MIROIR DEFORMABLE A STRUCTURE ALVEOLAIRE
L'invention porte sur un miroir déformable pour optique adaptative présentant une structure alvéolaire, adapté par exemple à des applications astronomiques et/o spatiales. Les miroirs déformables sont bien connus dans l'art du génie optique ; ils sont notamment utilisés dans les instruments optiques tels que les télescopes pour permettre une correction des aberrations, des effets de la turbulence atmosphérique (optique adaptative), etc.
Ces miroirs sont généralement constitués par une plaque mince ou membrane en verre ou matériau céramique (épaisseur de l'ordre de quelques millimètres), fixée à une structure de support par l'intermédiaire d'un réseau d'actionneurs. Les actionneurs peuvent appliquer des efforts perpendiculaires à la membrane (miroirs « à pistons ») ou parallèles à cette dernière (miroirs « bimorphes »). La structure de support doit être très stable, et peut par exemple être du type alvéolaire, ou à nid d'abeille, comme divulgué par le document EP1690123.
En astronomie, tant terrestre que spatiale, la tendance est à la réalisation de télescopes de dimensions de plus en plus grandes, pourvus de miroirs secondaires déformables. Les secondaires de ces télescopes de très grandes dimensions (VLT : very large télescopes) peuvent présenter des diamètres supérieurs au mètre. Or, il est très difficile de fabriquer des miroirs déformables de ces dimensions. Une plaque de verre ou céramique ayant une épaisseur de l'ordre de 2 millimètres pour un diamètre de 1m s'avère trop « flexible », ce qui rend sa fabrication, son polissage et sa mise en forme extrêmement complexes. Une plaque plus épaisse serait trop lourde et nécessiterait des efforts importants des actionneurs ; par exemple, une plaque en zerodur d'un centimètre d'épaisseur présente une masse de plus de 25 kg/m2 - sans compter la masse de la structure de support et des actionneurs, encore plus importante. Ces considérations de masse sont essentielles notamment pour les applications spatiales (télescopes embarqués sur satellites).
Pour résoudre ce problème, il a été proposé d'utiliser des miroirs déformables comportant un substrat à structure alvéolaire en matériau composite renforcé par fibres de carbone, sur la surface duquel est déposée une couche mince de nickel électroformée : voir à ce propos l'article de S. Kendrew et al : « Developement of a carbon fibre composite active mirror : Design and testing » ; arXiv :astro-ph/0508135v1 , 4 août 2005. Ces miroirs, cependant, ont une tendance à se déformer de manière imprévisible lors du polissage à cause d'un relâchement de contraintes internes. Cet inconvénient a conduit à leur abandon au profit de miroirs pourvus d'un substrat massif - et donc moins léger — également en matériau composite renforcé par fibres de carbone. Voir l'article de S. J. Thompson, D. Brooks et A. P. Doel « A nickel- carbon-fibre composite for large adaptive mirrors : fabrication methods and properties », Opics Express Vol. 16, N° 2 pages 1321 - 1330, 21 janvier 2008. Dans tous les cas, une structure de fibrage peut réapparaître sous la surface optique, effet connu sous le nom de « fibre print through ».
L'invention vise à procurer un miroir déformable permettant de pallier aux inconvénients précités de l'art antérieur.
L'idée à la base de l'invention consiste à utiliser, comme substrat d'un miroir déformable, un panneau comportant une âme à structure alvéolaire ou « à nid d'abeille » enfermée entre deux plaques de revêtement en verre ou céramique. Les plaques de revêtement, très rigides, empêchent toute déformation intempestive du substrat ; en outre, elles sont polissables pour donner une surface spéculaire d'excellente qualité, sans effet d'empreinte dû à l'âme.
Des panneaux de ce type sont connus, notamment, de l'article de E. Rugi Grond, A. Herren, S. Mérillat et J. J. Fermé « Innovative Ligthweight Substrate for Stable Optical Benches and Mirrors », International Conférence on Space Optics ICSO 2008, Toulouse 14 - 17 octobre 2008, ainsi que du document US 7,167,631. Il est important de noter que ces documents divulguent l'utilisation de panneaux de ce type en particulier pour la réalisation de bancs optiques, qui sont des éléments dont la principale
qualité est la rigidité. Il est donc surprenant que ces panneaux puissent être utilisés pour la réalisation de miroirs déformables, en remplacement de membranes réfléchissantes caractérisées par leur grande souplesse. Cependant, les inventeurs se sont rendus compte du fait qu'il est effectivement possible de déformer ces substrats jusqu'à obtenir une flèche pouvant atteindre 10 μm sur une distance de 100 mm, ce qui est amplement suffisant pour des nombreuses applications d'optique adaptative.
La possibilité de polir l'une des plaques de revêtement pour en faire une surface de miroir est divulguée par l'article précité de E. Rugi Grond et al.
Un objet de l'invention est donc un miroir déformable comportant un substrat à structure alvéolaire pourvu d'une surface réfléchissante et un ensemble d'actionneurs agencés pour induire des déformations maitrisées dudit substrat et de sa surface réfléchissante, caractérisé en ce que ledit substrat est constitué par un panneau comportant une âme à structure alvéolaire enfermée entre deux plaques de revêtement, dites antérieure et postérieure, réalisées dans un matériau de type verre ou céramique, la surface réfléchissante étant formée sur ladite plaque de revêtement antérieure. Selon des modes particuliers de réalisation de l'invention :
Ladite âme à structure alvéolaire peut être réalisée en un matériau choisi parmi : les métaux et alliages léger, de densité volumique inférieure ou égale à 3 kg/cm3 ; les polymères ; les polymères renforcés par fibres. - Lesdites plaques de revêtement peuvent être réalisées en un ou plusieurs matériaux choisis parmi le zerodur et la silice fondue.
Lesdites plaques de revêtement peuvent, de préférence, être fixées directement à ladite âme. La fixation des plaques de revêtement à ladite âme peut se faire par collage. - Ladite âme peut présenter une épaisseur comprise entre
10 et 500 mm et lesdites plaques de revêtement une épaisseur comprise entre 0,5 et 20 mm.
Lesdits actionneurs peuvent être adaptés pour induire une déformation comprise entre 1 et 10 μm sur une distance de 100 mm.
Lesdits actionneurs peuvent être des éléments piézoélectriques fixés à la plaque de revêtement postérieure et agencés de manière à appliquer des forces de traction ou de compression orientées parallèlement à cette dernière.
Lesdits actionneurs peuvent être adaptés pour appliquer à ladite plaque de revêtement postérieure des forces orientées perpendiculairement à cette dernière. - Lesdits actionneurs peuvent comporter des éléments de chauffage repartis de manière régulière sur ladite plaque de revêtement postérieure pour en provoquer une dilatation thermique localisée. En particulier lesdits éléments de chauffage peuvent être des résistances électriques disposées sur ladite plaque de revêtement postérieure. En variante, lesdits éléments de chauffage peuvent être des sources optiques ponctuelles (diodes électroluminescentes ou lampes) disposées en regard de ladite plaque de revêtement postérieure, laquelle est absorbante ou revêtue, à son tour, d'une couche absorbante.
Le diamètre du miroir peut être supérieur à 1 m. Un autre objet de l'invention est l'utilisation en tant que substrat de miroir déformable d'un panneau comportant une âme à structure alvéolaire enfermée entre deux plaques de revêtement dites antérieure et postérieure, dans lequel la plaque antérieure présente une surface extérieure réfléchissante. D'autres caractéristiques, détails et avantages de l'invention ressortiront à la lecture de la description faite en référence aux dessins annexés donnés à titre d'exemple et qui représentent, respectivement : la figure 1 , une vue en élévation partiellement écorchée d'un substrat de miroir selon l'invention ; - la figure 2, une vue en coupe d'un miroir déformable selon un premier mode de réalisation de l'invention, comportant des actionneurs piézoélectriques ;
la figure 3, une vue en coupe d'un miroir déformable selon un deuxième mode de réalisation de l'invention, comportant des actionneurs de type « piston » ; la figure 4, une vue en coupe d'un miroir déformable selon un troisième mode de réalisation de l'invention, comportant des actionneurs électrothermiques ; la figure 5, une vue en coupe d'un miroir déformable selon un troisième mode de réalisation de l'invention, comportant des actionneurs thermo-optiques ; et - les figures 6A et 6B deux vues en coupes de miroirs courbes selon des modes de réalisation alternatifs de l'invention.
La figure 1 représente, non à l'échelle, un miroir selon l'invention, comportant un substrat de miroir 10 et un ensemble d'actionneurs 20 destinés à déformer, de manière maîtrisée, ledit substrat. Le substrat 10 est constitué par un panneau sensiblement planaire comportant une âme 1 1 à structure alvéolaire ou à « nid d'abeille » enfermée entre deux plaques de revêtement 12 (plaque antérieure) et 13 (plaque postérieure). La plaque antérieure 12 est polie à un niveau optique (rugosité de l'ordre de quelques Angstrôm ou nanomètres dans le domaine visible, ou jusqu'à quelques micromètres pour l'infrarouge) et pourvue d'un revêtement réfléchissant, métallique ou multicouche diélectrique, formant une surface de miroir 14. La plaque postérieure 13 est reliée fonctionnellement à l'ensemble d'actionneurs 20 d'une manière qui sera décrite plus en détail par la suite. L'âme 11 a une structure alvéolaire, de préférence régulière, qui, dans l'exemple illustré sur la figure 1 , présente une géométrie hexagonale. Une telle structure peut être fabriquée par extrusion ; elle présente des propriétés mécaniques très anisotropes, avec une raideur sensiblement plus élevée dans la direction z (perpendiculaire à la surface de miroir 14) que dans les directions x et y. Cette âme peut être réalisée en métal ou alliage léger, tel que l'aluminium. Ici et par la suite on entend par « métal ou alliage léger » tout métal ou alliage métallique, homogène ou non
homogène, de densité volumique inférieure ou égale à 3 kg/cm3. En variante, elle peut être réalisée en matière plastique (au sens large, incluant les résines thermodurcissables), de préférence renforcée par fibres de carbone ou de verre ; ces matériaux présentent l'avantage d'avoir un plus faible coefficient d'expansion thermique par rapport aux métaux. A titre d'exemple, la densité volumique d'une âme alvéolée en aluminium adaptée à la mise en oeuvre de l'invention peut être aussi faible que 16 kg/m3.
L'épaisseur de l'âme 11 (définie comme sa dimension dans la direction z) est généralement comprise dans la plage 10 — 50 mm ou jusqu'à 100 mm environ pour un diamètre (défini au sens large comme la dimension principale dans le plan x-y) de l'ordre de 1 mètre. Pour des miroirs de 3 mètre de diamètre, l'épaisseur de l'âme peut atteindre les 500 mm.
La plaque de revêtement « antérieure » ou « avant » 12 est réalisée en matériau de type verre ou céramique, ce qui inclut les vitrocéramiques. Le zerodur (marque déposée par la société Schott AG) est une vitrocéramique facilement polissable, présentant un coefficient d'expansion thermique très faible (-0.02 x 10"6/K entre 0 et 500C) et une très grande homogénéité. D'autres matériaux tels que la silice fondue (SiO2) peuvent également être utilisés. La plaque antérieure 12 peut être fixée à l'âme 11 par collage, notamment à l'aide d'une pellicule adhésive en résine époxy. Il est préférable que la plaque 12 soit fixée directement à la structure alvéolaire, c'est à dire aux arêtes des cloisons délimitant les alvéoles, sans interposition d'une couche intermédiaire ou « peau » en matériau plastique, composite ou métal/alliage léger. En effet, une telle « peau » formerait avec la plaque 12 une structure bilame, susceptible de se déformer par effet de la dilatation thermique.
La surface avant de la plaque 12 peut être polie par des techniques conventionnelles jusqu'à un niveau de rugosité de quelques nanomètres ou Angstrôm, comme expliqué plus haut, avant de recevoir un revêtement réfléchissant 14 lui conférant les propriétés optiques recherchées.
La technique de l'invention se prête particulièrement bien à la réalisation de
miroirs planaires (avant déformations introduites de manière active), mais il est possible d'introduire une courbure des plaques antérieures et postérieures pour obtenir des miroirs convexes ou concaves. La structure alvéolaire constituant l'âme du miroir doit, dans ce cas, épouser la forme des plaques modifiées.
La figure 6A montre une structure selon l'invention présentant une face concave (à gauche) et une face convexe (à droite) ; en fonction de la face qui est rendue réfléchissante, cette structure peut convenir à la réalisation d'un miroir concave ou convexe. Les miroirs concaves peuvent être utilisés en particulier en tant que primaires de télescope et les miroirs convexes en tant que secondaires.
La figure 6B montre une structure selon l'invention présentant deux faces concaves. La symétrie de cette structure est avantageuse du point de vue mécanique. On peut également envisager une structure symétrique avec deux faces convexes.
La plaque postérieure 13 peut être du même matériau que la plaque antérieure 12 ce qui est avantageux pour des raisons de stabilité thermique, mais pas essentiel. En général, elle ne nécessite pas de finition optique car elle n'assure qu'une fonction mécanique. La fixation de la plaque postérieure 13 à l'âme 11 peut se faire par les mêmes techniques évoquées à propos de la plaque antérieure 12.
Les plaques 12 et 13 présentent typiquement une épaisseur d'au moins 0,5 mm, et en particulier de l'ordre de 1 - 2 mm pour des miroirs de 1 m de diamètre, et de 2 - 20 mm pour des miroirs jusqu'à 5 m de diamètre. Elles sont essentiellement responsables des propriétés mécaniques dans le plan x-y et des propriétés de flexion, la contribution directe de l'âme
11 étant négligeable. En revanche, c'est l'âme 11 qui est responsable des propriétés mécaniques le long de l'axe z. L'âme joue un rôle indirect, mais essentiel, dans la détermination de la rigidité en flexion de la structure, en éloignant les plaques 12 et 13 de la fibre neutre.
Comme illustré sur la figure 2, l'ensemble d'actionneurs 20 peut être constitué par un ensemble d'éléments piézoélectriques 21 collés à
la plaque arrière 13 du miroir selon un motif régulier. Ces éléments se dilatent ou se rétractent sous l'effet d'une tension électrique, appliquant à ladite plaque 13 des efforts de traction/compression parallèles à sa surface, selon le principe du miroir bimorphe. En variante, comme illustré sur la figure 3, l'ensemble d'actionneurs 20 peut être constitué par un ensemble d'actionneurs mécaniques ou électromécaniques 22 de type « piston », appliquant à la plaque arrière 13 du miroir des efforts perpendiculaire à sa surface. A leur tour, ces actionneurs 22 sont fixés à un élément de support 30 qui peut être de type alvéolaire.
Il est également possible de réaliser un actionnement du miroir par effet thermique, et cela même lorsque la plaque arrière 13 est en zerodur. Pour ce faire, il existe plusieurs possibilités.
Selon le mode de réalisation représenté sur la figure 4, il est possible de prévoir sur la plaque arrière 13 un réseau de résistances électriques chauffantes 23, disposées selon un motif qui peut être par exemple hexagonal. Les résistances chauffantes 23 peuvent être des éléments discrets collés à la plaque 13, ou bien être réalisés par dépôt d'une couche mince d'un matériau résistif tel que I1ITO (Indium-Tin Oxide, c'est à dire oxyde d'indium et étain).
En variante, selon le mode de réalisation représenté sur la figure 4, représenté sur la figure 5, il est possible de prévoir un réseau de sources lumineuses ponctuelles 24 (lampes ou diodes électroluminescentes) disposées en regard de la face arrière de la plaque 13. Cette face arrière peut être, le cas échéant, revêtue d'une couche 25 absorbant la lumière et la convertissant en chaleur qui détermine une dilatation thermique et donc une déformation de la structure. Les sources lumineuses 24 sont portées par une structure de support 31 qui n'a généralement pas à être aussi rigide que celle (30) du mode de réalisation de la figure 3, et peut donc être plus légère. II n'est pas essentiel que les actionneurs soient repartis de manière uniforme. D'une manière connue par elle-même en optique adaptative, il peut être préférable d'utiliser une disposition non-uniforme des
actionneurs pour optimiser les corrections recherchées. Ainsi, par exemple, il est courant de disposer des actionneurs de manière à former des segments de couronnes circulaires concentriques.