CAPTEUR DE CHAMP MAGNETIQUE A MAGNETORESISTANCE
GEANTE
L'invention concerne un capteur magnétorésistif exploitant la magnétorésistance de matériaux ferromagnétiques. Un tel capteur est destiné à la détection de champs magnétiques. Dans le domaine des faibles fréquences (du continu à typiquement 100 Hz), les deux sources de bruit limitant la résolution de ce type de capteurs sont le bruit de fluctuation de résistance ou bruit Johnson et le bruit de dérive thermique. Par ailleurs, dans ce type de capteurs deux effets magnétorésistifs différents peuvent être exploités : la magnétorésistance anisotrope ou la magnétorésistance géante. L'effet de magnétorésistance anisotrope résulte de la dépendance de la résistivité d'un matériau ferromagnétique avec l'angle entre son aimantation et la direction du courant. Du fait du caractère anisotrope de cet effet physique, deux géométries de mesure sont envisageables : la géométrie longitudinale ou transverse (effet Hall planaire). Les brevets français n° 93 15551 , 95 05659 et 96 08395 décrivent des capteurs à effet Hall planaire, en particulier pour ce qui concerne la réduction du bruit de dérive thermique. L'effet total exploitable est de l'ordre de 1 % de la résistance de la zone active. Le bruit Johnson est associé à cette même résistance qui est de l'ordre de la résistance par carré du film en géométrie d'effet Hall planaire.
L'effet de magnétorésistance géante a été découvert en 1988 (voir article M. BAIBICH et al, Physic Review Letters, 61 , 2472 (1988)) et résulte de la dépendance en spin de la résistance d'une structure magnétique pouvant présenter un arrangement d'aimantations différent suivant le champ magnétique extérieur. L'effet total exploitable peut être de l'ordre de 10 % de la résistance de la zone active. Par ailleurs, la géométrie de mesure de cet effet étant nécessairement longitudinale, il est possible de dimensionner la zone active de telle sorte que sa résistance atteigne plusieurs dizaines de fois la résistance par carré du film, la tension équivalente au bruit Johnson augmentant comme la racine carrée de la résistance. Il apparaît donc que l'utilisation de l'effet de magnétorésistance géante, en particulier par rapport aux capteurs exploitant l'effet Hall planaire, présente deux avantages principaux : une augmentation de l'amplitude du
signal utile pouvant certainement atteindre un ordre de grandeur ainsi qu'une augmentation du rapport signal sur bruit pouvant lui aussi atteindre un facteur dix.
L'invention se propose d'utiliser la technique de magnétorésistance géante pour obtenir une linéarisation du signal et réduire le bruit de dérive thermique.
L'invention concerne donc un détecteur magnétique comportant un premier élément en couche mince en matériau magnétique à anisotropie magnétique dans le plan de la couche mince possédant dans ce plan un axe facile d'aimantation caractérisé en ce qu'il comporte un deuxième élément en couche mince parallèle au premier élément, ce deuxième élément étant en matériau magnétique à anisotropie magnétique dans le plan et possédant dans ce plan un axe facile d'aimantation parallèle à celui du premier élément, le champ coercitif du deuxième élément étant de valeur différente de celui du premier élément, les deux éléments ayant des formes allongées parallèles entre elles et perpendiculaires à leur direction facile d'aimantation en l'absence de champ magnétique et la largeur de ces éléments étant telle qu'elle impose à au moins l'un des éléments d'avoir son aimantation, en l'absence de champ magnétique extérieur, orientée selon la longueur de l'élément.
Les différents objets et caractéristiques de l'invention apparaîtront dans la description qui va suivre faite à titre d'exemple et dans les figures annexées qui représentent :
• les figures 1 a à 1c, un exemple de réalisation d'un dispositif selon l'invention ;
• les figures 2a, 2b, un capteur à magnétorésistance géante de type classique ;
• les figures 3a, 3b, le capteur selon l'invention ;
• la figure 4, un montage en part de Wheastone de capteurs selon l'invention ;
• les figures 5 et 6, des formes de réalisation du pont de Wheastone de la figure 4 ;
• les figures 7a à 7c, un dispositif selon l'invention comportant une ligne conductrice de courant.
Les figures 1a et 1 b décrivent un capteur de base selon l'invention et son procédé de réalisation. Sur un substrat S, on réalise deux couches superposées de matériaux magnétorésistifs cristallins présentant toutes les deux une anisotropie magnétique dans le plan. Les deux couches ont leurs axes faciles d'aimantation (A1-B, A2-B2) en l'absence de champ magnétique parallèles. Les champs coercitifs des deux couches sont de valeurs différents. Autrement dit, l'une des couches (la couche 1 par exemple) est en matériau magnétique dur et l'autre couche est en matériau magnétique doux (la couche 2). De préférence, les deux couches sont séparées par une couche non magnétique 3.
Ces couches ayant été réalisées, on réalise dans ces couches un élément de forme allongée ayant la forme d'une bande. Cette bande est orientée selon un axe OX perpendiculaire à la direction d'aimantation des couches en l'absence de champ magnétique extérieur. La largeur de la bande est telle qu'elle force l'aimantation de l'une des couches seulement (la couche en matériau magnétique doux) à s'orienter parallèlement à l'axe OX. En l'absence de champ magnétique, on a donc dans l'élément obtenu, une couche dont l'aimantation est perpendiculaire à l'axe OX et l'autre couche dont l'aimantation est parallèle à l'axe OX. A titre d'exemple, l'une des couches est en Fer-Nickel et l'autre couche est en Cobalt.
La réalisation d'une bande dans les couches 1 et 2 peut se faire soit par gravure de la bande dans les couches 1 et 2, soit par tout procédé détruisant le magnétisme et le caractère conducteur de part et d'autre de la bande.
Aux deux extrémités A et B du capteur obtenu, on réalise ensuite des contacts électriques permettant de connecter des dispositifs (non représentés) pour mesurer la résistance de l'élément.
Le capteur ainsi décrit constitue le composant actif d'un détecteur de champ magnétique utilisant la magnétorésistance géante d'une structure magnétique dans laquelle on a généré une anisotropie magnétique uniaxiale dans chacun des éléments magnétiques constituant la structure. Un tel matériau actif peut être par exemple une structure de type spin valve (par ex. Co/Cu/FeNi) déposée sur une surface à topologie modulée (on pourra par exemple utiliser les propriétés de facettage de surfaces vicinales de
silicium) comme cela est représenté en figure 1 c (voir document A. ENCINAS et al. Applied Physics Letters, 71 , Décembre 1997). Afin de fabriquer un capteur de champ magnétique, on va ainsi exploiter la possibilité de contrôler une anisotropie magnétique uniaxiale dans chacune des couches, laquelle est contrebalancée par une anisotropie de forme liée à la forme de la structure. La solution de l'invention conduit à une simplification significative de la technologie par rapport aux techniques connues telle que celle décrite dans J. DAUGHTON et al, IEEE Trans. Magn., 30, 4608 (1994). Les figures 2a et 2b représentent respectivement une structure à magnétorésistance géante classique et sa courbe de réponse. Sur la figure 2a, on a représenté les orientations parallèles des aimantations en champ nul. La figure 2a fait apparaître une réponse (résistance/aimantation) discontinue du capteur et que le signal de réponse est constant à faible champ.
Les figures 3a et 3b représentent respectivement la structure selon l'invention et sa courbe de réponse au champ magnétique. La courbe de la figure 3b présente une zone de réponse linéaire.
Le signal de réponse peut s'exprimer par la formule : R, = R0 + SH où : R0 désigne l'offset
S désigne la pente de la courbe de réponse H désigne le champ magnétique extérieur Partant d'une structure possédant déjà une anisotropie d'axe fixé, l'invention permet ainsi en découpant des bandes perpendiculairement à cet axe, d'arriver à une configuration où les aimantations à champ nul des deux couches sont perpendiculaires. L'anisotropie induite par la découpe s'oppose à l'anisotropie initiale et, pour chacune des couches, il existe une largeur de bande seuil en-dessous de laquelle l'axe de facile d'aimantation devient parallèle à la bande et donc tourne de 90° par rapport à la situation initiale. La configuration magnétique visée est obtenue dans le cas où seulement une des deux couches voit son anisotropie contrôlée par la découpe.
Suivant l'épaisseur des couches, nos estimations indiquent qu'il faudra découper des bandes de largeur typiquement comprise entre 1 et 10
μm, ce qui rend le procédé accessible par les techniques de lithographie optique.
La figure 4 représente un montage en pont de Wheastone de quatre capteurs de façon à s'affranchir des dérives thermiques. Deux capteurs C1 et C'1 des deux branches opposées du pont sont du type selon l'invention et les deux autres capteurs C2 et C'2 sont du type des figures 2a et 2b. Dans ces derniers, le signal de magnétorésistance est constant R2 =
R0 sur une étendue du champ magnétique correspondant à la coercivité du matériau magnétique le plus doux. Le montage de la figure 4 permet de soustraire la résistance R0, principale source de dérive thermique. En effet, le signal à la sortie du pont peut être écrit :
ΔV / 1 = (R,2 - R2 2) / (2Rι + 2R2) = 1/2.S.H (2)
Les capteurs C1 et C'1 étant définis par découpe de la structure magnétique et, par ailleurs, la résistance d'un tel capteur étant fondamentalement liée à ses dimensions, il convient donc de choisir deux motifs de telle manière que les deux capteurs aient la même résistance, ce qui assure l'équilibrage du pont. La figure 5 fournit une solution permettant d'atteindre cet objectif. Sur la figure 5, les deux types de capteurs C1/C1 et C2/C2 sont constitués de bandes découpées perpendiculairement à l'axe initial d'anisotropie, avec des largeurs de bandes différentes.
Pour les capteurs de type C1/C1 , la largeur des bandes v , est choisi suffisamment faible pour obtenir la configuration magnétique à 90° décrite précédemment ce qui permet la linéarisation du signal magnétorésistif. Ces capteurs présentent donc une réponse Ri = R0 + S. H.
Pour les capteurs de type C2/C2 la largeur des bandes w2 est choisie plus importante de telle sorte que les deux couches magnétiques conservent leur axe facile parallèle à l'axe d'anisotropie initial. Leur réponse sera donc R2 = R0. Les deux types de capteurs sont organisés comme indiqué sur la figure
5.
Le nombre de bandes connectées en parallèle servant à contrôler le niveau de résistance. En effet, si le capteur de type i (i = 1 ou 2) comprend ni bandes de largeur Wj connectées en parallèle, sa résistance Ri
est proportionnelle à (niWj)"1. Il suffit donc de choisir n^ n2, Wi, w2 de telle manière que rii.Wj = n2.w2.
En figure 6, les deux types de capteurs C1/C1 et C2/C2 sont réalisés avec le même motif. Cependant, pour les capteurs de type C2/C2, ce motif est orienté parallèlement à l'axe initial d'anisotropie et non plus perpendiculairement. En conséquence, l'anisotropie de forme induite par la découpe des bandes vient s'ajouter (et non plus s'opposer) à l'anisotropie initiale de telle sorte que le signal de magnétorésistance du capteur conserve l'allure initiale (figure 2b). Les deux types de capteurs sont organisés comme indiqué sur la figure 6.
Selon une variante de réalisation on s'affranchit du montage en pont de Wheastone. On prévoit alors d'orienter l'aimantation d'une des deux couches à l'aide d'une ligne de commande électrique. Le capteur est donc constitué d'un seul composant magnétorésistif découpé de manière à linéariser le signal de magnétorésistance. On dispose, en-dessus ou en- dessous de ce composant C4 une ligne de commande électrique LC (bande de commande LC) qui génère un champ magnétique dans le composant. On contrôle le sens d'une des deux aimantations (par exemple M2) du composant par l'application d'un courant de signe contrôlé. La figure 7a illustre ce dispositif. Un générateur de courant G est connecté par un inverseur INV à la ligne de commande LC.
En appliquant un courant +l dans la ligne de commande, l'aimantation M2 due à ce courant a un sens donné et, pour un champ à détecter parallèle à cette direction, l'angle entre les deux aimantations de la structure active est 90+ε (figure 7b). La réponse du capteur vaut alors : Ro+S.H.
En appliquant un courant -I dans la ligne de commande LC et donc retournement de l'aimantation M2, l'angle devient 90-ε (figure 7c) et la réponse du capteur R0-S.H. La différence électronique des deux réponses permet de soustraire la composant continue R0 de l'élément (responsable de la dérive thermique) et de ne conserver que le signal utile 2. S. H. Notons que, par rapport aux montages en pont, cette solution permet un gain d'un facteur 4 sur l'amplitude du signal utile avant toute amplification.