CONTEXTE DE L'INVENTION
Domaine de l'invention
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L'invention concerne l'industrie du savon.
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Elle concerne plus particulièrement la fabrication de savonnettes par un procédé de saponification à froid, c'est-à-dire dont la synthèse du savon est opérée à une température de l'ordre de 40 à 50° - à la différence de la saponification à chaud qui implique des températures beaucoup plus élevées, de l'ordre de 120°.
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La saponification à froid présente l'avantage de conserver le glycérol dans le savon.
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Elle est en revanche plus délicate à mettre en œuvre en raison de la prise en masse rapide du mélange corps gras/alcali, qui ne reste pas longtemps liquide après sa préparation et doit être rapidement moulé. De plus, la pâte peut prendre en texture plus ou moins rapidement en fonction de plusieurs paramètres : la fragrance utilisée, la température des ingrédients et la nature des ingrédients eux-mêmes, notamment les corps gras choisis.
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Les savons saponifiés à froid se trouvent facilement sous forme de pains colorés uniformément. On peut également réaliser des marbrures dans la pâte fraîche lorsqu'elle est fluide, mais cela représente une difficulté supplémentaire.
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Si l'on veut réaliser des savonnettes avec des motifs prédéterminés de plusieurs couleurs, impliquant de fait la préparation de plusieurs pâtes différentes, la vitesse de prise ne laisse parfois pas le temps de verser la pâte dans tous les moules, ni dans toutes les cavités qui constituent le motif. Enfin, toutes les formes de moules n'existent pas dans le commerce ; il faut donc les créer ou trouver des moyens détournés pour les réaliser.
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Le but de l'invention est, au-delà de ces produits couramment disponibles, de pouvoir réaliser des savonnettes saponifiées à froid comportant une inclusion, créée dans la masse et sur toute l'épaisseur de la savonnette, d'un ou plusieurs motifs géométriques prédéterminés d'une couleur différente de la couleur du reste de la savonnette. Le motif géométrique prédéterminé doit pouvoir être notamment un motif rectangulaire ou triangulaire, circulaire ou en fraction de rond, en forme d'écaille, de losange, d'étoile, etc.
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Il s'agit également de pouvoir fabriquer de telles savonnettes de façon rationalisée, en grande quantité et à une échelle semi-industrielle, à la différence des techniques artisanales où les savonnettes sont réalisées à petite échelle, avec un coût de fabrication élevé et une faible cadence de production.
Description de la technique antérieure
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Il existe dans l'état de la technique diverses propositions de procédés de fabrication de savonnettes bicolores ou multicolores.
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Ainsi, le
FR 2 613 724 A1 propose, après moulage et durcissement de savonnettes d'une première couleur, de découper le centre de ces savonnettes de part en part au moyen d'un emporte-pièce pour y former un trou, puis de découper dans des savonnettes d'une deuxième couleur, également après moulage et durcissement, une pièce de savon de la même dimension que le trou, d'insérer cette pièce de savon dans le trou de la première savonnette, et enfin de comprimer le tout pour homogénéiser le produit final. Cette technique, bien que présentée sous une forme industrialisée, n'est pas très rentable compte tenu des quantités importantes à mettre au rebut (chutes de découpe, non valorisables). Elle ne permet pas non plus une très grande variété de motifs, du fait des contraintes mécaniques de résistance à la découpe et à l'enfoncement de l'insert.
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Le
WO 2006/063691 A1 décrit une technique de moulage d'un bloc de savon cylindrique "multiphase" en forme de bûche, avec un cœur de couleur ou de composition différentes de celles du reste de la bûche. La technique met en œuvre une installation à deux moules coaxiaux, avec un moule central retiré après coulage du matériau de cœur pour permettre le coulage du matériau périphérique, ce dernier étant confiné par le moule externe. Les deux moules coaxiaux sont par ailleurs munis chacun d'un chemisage creux permettant la circulation d'un fluide de refroidissement des matériaux coulés, car ceux-ci sont des savons saponifiables à chaud. La bûche cylindrique composite ainsi obtenue est ensuite détaillée en savonnettes individuelles rondes et plates, par découpe de la bûche en tranches successives suivant des plans radiaux par rapport à l'axe de la bûche cylindrique.
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Le
US 6 147 040 A décrit une technique comparable pour une savonnette en forme de disque, produite à l'unité, avec un motif "arc-en-ciel" de plusieurs couleurs différentes agencées concentriquement. La technique consiste à mouler dans un moule de diamètre réduit une pièce de savon en forme de disque plat, puis placer la pièce de savon obtenue après durcissement au centre d'un moule de plus grand diamètre et couler autour une masse de savon de couleur différente, placer la pièce bicolore obtenue dans un autre moule de diamètre supérieur, etc., et ainsi de suite jusqu'au produit final.
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Avec les techniques décrites par ces documents
WO 2006/063691 A1 et
US 6 147 040 A , il n'est possible de réaliser que des savonnettes avec des motifs concentriques ou, à tout le moins, dans lesquelles un matériau extérieur de garniture entoure complètement un matériau intérieur de cœur.
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Le
US 2001/040312 A1 illustre une autre technique de fabrication de savonnettes multicolores, par coulages successifs de masses de savon de couleurs différentes dans un même moule. A chaque coulée le moule n'est que partiellement rempli, jusqu'à la dernière coulée qui donne à la savonnette sa forme finale. Les motifs réalisés ne sont toutefois pas des motifs géométriques prédéfinis, identiques pour toutes les savonnettes comme dans le cas des divers procédés décrits plus haut, mais des motifs plus ou moins aléatoires, en forme de marbrures ou de taches colorées. Ainsi, les motifs que permettent de réaliser les procédés antérieurs connus sont tous très limités dans leur variété, et en particulier aucun ne permet de produire des savonnettes avec des matériaux de couleur ou de composition différentes qui seraient simplement accolés ou juxtaposés, de façon non concentrique.
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De plus, la productivité de toutes ces techniques reste assez médiocre, avec une faible cadence de fabrication qui les limite à des productions artisanales. Elles ne permettent en effet que de produire des savonnettes à l'unité ou, dans le meilleur des cas, par découpe d'une barre ou bûche de savon en tranches individuelles.
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En particulier, il ne serait en aucun cas possible d'obtenir avec ces procédés des formes et des motifs aussi variés que ceux que l'on présentera en exemple de de la présente invention (cf. notamment la Figure 9 de la présente demande), avec des motifs "écaille", "fenêtre", "pétale", "triangle" ou "croix", et ce à une échelle semi-industrielle : dans l'exemple décrit plus bas, on verra qu'il est par exemple possible de produire en une seule passe jusqu'à 176 savonnettes individuelles à partir d'un seul et même bloc de savon massif.
RÉSUMÉ DE L'INVENTION
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Pour remédier à ces diverses limitations et atteindre les buts indiqués plus haut, l'idée de base de l'invention réside, essentiellement, dans :
- l'utilisation comme moule d'une cuve comprenant un fond et des côtés démontables, de manière à pouvoir couler en une seule passe un pain de savon de volume important, et le dissocier ensuite d'avec la cuve par démontage des parois latérales, le pain de savon reposant alors simplement sur le fond ; et
- à partir de ce pain de savon reposant sur le fond qui fait office de support, individualiser les savonnettes par des découpes multiples comprenant à la fois i) des découpes horizontales du pain de savon, ii) des premières découpes verticales de ce même pain de savon, et iii) des secondes découpes verticales, croisées par rapport aux premières découpes.
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En particulier, ces découpes horizontales et/ou verticales peuvent être aisément réalisées de façon collective au moyen d'une lyre ou raquette de minces fils d'acier tendus propres à s'enfoncer dans la masse de savon durci.
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Le procédé de l'invention est plus précisément exposé dans l'une ou l'autre des revendications indépendantes 1 ou 3.
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Le sous-revendications 2 et 4-6 visent des mises en œuvre avantageuses, subsidiaires, de ce procédé de fabrication.
DESCRIPTION SOMMAIRE DES DESSINS
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On va maintenant décrire un exemple de mise en œuvre de l'invention, en référence aux dessins annexés où les mêmes références désignent d'une figure à l'autre des éléments identiques ou fonctionnellement semblables.
- La Figure 1 illustre en vue perspective éclatée de la cuve de préparation selon un premier mode de mise en œuvre du procédé de l'invention, au stade d'une phase initiale avant tout coulage d'une masse de savon.
- Les Figures 2 à 6 illustrent, en vue de dessus, les phases successives de ce premier mode de mise en œuvre du procédé de l'invention.
- Les Figures 7 et 8 illustrent un deuxième mode de mise en œuvre du procédé de l'invention, respectivement pour les deux phases qui diffèrent du mode de réalisation illustré aux Figures 2 à 6 précédentes.
- La Figure 9 illustre divers exemples de savonnettes à inclusion de deux ou plus couleurs qu'il est possible de réaliser grâce aux enseignements de l'invention.
DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE MODES DE RÉALISATION PRÉFÉRENTIELS DE L'INVENTION
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Sur la Figure 1, on a illustré en perspective une cuve pour la fabrication de savonnettes selon le procédé de l'invention, cette cuve comportant un fond 10 et des côtés 12. Ces différents éléments sont démontables de manière à permettre un démoulage facile une fois la masse de savon solidifiée. À titre d'exemple, bien entendu non limitatif, il est possible d'utiliser une cuve de 28 × 28 × 30 cm, permettant de mouler des pains de savon cubiques de 28 cm de côté, pour un poids de l'ordre de 20 kg. Dans une première forme de mise en œuvre du procédé de l'invention, des contreformes 14 verticales sont placées à l'intérieur du moule, de manière à laisser subsister entre elles des espaces vides 16. Les contreformes et les parois internes de la cuve sont de préférence enveloppées d'un film antiadhérent 18 pour permettre un démoulage aisé une fois que la masse de savon liquide qui sera versée dans le moule aura durci.
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Les contreformes 14 sont par exemple des contreformes en bois ou en matière plastique. De façon caractéristique de l'invention, elles ont une forme de prisme droit ou de cylindre droit (au sens le plus général du terme, c'est-à-dire le volume décrit par une droite verticale s'appuyant sur un polygone ou sur une courbe circulaire ou non).
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Les contreformes sont placées verticalement dans le moule, comme on peut le voir sur la Figure 1, selon un agencement régulier (cf. vue en plan de la Figure 2) qui sera fonction du motif final des savonnettes que l'on souhaite produire après la dernière étape du procédé (cf. Figure 6). Le profil, en plan, de ces contreformes sera choisi en fonction des différents motifs de savonnette que l'on souhaite réaliser, et dont des exemples sont illustrés à la Figure 9.
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Avantageusement, le fond 10 de la cuve présente des marquages formant repères pour faciliter le placement de la base des contreformes selon leur agencement prédéterminé, par exemple sous forme d'un patron posé sous le fond 10, celui-ci étant réalisé en un matériau transparent (matière plastique rigide telle que le PMMA ou analogue).
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L'étape suivante du procédé, après avoir placé les contreformes, consiste à préparer une première masse de savon saponifiable à froid d'une première couleur A, et à couler dans la cuve cette première masse, dans les espaces vides 16 subsistant entre les contreformes 14. Le résultat de cette étape, après prise de la masse du savon de la première couleur A, est illustré Figure 3.
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Une caractéristique importante de l'invention réside dans le choix d'un savon saponifiable à froid, avec les caractéristiques exposées plus haut en introduction. De fait, la prise en masse du savon intervient rapidement, quelques minutes après le mélange des constituants de base.
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Une fois la masse de savon de la première couleur A entièrement prise, les contreformes 14 sont retirées, laissant ainsi subsister des espaces vides 20 (Figure 4) au sein de la masse du savon de la première couleur A.
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L'étape suivante consiste à préparer une deuxième masse de savon saponifiable à froid d'une deuxième couleur B, différente de la couleur A, et à couler dans la cuve cette deuxième masse dans les espaces vides 20 ménagés par le retrait des contreformes. Le résultat de cette étape, après prise de la masse du savon de la deuxième couleur B, est illustré Figure 5.
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On dispose à l'issue de cette étape d'un pain de savon massif 22, de dimensions 28 × 28 × 28 cm dans l'exemple non limitatif indiqué.
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Après démontage des parois latérales 12 de la cuve, ce pain de savon massif 22 repose simplement sur le fond 10. Il est alors détaillé en savonnettes individuelles par :
- découpes verticales croisées, selon des plans dont la trace est représentée en X et Y sur la Figure 6, de manière à diviser le bloc cubique du pain de savon massif en pains verticaux de dimension 7 × 7 cm, puis
- découpes horizontales, de manière à détailler chaque pain vertical en un empilement de savonnettes carrées de 7 × 7 cm et d'épaisseur 2,5 cm (par exemple).
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Comme on peut le voir sur la Figure 6, pour chaque tranche du pain de savon 22 de dimension 28 × 28 cm, il est possible d'individualiser seize savonnettes 24 de 7 × 7 cm, chacune avec un motif comprenant, dans l'exemple illustré, une région d'une première couleur A en inclusion entre deux régions d'une deuxième couleur B, et ce sur toute l'épaisseur de la savonnette.
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Avec un seul bloc de savon massif de 28 × 28 × 28 cm il est de cette manière possible de produire, en une seule passe du procédé, 176 savonnettes individuelles de 7 × 7 × 2,5 cm.
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Les découpes horizontales et verticales respectives sont avantageusement réalisées collectivement au moyen d'une "lyre" ou "raquette" de minces fils d'acier tendus, propres à s'enfoncer dans la masse de savon durcie.
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Dans une deuxième forme de mise en œuvre de l'invention, les contreformes 14 sont remplacées par des blocs de savon moulés à la forme désirée, c'est-à-dire que les formes verticales cylindriques ou prismatiques ne sont pas constituées de pièces en bois, mais de blocs de savon préalablement moulés et/ou découpés.
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Ce moulage préalable des blocs de savon prismatiques ou cylindriques peut être réalisé de plusieurs façons :
- dans une première variante, les blocs sont coulés dans des moules individuels verticaux (ou éventuellement horizontaux) de forme correspondante, les blocs étant ensuite démoulés et placés dans le moule collectif 10, 12 selon l'agencement de la Figure 1 ; et/ou
- dans une deuxième variante, les blocs sont coulés dans un moule collectif, par exemple le même moule 10, 12 que celui qui sera utilisé plus tard pour la fabrication des savonnettes à inclusions mais en remplissant totalement ce moule d'une masse de savon unique, puis en découpant dans le pain de savon cubique obtenu les formes verticales droites prismatiques ou cylindriques voulues, selon le procédé de découpe verticale décrit plus haut (mais sans découpe horizontale, de manière à pouvoir disposer de blocs prismatiques ou cylindriques entiers, sur toute la hauteur du moule).
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Une fois effectué le prémoulage, et la découpe éventuelle, de ces blocs de la couleur B, ceux-ci sont placés dans le moule avec l'agencement souhaité. La configuration est alors celle illustrée Figure 7, avec des espaces vides 16 subsistant entre les blocs de savon de la couleur B. L'étape suivante consiste à couler dans ces espaces 16 le savon de la couleur A. La configuration est alors celle illustrée Figure 8, identique à celle de la Figure 5.
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Les opérations suivantes de découpe et d'individualisation des savonnettes sont les mêmes que celles qui ont été décrites plus haut.
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On notera que, dans cette deuxième forme de mise en œuvre, c'est le savon de la couleur B qui est coulé avant celui de la couleur A, à la différence de la première mise en œuvre où, du fait de l'utilisation des contreformes en bois, les savons étaient coulés dans l'ordre inverse.
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On soulignera que, dans l'une ou l'autre mise en œuvre, le travail est toujours effectué à la verticale, permettant de réaliser en un processus unique un très grand nombre de savonnettes individuelles.
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Ce mode de fabrication diffère à cet égard des procédés actuels, artisanaux, mettant en œuvre des bacs plats horizontaux dans lesquels le savon est coulé en barres qui sont ensuite détaillées en savonnettes individuelles. Cette fabrication artisanale, à l'horizontale, présente non seulement l'inconvénient d'une faible cadence de production, mais en plus elle ne permet pas de réaliser, comme dans l'invention, des pains de savon avec des inclusions dans la masse, et sur toute l'épaisseur, de motifs géométriques prédéterminés à base de régions de couleurs différentes.
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La Figure 9 illustre divers autres exemples de savonnettes qu'il est possible de réaliser grâce aux enseignements de l'invention, avec des motifs géométriques constitués de segments de droite et d'arc de cercle délimitant sur la même savonnette les régions de couleurs différentes, avec au moins deux couleurs A, B, éventuellement avec une troisième couleur C.
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Ces motifs "écaille" (a), "fenêtre" (b), "facette" (c), "pétale" (d), "triangle" (e) ou "croix" (f) sont obtenus par le procédé décrit plus haut, avec des profils appropriés de contreformes en bois prismatiques ou cylindriques et/ou de blocs de savon prémoulés prismatiques ou cylindriques.