recommandé de veiller à déposer la solution en s'assurant que l'on ne crée pas de bulles. Cette solution peut être par exemple apportée au sein dudit couloir de migration via un conduit d'alimentation (cheminée ou goulot), ou bien directement dans le couloir de volume N, par exemple en l'étalant sur le premier tiers du plan de migration puis en étalant du tampon électrophorétique sur les deux autres tiers.
Bien entendu, la longueur dudit couloir de volume N doit être suffisante pour permettre ladite séparation. Pour un choix de hauteur ou d'un gradient de hauteurs
donné, cette longueur dépend des populations à séparer, mais aussi d'autres conditions opératoires telles que nature du champ électrique, intensité du champ électrique, nature du tampon utilisé. En fonction de ces conditions opératoires, l'homme du métier saura déterminer au cas par cas la longueur minimale efficace, si nécessaire au moyen d'essais préliminaires. Comme illustré dans les exemples ci-dessus, on parvient en effet à séparer des ADN compris entre 50 et 250 kb en champ continu avec une tension de 1 à 30 N sur une distance inférieure au . centimètre, voire au millimètre (acquisition d'une différence de 20s entre les pics d'élution de la population à Rmin -ADN lambda- et de la population à Rm x -ADN T2-). Il peut donc, dans un premier temps, être choisi de mettre en œuvre un dispositif qui offre une distance de migration disponible de plusieurs centimètres afin de se placer en très large excédent de longueur de migration disponible, pour ensuite ajuster et optimiser les dimensions efficaces du dispositif.. La séparation obtenue après avoir soumis les populations PAj à une confinement « intermédiaire » conforme à la présente invention est en effet conservée pendant plusieurs cm, de sorte que l'on peut construire un dispositif de longueur surdimensionnée à titre de prototype. Dans le cas de l'exemple précité, deux lames de microscope de 7,5 cm ont été utilisées en prototype ; de telles lames offrent donc une longueur de migration suffisamment excédentaire pour permettre tout type de séparation électrophorétique d'acides nucléiques.
Il est également recommandé de veiller à ce que la concentration en populations d'analytes dans la solution ne soit pas trop forte. Il a en effet été constaté qu'une trop forte concentration nuisait à la qualité de la séparation. Les interactions entre analytes gênent une differentiation maximum des vitesses des populations. Aussi, une concentration globale de l'ordre du dixième du C* du plus gros analyte (C* = concentration à partir de laquelle les molécules du plus gros analyte commenceraient à se toucher) apparaît préférable.
Lorsque l'on souhaite travailler en mode sans EOF, on peut utiliser un dispositif selon l'invention dont le couloir est à faces internes électriquement isolées et/ou non ionisables (cf. ci-dessus). L'on déposera alors ladite solution de populations PA; d'analytes en mélange dans le couloir dudit dispositif du côté du pôle positif
ou négatif selon le signe de la charge des populations à séparer. Dans le mode sans EOF, les populations d'analytes chargés négativement migrent en effet en direction du pôle positif, et les populations d'analytes chargés positivement en direction du pôle négatif. Si les populations PAj à séparer sont constituées d'analytes chargés négativement, tels que acides nucléiques (ADN, notamment), on peut donc déposer la solution dans le couloir du côté du pôle négatif, les molécules les plus petites sortiront en premier au pôle positif. Si les populations PAj à séparer sont constituées d'analytes chargés positivement, on peut donc déposer la solution dans le couloir du côté du pôle positif, et les molécules les plus petites sortiront en premier au pôle négatif.
Lorsque l'on souhaite travailler en mode avec EOF, on peut utiliser un dispositif selon l'invention dont le couloir est à faces internes électriquement chargées ou ionisées tel que décrit ci-dessus. Les inventeurs ont en effet mis en évidence que, en présence d'EOF, du fait de la somme algébrique du champ électrique et de cet EOF, les populations d'analytes migrent en sens inverse de ce qu'il est observé en l'absence d'EOF : les populations d'analytes chargés négativement, tels que les acides nucléiques, migrent en direction du pôle négatif, et les populations d'analytes chargés positivement migrent en direction du pôle positif. Une solution de populations PA; d'analytes chargés négativement peut donc être déposée dans le couloir dudit dispositif du côté du pôle positif, alors qu'une solution de populations PAj d'analytes chargés positivement peut être déposée dans ledit couloir du côté du pôle négatif. Si un conduit d'alimentation en solution est inclus dans le dispositif destiné à travailler avec EOF, on placera donc de préférence ce conduit (capillaire ou cheminée, par exemple) du côté du pôle le plus approprié (pôle positif pour des analytes négatifs, pôle négatif pour des analytes positifs).
Le dispositif et le procédé selon l'invention sont adaptés à la séparation de tout type de toute population de molécules chargées ou chargeables. Des exemples de molécules comprennent les acides nucléiques double-brin (acides nucléiques chromosomiques notamment), les acides nucléiques simple-brin, tels que ADN et ARN double-brin et simple-brin ; les protéines ; les polymères ioniques tels que les polysaccharides ioniques et notamment les polysaccharides anioniques
d'origine bactérienne ou végétale tels que les xanthanes, les succinnoglycanes et les carraghénanes.
Des xanthanes et des succinnoglycanes peuvent en effet être séparés d'un milieu de culture bactérien, tel que par exemple un milieu de culture de Pseudomonas campestris.
Les carraghénanes peuvent être séparés à partir de broyats ou d'extraits végétaux.
Ces polysaccharides sont notamment utiles pour l'industrie alimentaire.
Ils sont notamment utiles comme épaississant dans des produits alimentaires tels que les yaourts, dans des produits pharmaceutiques ou para-pharmaceutiques (médicaments, cosmétiques, produits pour l'hygiène) tels que les dentifrices, dans des produits tels que la peinture.
La préparation de fractions monodispersées permet d'optimiser leur utilisation quand la propriété recherchée (rhéofluidifiant, épaississant,..) dépend fortement de la masse.
De manière remarquable, le procédé selon l'invention peut être mis en œuvre sous champ électrique continu, par exemple, une tension appliquée continue comprise entre 1 et 1000 N, bornes incluses et choisie en fonction du système pour correspondre à un champ électrique compris entre 1 et 200 N/cm de manière à ce qu'il permette la séparation souhaitée, tout en conservant une bonne élimination de l'effet Joule.
Ceci étant, on pourra toutefois choisir d'appliquer un champ puisé.
La présente demande est également relative à toute utilisation d'un dispositif ou procédé conforme à l'invention pour la séparation d'ADN chromosomique, ou pour la production de xanthanes, succinoglycanes ou de carraghénanes monodispersés, par séparation à partir d'une solution en contenant en .mélange avec d'autres composés, ou pour la séparation de polyélectrolytes.
La présente invention est illustrée par les exemples qui suivent, donnés à titre purement illustratif. Ils ne la limitent en aucune façon.
EXEMPLE 1 : VITESSES DE MIGRATION
Un prototype comprenant une unité de migration dont l'espace de volume V est défini dans la plus petite dimension par deux parois en verre a été construit . (système conforme aux schémas des Figures 1A et 6) à l'aide de deux lames de microscope standard (parois Prl et Pr2). La Figure 9 donne une représentation schématique de ce dispositif prototype en coupe longitudinale, et la Figure 10 une représentation schématique d'une vue de dessus de ce dispositif prototype. La Figure 11 en présente une photographie. Les parois en verre sont nues (c'est-à-dire non recouvertes d'un revêtement isolant).
Les capacités migratoires de ce dispositif sont testées en présence d'une solution contenant une population d'ADN lambda (48,5 kb ; Rf = 0,5 micromètre), puis en présence d'une solution contenant une population d'ADN T2 (164 kb ; Rf = 1 micromètre). La solution est tamponnée basique (en l'occurrence, Tris borate EDTA 10"2 M à pH 8,4), ce qui permet d'induire un chargement électrique négatif des parois de verre (solution mère d'ADN lambda à 500 μg/ml fournie par Biolabs (ref 301-1 S), et solution d'ADN T2 à 129 . μg/ml fournie par Sigma Aldrich(refD-4806)).
Les lames de microscope (lames standard en verre de longueur 7,5 cm ; Entreprise Roth-Sochiel SARL, 3, rue de la Chapelle, 67630 Lauterbourg, France) sont plongées dans une solution de tensio-actif £10%, Entreprise Roth-Sochiel SARL, 3, rue de la Chapelle, 67630 Lauterbourg, France) et soniquées durant 15 minutes. Elles sont ensuite rincées à l'eau distillée, et séchées à l'étuve à 60°C. Une bonne mouillabilité des lames est requise pour éviter l'apparition de bulles ; on veillera donc à ne pas dépasser une durée de stockage à sec qui excéderait 2 heures. Les lames pourront par contre être conservée 24 heures dans l'eau distillée sans altération notable de leur mouillabilité.
La lame inférieure est connectée à deux réservoirs en polyoxyméthylène au moyen d'une ligne de joint silicone (CAF 4, Rhône-Poulenc) pour assurer l'étanchéité et la tenue mécanique.
Deux électrodes de platine (diamètre 0,1mm- Société Goodfellow SARL, 229, rue Solférino, 59000 Lille, France) sont insérées dans les réservoirs pour être reliées à un générateur (distance entre électrodes = 8 cm). Un générateur standard basse tension a été utilisé.
On apporte la solution contenant les analytes dans l'espace inter-lames en en déposant une goutte directement au milieu de la lame du bas, avant de recouvrir cette lame avec la seconde. On peut également apporter la solution directement entre les lames en l'étalant sur un tiers de la longueur de la lame, et en recouvrant les deux tiers restant de solution tampon. Alternativement, on peut apporter la solution via un conduit d'alimentation (ou cheminée) prévu à cet effet. Quelque soit le mode d'alimentation choisi, il importe de veiller à ce que le liquide soit apporté sans que des bulles de gaz ne se forment dans la couche de liquide.
Les Figures 12, 13 et 14 présentent des photographies d'un dispositif prototype sur lequel un petit tube en plastique placé sur la lame du haut symbolise la présence d'un éventuel conduit d'alimentation : la Figure 12 en présente une photographie sous forme démontée, la Figure 13 sous forme montée, et la Figure 14 présente le dispositif prototype schématiquement connecté à un générateur. En Figure 13, la borne noire est la borne positive, et la borne rouge la borne positive.
Une plaque de métal évidée (pour permettre l'observation au microscope) est mise et maintenue avec des vis pour assurer le serrage et maintenir la hauteur interlames h souhaitée (également appelée épaisseur e) (pièce figurant en haut de la Figure 12, et apparaissant en' premier plan en Figure 13).
Les deux réservoirs sont remplis de solution tampon (Tris borate EDTA 10"2 M à pH 8,4). L'épaisseur de liquide entre les lames est calculée précisément à partir d'une mesure de l'intensité du courant à l'aide d'un microampèremètre placé en
série (U = Ri, lere loi d'Ohm ; on connaît U, on mesure i, on calcule R qui est fonction de l'épaisseur).
On mesure la vitesse ou mobilité électrophorétique (μ ≈ VADN/E, OÙ E désigne le champ électrique défini comme le quotient de U par la distance entre électrodes) à l'aide d'une caméra montée sur un microscope qui enregistre le déplacement des molécules. On détermine la vitesse des molécules par analyse des images du film. Les mesures sont effectuées pour différentes tensions appliquées (20N, 30N, 40N, 50N et 60N). Il a été vérifié que la mobilité électrophorétique (vitesse/champ électrique) était indépendante du champ.
De cette façon, la vitesse de la population d'ADN T2 et celle de la population d'ADN lambda ont été mesurées à différentes hauteurs inter-lames h.
La Figure 15 donne une illustration des résultats obtenus (mobilité apparente de chaque population en fonction de la hauteur inter-lames).
On constate que les vitesses (ou mobilités) sont différentes, et que le dispositif de l'invention permet donc de faire migrer la population d'ADN 48,5 kb à une vitesse différente de celle de la population d'ADN 164 kb.
La Figure 16 présente une représentation des mobilités mesurées en fonction de la hauteur inter-lames h (les symboles carrées représentent la population d'ADN T2, les symboles en croix la population d'ADN lambda). On observe qu'il y a bien une différence de vitesse entre les deux masses moléculaires pour des épaisseurs équivalentes. L'ADN T2 a une vitesse plus importante que celle de l'ADN lambda. Le phénomène de flux électro-osmotique (EOF) inverse l'ordre des mobilités (les plus fortes masses de déplacent plus vite). On peut distinguer trois régimes :
- régime I : à petite épaisseur (plus petite que la taille des chaînes), la mobilité mesurée augmente avec l'épaisseur et atteint un maximum,
- régime II : pour une épaisseur de l'ordre de 2 fois la taille des chaînes, la mobilité diminue brusquement,
- régime III : à grande épaisseur (bien au-delà de la taille des chaînes), la mobilité est constante, et les différentes tailles de chaîne ne sont plus différentiables ; on est dans un régime où les parois n'ont plus d'effet sur les mobilités, les chaînes sont alors comme en solution.
EXEMPLE 2 : SEPARATION D'UN MELANGE
On poursuit l'expérimentation décrite à l'exemple 1 ci-dessus avec une solution qui comprend deux populations d'analytes en mélange (ADN de 48,5 kb et ADN de 164 kb en mélange).
On met ainsi en œuvre le dispositif prototype décrit à l'exemple 1 ci-dessus pour la séparation d'une solution comprenant deux populations d'ADN en mélange, à savoir une solution comprenant en mélange une population d'ADN lambda (48,5 kb- 1,25 μg/ml) et une population d'ADN T2 (164 kb- 1,29 μg/ml) dans une solution aqueuse tamponnée basique (en l'occurrence, Tris borate EDTA 10*2 M à pH 8.4).
La concentration finale d'ADN lambda provient de la dilution d'une solution mère à 500 μg/ml fournie par Biolabs, et celle du T2 d'une solution 129 μg/ml fournie par Sigma Aldrich. Aux fins de visualisation et d'analyse d'images, les ADN sont marqués avec du YOYO-1 (Molecular probes, Eugène, Oregon, USA) au taux de 1 colorant pour 50 paires de bases conformément aux indications du fournisseur.
Un volume de mélange de 60 μl est étalé sur la lame inférieure (l'épaisseur de la couche liquide est alors de l'ordre de 5 μm), puis recouvert par la lame supérieure. On procède par ailleurs comme indiqué dans l'exemple 1 ci-dessus.
Le cache supérieur est mis en place et maintenu par des vis afin que le remplissage des cuves latérales par 800 μl de tampon TBE 10"2M ne re-soulève pas la lame supérieure. Une estimation de l'épaisseur de liquide est faite à partir de la course du bouton de réglage fin du microscope (1 graduation = 2 μm) existante entre les mises au point de la face inférieure de la lame supérieure et la face supérieure de la lame inférieure .
En faisant varier le volume initial de mélange, nous prédéterminons la hauteur h inter-lames finale, et avons ainsi effectué des mesures de mobilité à différentes épaisseurs.
Résultats ;
Le tableau 1 ci-dessous présente un résumé des valeurs expérimentales mesurées, placées en comparaison avec les mobilités mesurées pour les mêmes populations non mélangées :
Les Figures 17 et 18 donnent une représentation graphique des résultats expérimentaux. Les Figures 17 et 18 présentent les distributions des vitesses du mélange lambda + T2 (graphes du haut), des molécules les plus grosses (ADN T2 au milieu), et des molécules les plus petites (graphes du bas), pour différentes épaisseurs de confinement : en Figure 17, les trois graphes placés en colonne à gauche présentent les distributions de vitesse obtenues avec un dispositif dont la hauteur inter-lames h est de 1,2 micromètre, et les trois graphes placés en colonne à droite les distributions de vitesse obtenues avec un dispositif dont la hauteur inter-lames h est de 2,3 micromètres ; en Figure 18, les trois graphes placés en colonne à gauche présentent les distributions de vitesse obtenues avec un dispositif dont la hauteur inter-lames h est de 5 micromètres, et les trois graphes placés en colonne à droite les distributions de vitesse obtenues avec un dispositif dont la hauteur inter-lames h est de 8 micromètres. Les distributions de vitesses des molécules les plus grosses (ADN T2 au milieu) et des molécules les plus
petites (graphes du bas) ont été obtenues a partir de la distribution du mélange une fois que le programme de traitement d'image a trié les molécules par tailles en affectant à chaque population sa vitesse. On note que dans le cas où les vitesses des populations sont les plus différentes (hauteur inter-lames h est de 2,3 micromètres), la distribution globale est clairement bimodale (puisque le mélange contient deux populations de masses différentes).
Les courbes sont caractérisées par la surface des pics, qui permettent de distinguer les deux types de populations d'ADN, et la position des pics, qui renseignent sur la vitesse moyenne des chaînes, ainsi que l'erreur associée à cette moyenne (largeur à mi-hauteur divisée par la racine du nombre de vitesses mesurées).
On remarque qu'à une hauteur inter-lames h de 1,2 micromètre, de 2,3 micromètres et de 5 micromètres, la population d'ADN lambda et celle d'ADN T2 ont, en mélange, des mobilités moyennes respectives qui restent significativement différentes, et que le dispositif permet donc leur séparation. A une hauteur inter-lames de 8 micromètres, il n'y a plus de différence significative en terme de mobilité. Nous avons vérifié que dans un capillaire avec h= 50 micromètres, les vitesses des deux populations sont identiques.
Concentration en analytes de la solution et effet d'entraînement :
On constate par ailleurs que l'AON T2 a toujours une mobilité supérieure à celle de l'ADN lambda, mais l'ADN lambda a une mobilité plus importante que celle mesurée lorsqu'il est seul.
Comme l'ADN T2 garde la mobilité qu'il avait lorsqu'il était seul, on peut en conclure que le T2 entraîne le lambda avec lui. La concentration des molécules utilisée doit avoir un effet important sur cet entraînement. Elle est inférieure à la concentration de recouvrement c (c* (lambda) = 10 μg/ml et c (T2) = 2 μg/ml) en solution et nous avons mesuré que les chaînes occupaient environ 1% de la surface de l'image lors du confinement. Les molécules les plus lentes n'ont pas de place pour éviter les plus rapides et sont donc vraisemblablement emportées. De plus, l'augmentation de la mobilité du lambda diminue lorsqu'on augmente la
hauteur inter-lames h (également appelée épaisseur e). Elle est de 2,2 pour h = 1,2 μm , de 1,5 pour h = 2,3 μm et de 1,4 pour h = 5 μm. Ceci confirme que les plus courtes chaînes sont entraînées par les plus longues. Une concentration plus faible • doit empêcher cet effet puisque dans la limite d'une solution très diluée, les chaînes doivent se comporter comme si elles étaient isolées. On remarque d'ailleurs sur la figure 17 la présence d'un deuxième pic à gauche de l'histogramme de la vitesse de l'ADN T2 (colonne de droite de la Figure 17).
Il est donc dans ce cas recommandé de diluer la solution avant migration, afin de limiter, cet effet.
Interprétations des différents régimes de migration :
Les molécules observées sont mises en mouvement par le champ électrique E qui leur applique une vitesse électrophorétique ve/ qui est opposée au champ. Mais comme ces chaînes sont dans un milieu confiné par deux parois chargées, un flux électro-osmotique (EOF : Electro-Osmotic Flow) de vitesses VEOF les emportent dans l'autre sens. Elles ont finalement un mouvement avec une vitesse apparente v (cf. Figures 19A, 19B et 19C).
L'axe horizontal (direction de migration Dra) est l'axe Oj (de vecteur unitaire ux). v s'écrit :
v = veι + VEOF
La mobilité est habituellement une valeur scalaire (positive si les chaînes sont chargées positivement). D'après l'équation précédente, la mobilité apparente μ s'écrit donc:
μ = μeι + μεOF
Nous appelons μsoι la mobilité en solution. Cette mobilité n'est pas dépendante de la masse des molécules. On trouve dans la littérature plusieurs mesures de cette mobilité et toutes s'accordent à dire que sa valeur est environ 4.10"4 cmWs .
Les mesures effectuées sur l'ADN T2 et l'ADN λ ont qualitativement la forme représentée sur la figure 20.
Pour voir l'influence du confinement sur la mobilité vraie il faut donc enlever la mobilité électro-osmotique à la mobilité mesurée. Nous avons pu montrer que la vitesse de l'EOF n'est pas dépendante de l'épaisseur tant que celle-ci est plus grande que 2K'1. C'est bien le cas dans nos mesures. Dans l'équation précédente μeι est négatif et les deux autres mobilités sont positives. La variation de la mobilité vraie (électrophorétique) en valeur absolue est représentée schématiquement sur la figure 21.
En premier lieu, on observe que l'ADN λ a une mobilité supérieure à celle du T2 et atteint la valeur limite μsoι plus rapidement que le T2. C'est donc bien ce que l'intuition nous laisse penser. Ayant une taille plus petite que l'ADN 72, le λ ressent les effets du confinement à plus petite épaisseur.
Ensuite, à grande hauteur inter-lame h, c'est-à-dire à grande épaisseur e (e » Rg), les molécules réagissent de la même manière au champ électrique appliqué (c'est le régime III de la Figure 16); leur mobilité est μsoι. Si on diminue l'épaisseur, les molécules commencent à ressentir les parois et leur mobilité diminue (régime II de la Figure 16). Enfin, à petite hauteur inter lames h, c'est-à- dire à petite épaisseur (e < Rg), les mobilités augmentent (régime I de la Figure 16). Nous présentons dans la suite une interprétation de cette augmentation de la mobilité vraie (c'est-à-dire une diminution de la mobilité mesurée) avec des arguments utilisant des lois d'échelle.
Explications en loi d'échelle du régime I
Nous avons distingué deux interprétations possibles de ce régime. La première prend en compte la chaîne comme un objet imperméable au solvant. La deuxième interprétation considère la chaîne comme perméable au solvant. La différence des résultats obtenus se trouve dans la dépendance en masse de la mobilité calculée.
Première interprétation
Les molécules en confinement fort sont écrasées entre les parois. Chaque chaîne forme un cylindre de rayon Rp et d 'épaisseur e (épaisseur e = hauteur h). Elles sont donc en contact avec les parois.
Chaque chaîne sera donc soumise à trois forces. La force électrique du champ E, la force de friction de la chaîne sur le liquide et la force de friction de la chaîne sur les parois de confinement.
La force électrique Feι du champ E qui tire les molécules vers l'électrode positive s'écrit :
Ee;(par unité de surface) = — yE
où ε est la constante diélectrique du milieu (ε = εo εr), ζ est le potentiel zêta de l'ADN et 2τri_2 + 2πRne κ~' 1& longueur de Debye . On suppose que cette force par unité de surface agit sur la surface du cylindre, c'est-à-dire
La force électrique est donc :
Pt = ïÊRl ( R
Cette force électrique a un module positif (ζ et E.UX sont négatifs). Elle entraîne bien les molécules vers l'électrode positive.
La force FC/L de friction de la chaîne sur le liquide s'écrit :
Ec/i(par unité de surface) _ = - „ V - VEOF
--1 où ηι est la viscosité du liquide. En électrophorese, on considère la chaîne comme étant en drainage libre, donc le liquide frotte sur toute la chaîne (et pas seulement sur la sphère équivalente). Les forces hydrodynamiques sont alors écrantées sur une distance K'. Cette force agit sur la tranche du cylindre, c'est-à-dire sur une surface 2Rp e.
Cette force de friction est orientée dans le sens positif puisque -(v -VEOF)-UX < 0.
Enfin la chaîne frotte sur les parois. Le nombre de monomères Ni au contact des parois peut être exprimé par N; = N a/e (N est le nombre de monomères par chaîne et a la taille d'un monomère). Donc la force de friction sur les parois s'écrit:
α2 Fc/s - -fv = -ηιN—v e où 771 est un coefficient de viscosité caractérisant la friction d'un monomère sur les parois. Cette deuxième force de friction est orientée quant à elle dans le sens négatif.( -v.f > 0).
Le bilan des forces s'écrit
Nous avons mesuré la mobilité μ des chaînes v = μ E. La mobilité électro- osmotique s'écrit
où ζ
s est le potentiel zêta des parois. La mobilité en solution s'écrit sol - = €^ < 0
1/2 ou ζ est le potentiel zêta des molécules d'ADN. En prenant ^ = ^" ^"pour une chaîne gaussienne, on obtient:
On exprime maintenant ce bilan de force en fonction de rc - N1'2 a/e, et μ s'écrit :
En supposant que ηj ~ ηι et que K
'1 ~ a, la relation précédente s'écrit
Lorsque rc tend vers 0 (c'est a dire e tendant vers l'infini), les chaînes sont en solution, et μ = μεoF +μSoi- De plus, l'équation précédente rend compte de la diminution de la mobilité mesurée μ lorsque l'on diminue l'épaisseur entre les parois. Enfin, cette diminution est dépendante de la masse (par N et par τc) ce qui confirme l'observation des mobilités différentes pour deux chaînes de taille différente.
Pour rc » 1 (c'est-à-dire à petite épaisseur), la mobilité calculée devient très grande (Figure 22) : à petite épaisseur μ diverge. Cette théorie ne sera plus valable pour des taux de confinement supérieure à 10, puisque lorsque τc tend vers N1/2 (l'épaisseur est égale à la taille des monomères), la mobilité de la chaîne devrait être nulle même avec l'EOF. La chaîne serait bloquée par les parois. Nous n'avons pas fait d'expériences avec des taux de confinement aussi importants.
La figure 22 représente cette variation théorique de la mobilité mesurée μ en fonction de l'épaisseur e. Nous avons choisit μεo +μsoι - 1 en unité arbitraire sur cette représentation.
Deuxième interprétation
On considère toujours les trois forces précédentes. Mais dans cette interprétation, la force électrique agit sur chaque monomère : elle n'agit plus sur la surface du cylindre. Cette force s'écrit :
F = NqÊ où q est la charge d'un monomère.
La force de friction de la chaîne sur les parois reste inchangée :
2
FC/s — —ηiNiav ≈ —η- N — v
La force de friction de la chaîne sur le solvant n'agit plus sur la surface de cylindre mais sur chaque monomère (chaîne perméable au solvant) et s'écrit :
FC/L = ~ (N ~ Nι)a(v - VEOF)
Par la même procédure que pour la première interprétation, on obtient la mobilité mesurée :
sol + EOF (l - f) μ = - te - 1) *
μ>sol ηa avec
La dépendance en masse est indirecte. Les chaînes ne subissent ces forces que si elle sont confinées. Le taux de confinement de l'ADN λ et l'ADN 72 n'est pas le
même pour une épaisseur donnée. Ils ne suivent donc pas cette mobilité aux même épaisseurs.
A petite épaisseur nous avons le même problème que dans l'interprétation précédente. Ces interprétation ne sont valides que pour des taux de confinement inférieur à 10. La variation de la mobilité en fonction de l'épaisseur a la même allure dans les deux cas.
Finalement, la pertinence de l'une ou l'autre de ses interprétations est difficile à définir. Il faut choisir entre : (i) une perméabilité des chaînes au solvant et une dépendance en masse faible, et (ii) une imperméabilité des chaînes au solvant et une forte dépendance en masse. Les mesures montrent une importante dépendance en masse. Cependant, pour l'électrophorèse, on considère toujours les chaînes en drainage libre.
Régime II
Le régime II est difficile à expliquer. On pourrait d'abord penser que les parois jouent le même rôle que pour la diffusion et diminuent la mobilité électrophorétique (donc augmentent la mobilité mesurée). Mais cet argument ne convient pas car il faudrait considérer la chaîne comme étant en non drainage libre, ce qui n'est pas le cas en électrophorese.
Aux épaisseurs correspondant à ce régime II, le rayon de giration est plus petit que l'épaisseur, mais Rg n'est qu'une moyenne de leur rayon. Les chaînes fluctuent et ont donc la possibilité d'explorer l'espace au delà de la sphère de rayon Rg et de s'approcher d'une des parois. De plus, pour les épaisseurs correspondant à ce régime, les molécules ont la possibilité de se déplacer de part et d'autre du plan médian des deux parois. Elles peuvent alors frotter sur les parois qui sont tout de même assez proches. Ceci reste assez difficile à quantifier.
Régime IH :
Le plateau observé lorsque l'épaisseur de confinement est supérieure à la taille des chaînes, est facilement interprétable. Les parois n'influencent plus la mobilité électrophorétique est les chaîne se trouvent comme en solution. Là mobilité vraie
(en valeur absolue) est donc de l'ordre de 4 10"4 cmWs, ce qui nous permet d'évaluer la mobilité électro-osmotique à environ 5 10"4 cmVNs.
Surfaces de verres :
Nous avons observé la rugosité des parois de verre à l'aide d'un AFM {AFM : microscope à force atomique ou « atomic force microscope ») . Les images obtenues montrent une rugosité très faible (pics de 5 à 50 Â). Comparée à la taille de la chaîne, la surface est plutôt lisse. La séparation obtenue ne peut donc être due à des obstacles topologiques.
Calcul des bornes de hauteurs efficaces h min_
Au vu des expériences réalisées, il apparaît donc que lorsque les populations d'analytes présentes dans une même solution sont placées dans un confinement d'un niveau « intermédiaire » entre la situation « libre en solution « et la situation « très confiné avec compression moléculaire », il est possible de séparer ces populations de façon tout à fait satisfaisante. On peut décrire de manière imagée cette situation de confinement « intermédiaire » comme correspondant à une situation où :
- les molécules d'analytes ne sont pas comprimées par les parois du couloir de migration (leur rayon moléculaire moyen n'est pas écrasé) : elles ne sont pas contraintes à un frottement constant sur ces parois, elles ne sont pas soumises à des forces mettant en jeu leur élasticité, et où
- les molécules d'analytes n'en sont pas pour autant laissées libres comme le seraient dans une solution : leurs mobilités respectives sont en effet affectées par la présence de parois à leur proximité immédiate.
Il a alors été déterminé que les bornes des hauteurs utiles (ou hauteurs efficaces) de cette situation de confinement « intermédiaire » peuvent être exprimées en fonction des rayons moléculaires moyens des populations présentes.
Ainsi, si l'on considère une solution comprenant 2 populations PAi et PA2 d'analytes chargés dont le rayon moléculaire moyen dans cette solution est Ri et
R2, respectivement, avec Ri < R2, la hauteur inter-lames efficace pour un confinement « intermédiaire » conforme à la présente invention est comprise entre
Ri et six fois R2 : Ri < h < 6R2. Cette relation peut être généralisée à une solution comprenant n populations PAi avec i allant de 1 à n, et n supérieur ou égal à 2 ; dans ce cas, il suffit de déterminer le plus et le plus grand des rayons moléculaires moyens en présence, pour calculer les bornes de la gamme de hauteurs efficaces : hirin(efficace) = Rmin et hmax(efficace) ≈ 6Rmax- Bien entendu, le dispositif peut être, si souhaité, sur-dimensionné et présenter une hmin(disponibie) très légèrement inférieure à la hmincefficace), et une hma (disponibie) supérieure au hmax(efficace)5 étant donné que la séparation acquise au cours de la gamme hmm(effîcace)-hmax(efficace) est conservée en
SOrtie après hmax(efricace)-
De manière plus générale, la relation de confinement « intermédiaire » conforme à l'invention peut ainsi s'exprimer sous la forme 0,2 < τc < 2, τc étant le taux de confinement subi par les analytes (τc est le rapport entre le diamètre moléculaire moyen et la hauteur disponible proposée aux molécules: τc = 2R / h).
Calcul de la longueur efficace de migration Lm efficace :
En présence d'une solution comprenant en mélange n populations d'analytes PAi, on peut donc calculer la distance de migration nécessaire pour obtenir une différence de vitesse déterminée.
Par exemple, dans le cas du présent exemple, avec une hauteur inter-lames constante de 2,3 micromètres, on observe que la vitesse moyenne de la population d'ADN lambda est de 19 micromètres par seconde, et celle de la population d'ADN T2 est de 25 micromètres par seconde. Si l'on souhaite obtenir une différence de temps d'élution de 20s entre les populations, on doit alors disposer d'une longueur de migration efficace Lm(efficace) de 20/(1-19 - 1/25) = 1583
micromètres. Le dispositif prototype utilisé qui offre une longueur disponible de migration de 7,5 cm est donc très sur-dimensionné.
EXEMPLE 3 : SYSTEME EN BISEAU
Comme présenté en exemple 2 ci-dessus, il existé, conformément à la présente invention, un gradient de hauteurs efficaces pour assurer le confinement . « intermédiaire » requis. Lorsque la solution comporte plusieurs populations d'analytes à séparer, et notamment plus de deux populations d'analytes à séparer, il est donc avantageux de configurer le dispositif de manière à ce qu'il offre non pas une seule hauteur h constante, mais un gradient de hauteurs qui parcourt la gamme hmin - hmax. On place alors le dispositif en configuration de sections divergentes telle que celles présentées schématiquement en Figures 2A, 2B, 3A, 3B et 5.
En poursuivant les exemples 1 et 2 présentés ci-dessus, on peut donc par exemple placer la lame supérieure en position inclinée d'un angle θ par rapport à la direction de migration (l'horizontale), ce qui conduit à un dispositif en demi- biseau tel que représenté schématiquement en Figure 24. On a alors θ = Arcsin (6Rmax / Lm). Avec une lame de microscope de 7,5 cm, on obtient donc un angle θ de 7,6 mrad.
On peut aussi bien incliner les deux lames d'un angle Θ par rapport à la direction de migration, ce qui conduit alors à un dispositif en biseau tel que représenté schématiquement en Figure 23. On a alors θ = Arcsin (3Rmax / Lm).
Ces relations entre angle θ et longueur permettent réciproquement de calculer la longueur de migration efficace Lm (longueur minimale nécessaire) pour un angle θ déterminé.