Procédé et dispositif de tubage d'une portion de puits forée
La présente invention concerne un procédé pour tuber un puits foré (cylindrique), notamment un puits de production de pétrole ou de gaz.
Elle concerne également un dispositif destiné à la mise en œuvre du procédé. L'invention s'applique particulièrement, mais non nécessairement, au tubage d'une portion d'un puits déjà forée, et dont on souhaite poursuivre le forage après mise en place dudit tubage, ce dernier étant destiné à étanchéifîer la portion déjà forée dont la paroi est sujette à des phénomènes de fracturation.
Le forage d'un puits s'opère usuellement au moyen d'un outil rotatif tel qu'un trépan monté à l'extrémité d'une tige de forage et commandé depuis la surface. L'opération est faite en présence de boue qui est recyclée en permanence à l'intérieur du puits. La boue est un fluide en général à base d'eau ou d'huile. L'une de ses fonctions est d'exercer une contre-pression hydrostatique qui s'oppose aux poussées des fluides présents autour de la paroi du puits de manière à stabiliser le terrain et réduire ainsi les risques d'effondrements. La boue est injectée à l'extrémité de la tige de forage, sous le trépan, et remonte en surface avec les débris de roche générés par le forage. Une autre de ses fonctions est donc d'évacuer ces débris. En surface, la boue est décantée, de manière à éliminer les débris de roche, puis réinjectée dans le puits. La présence de la boue, et sa remontée, assurent en outre un contrôle des anomalies pouvant survenir durant le forage du puits (perçage d'une poche de gaz par exemple), ce qui permet alors de déclencher des systèmes de sécurité ad hoc, par exemple pour fermer la sortie du puits.
Une difficulté susceptible d'être rencontrée en cours de forage est une perte de circulation de la boue. Ce problème se rencontre en particulier lorsque le puits traverse une portion de terrain très perméable, présentant des fracturations, des fissurations ou autres canaux qui débouchent dans des galeries de grande capacité.
Dans cette hypothèse, en effet, la boue s'échappe vers les galeries au lieu de remonter en surface, les apports étant insuffisants pour compenser les fuites. Les tentatives de colmatage de ces fracturations, qui se font généralement en jouant sur la composition et/ou la granulométrie de la boue, éventuellement en l'enrichissant de granulats divers, sont souvent vaines.
L'invention vise à résoudre ces difficultés en proposant un procédé et un dispositif permettant d'isoler aisément et à coût réduit au moins une zone fracturée rencontrée au cours du forage afin d'éviter ces pertes et de permettre la poursuite ultérieure du forage avec une circulation satisfaisante de la boue. L'invention a donc pour objet un procédé pour tuber une portion de puits forée, notamment un puits de production de pétrole ou de gaz.
Conformément à l'invention, on fait pour cela usage d'un tube cylindrique de diamètre légèrement plus faible que celui du forage, dont au moins la portion supérieure est ductile et radialement expansible, ce tube étant pourvu à sa base d'un joint d'étanchéité lui-même radialement expansible sous l'effet du propre poids du tube, ce tube ayant une longueur inférieure à celle de la portion de puits forée, mais suffisante pour que, lorsque sa base vient en appui contre le fond de la portion de puits forée, ladite portion supérieure se trouve positionnée au-dessus de la zone fracturée, et on opère comme suit : - on introduit axialement le tube dans la portion de puits forée de telle sorte que sa base vienne en appui contre le fond de la portion de puits forée et provoque l'expansion radiale du joint d'étanchéité, forçant celui-ci à s'appliquer de façon sensiblement étanche contre la paroi de puits qui l'entoure ;
- au moyen d'un outil dilatateur, on procède à l'expansion radiale de la portion supérieure du tube au-delà de sa limite élastique, de manière à l'appliquer intimement contre la paroi de puits qui l'entoure, à un niveau situé au- dessus de la zone fracturée.
On réalise ainsi un tubage, dont l'intérieur est parfaitement isolé de la zone fracturée, d'une part par l'application de la portion supérieure expansée du tube contre la paroi du puits, d'autre part par l'application du joint d'étanchéité autour de la portion inférieure du tube.
Selon d'autres caractéristiques avantageuses et non limitatives possibles de ce procédé :
- on procède à l'expansion radiale de la portion supérieure du tube au-moyen d'un outil dilatateur sous forme de vessie gonflable ;
- on procède à cette expansion pas-à-pas ;
- on procède à cette expansion progressivement, du bas vers le haut ;
- en début d'opération, on solidarise l'outil dilatateur avec le tube, et on descend l'ensemble dans le puits jusqu'à ce que le tube vienne reposer sur le fond du puits, après quoi on l'en désolidarise afin de procéder à l'expansion radiale de la portion supérieure du tube.
Le dispositif destiné à la mise en œuvre de ce procédé, qui est également un objet de la présente invention, est caractérisé en ce qu'il comprend :
- un tube cylindrique de diamètre légèrement plus faible que celui du forage, dont au moins la portion supérieure est ductile et radialement expansible, et qui est pourvu à sa base d'un joint d'étanchéité lui-même radialement expansible sous l'effet du propre poids du tube, ce tube ayant une longueur inférieure à celle de la portion de puits forée, mais suffisante pour que, lorsque sa base vient en appui contre le fond de la portion de puits forée, ladite portion supérieure se trouve positionnée au-dessus de la zone fracturée ; - un outil dilatateur commandé depuis la surface et apte à réaliser l'expansion radiale de la portion supérieure du tube au-delà de sa limite élastique, de manière à l'appliquer intimement contre la paroi de puits qui l'entoure.
Selon d'autres caractéristiques avantageuses et non limitatives possibles de ce dispositif : - l'outil dilatateur et le tube sont munis d'organes de liaison complémentaires, permettant de les accoupler afin de constituer un ensemble au sein duquel ces deux éléments sont aisément séparables l'un de l'autre ;
- leur accouplement mutuel se fait par vissage ;
- l'outil dilatateur est équipé, à son extrémité inférieure, d'un organe fileté apte à se visser dans une bague taraudée disposée à l'intérieur du tube, à la base de ladite portion supérieure ductile et radialement expansible de celui-ci ;
- ledit joint d'étanchéité est un organe annulaire souple et élastiquement déformable ;
- la portion d'extrémité inférieure du tube comporte deux éléments tubulaires télescopiques entre lesquels est disposé ce joint, le déplacement relatif de ces deux éléments tubulaires en provoquant l'expansion radiale, lorsqu'ils sont rapprochés l'un de l'autre.
- ladite portion supérieure ductile, et radialement expansible, du tube est entourée d'au moins un joint d'étanchéité annulaire. D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront à la lecture de la description suivante d'un mode de réalisation préféré de l'invention.
Cette description est faite en référence aux dessins annexés dans lesquels :
La figure 1 est une vue en coupe axiale d'un mode d'exécution possible d'un dispositif conforme à l'invention ; pour raison de commodité de représentation, la partie gauche de la figure représente la portion supérieure (côté surface) du dispositif, tandis que sa partie droite en représente la portion inférieure
(côté fond), ces deux portions, coaxiales, se raccordant au niveau des points référencés A1/A2 (reliés par un trait interrompu mixte qui symbolise leur continuité).
La figure 2 est une représentation, également en coupe axiale, d'un puits cylindrique vertical, partiellement foré, à zone(s) fracturée(s), que l'on souhaite tuber conformément à l'invention.
La figure IA est une vue partielle similaire qui correspond à la partie droite du dispositif de la figure 1, illustrant la manière dont est expansé le joint d'étanchéité qui garnit la base du tube. Les figures 3 à 7 sont des vues schématiques montrant les principales étapes de tubage du puits de la figure 2 à l'aide du dispositif de la figure 1, illustrant ainsi la façon dont le procédé de l'invention est mis en œuvre.
Le dispositif de la figure 1 comprend un tube 1 sensiblement cylindrique, de grande longueur. De manière usuelle, il est composé d'un ensemble de tronçons de tube fixés bout à bout, coaxialement, par exemple par vissage des tronçons les uns aux autres.
Sa longueur et son diamètre sont adaptés à ceux du puits à tuber.
Le matériau qui le constitue et son épaisseur de paroi sont choisis pour permettre son expansion radiale, dans le domaine de déformation plastique
(au-delà donc du domaine élastique) sous l'effet d'une pression interne, notamment générée par une vessie hydraulique gonflable, conformément aux enseignements du
FR-A- 2 901 837 par exemple.
Il s'agit par exemple d'un tube en acier inoxydable, relativement ductile, dont l'épaisseur de paroi est comprise entre 3 et 7 mm environ.
Sur la figure 1 on a désigné par la référence 10 le corps central du tube 1, par la référence 11 sa portion d'extrémité supérieure, et par la référence 13 sa portion d'extrémité inférieure.
La référence 12 désigne une collerette interne située à la base de la portion supérieure 11. Cette collerette 12, de préférence rapportée sur le tube, est taraudée intérieurement.
Le diamètre des portions d'extrémité supérieure 11 et inférieure 13 est très légèrement supérieur à celui du corps central. En outre, de préférence, la paroi de la portion d'extrémité supérieure 11 est plus fine que celle du corps central ce qui favorise son aptitude à l'expansion radiale.
La base du tube 1 est pourvue d'un manchon tubulaire télescopique 7, emmanché dans la portion d'extrémité inférieure 13, et axialement mobile dans celle-ci. Entre ces deux éléments, côté externe, est interposé un joint annulaire 2 en matière souple, incompressible et élastique, du genre caoutchouc. Il est adapté pour s'expanser radialement, par effet de coin, entre les chants biseautés en regard 70 de l'élément 7 et 14 de la portion 13, lorsque ces deux éléments sont rapprochés l'un de l'autre. Il forme alors un bourrelet annulaire.
Ce phénomène se comprend aisément à la simple observation de la figure IA sur laquelle les flèches i symbolisent le coulissement axial du manchon 7 à l'intérieur du tube 1, le bourrelet annulaire portant la référence 2'.
La portion 11 est entourée d'une série (avantageusement équidistantes) de bagues souples et élastiquement déformables 6 qui, comme ont le verra plus loin, constituent également des joints d'étanchéité.
Sur la figure 1, la référence 3 désigne un ensemble initialement unitaire comprenant un outil dilatateur 5, un organe de liaison 4, et le tube 1.
L'outil dilatateur 5 est une vessie hydraulique gonflable, radialement expansible, de type connu (voir par exemple le FR-A- 2 901 837 précité) qui est reliée à la tête de puits par une tige de commande axiale 30a de grande longueur.
L'organe de liaison 4 est connecté coaxialement à l'outil 5 par un tronçon de tige 30b de faible longueur. Il possède une paroi filetée 40, apte à être vissé dans la collerette 12 susmentionnée.
En manœuvrant la tige 30a de manière appropriée, il est possible de déplacer l'ensemble 3 axialement dans un puits, de faire tourner l'outil 5 et le connecteur 4 qui en est solidaire autour de leur axe commun ; cette tige 30a, de préférence tubulaire, est pourvue des conduits appropriés nécessaires au gonflage et au dégonflage hydraulique de la vessie 5.
Sur la figure 2 est représenté, en coupe axiale, un puits vertical à paroi cylindrique P et à fond plat F, creusé dans un terrain T contenant un gisement d'hydrocarbures que l'on envisage d'exploiter. Le forage traverse au moins une zone perméable, ou zone de fracturation ZF, dans laquelle la paroi présente des fracturations, des fissures, ou des canaux similaires, qui sont causes de perte de circulation de la boue, pour les raisons exposées dans le préambule ci-dessus.
Afin de pouvoir poursuivre correctement le forage, on met en place, conformément à l'invention, un tubage adapté à l'isolation de la zone ZF, comme cela va maintenant être expliqué.
A simple titre indicatif, on supposera que le diamètre du puits est d'environ 300 mm et que la longueur de tubage requise pour réaliser l'isolation de la (ou des) zone(s) ZF est de l'ordre de 400 m.
On utilise par exemple un tube en acier dont le corps principal 10 a une longueur de 400 m, un diamètre externe de 244 mm et une épaisseur de paroi de 6 mm.
La portion supérieure l i a une longueur de 4 m, un diamètre externe de 250 mm et une épaisseur de paroi de 4 mm.
La vessie gonflable 5 a une longueur de Im et un diamètre de 200 mm à l'état dégonflé.
Le procédé est mis en œuvre de la manière expliquée ci-après.
L'organe connecteur 4 ayant été relié, par vissage, à la collerette 12, et la vessie 5 étant dégonflée, on fait descendre axialement l'ensemble 3 à l'intérieur du puits, par l'intermédiaire la tige 30a (Flèche Dl, Figure 3), jusqu'à ce que la partie inférieure du tube vienne porter contre le fond plat.
Le poids du tube est relativement important, de l'ordre de 140 000 Newton.
C'est pourquoi, lorsqu'il vient en appui contre le fond F (Flèches D2, Figure 4), on observe une expansion radiale du joint 2 (Flèches Q), de la façon expliquée plus haut en référence à la figure IA.
Le diamètre initial de ce joint et son degré d'expansion pour la charge en question sont choisis de telle manière que le joint vienne s'appliquer fortement contre la paroi P environnante, si bien que l'intervalle périphérique entre la base du tube 1 et le puits se trouve ainsi obturé de manière étanche. L'étanchéité à la base du tube est ainsi obtenue de façon particulièrement simple et naturelle, sans nécessité de connexion hydraulique ou autre avec la surface du puits.
On dévisse ensuite le connecteur 4 afin de le désolidariser de la bague 12, et donc du tube 1 (Flèches R et Ml, Figure 5). Avantageusement, le filetage du connecteur possède un pas à gauche, de sorte que le dévissage est obtenu par entraînement de la tige 30a dans le sens usuel mis en œuvre par les moyens de commande normalisés installés dans la tête de puits.
En fin de dévissage, le positionnement axial de l'outil dilatateur 5 est parfaitement défini ; l'outil est situé juste à la base de la portion supérieure l i a expanser.
La suite de l'opération s'en trouve maîtrisée.
L'expansion peut alors commencer, par gonflage hydraulique de la vessie constitutive de l'outil 5.
Le liquide qui provoque ce gonflage est introduit dans l'outil 5 via la tige 30a, à une pression suffisante pour que l'expansion radiale de sa membrane repousse la paroi environnante du tube vers l'extérieur, au-delà de sa limite de déformation élastique, en l'appliquant intimement contre la paroi P (Flèches G,
Figure 6).
On dégonfle ensuite la vessie 5 (Flèches H) et on remonte l'outil de la valeur d'un pas (Flèche M2).
Ce processus, qui alterne des phases de gonflage, de dégonflage, et de déplacement en translation de bas en haut, est réitéré afin d'expanser progressivement la portion 11 sur toute sa longueur, après quoi on retire l'outil (Flèche J, Figure 7). L'intervalle entre le tube 1 et la paroi P se trouve donc ainsi obturé sur toute la longueur de la portion supérieure élargie du tube 1. L'étanchéité à ce niveau est assurée, ou confortée, par la présence des joints annulaires 6 qui sont comprimés entre la face externe du tube et la paroi du puits, ce qui permet de compenser les inévitables irrégularités de surface de cette paroi. Au final, on obtient un tubage qui isole complètement la zone ZF de l'espace interne du tube 1.
Il est alors possible de poursuivre le forage, en perçant le fond F, avec mise en œuvre de boues à l'intérieur du tubage, ce qui résout ainsi le problème de pertes de circulation. II convient de noter que le joint d'étanchéité prévu à la base du tube pourrait être agencé de manière différente de celle prévue dans le présent mode de réalisation du dispositif.
L'important est qu'il se déforme afin d'assurer automatiquement une étanchéité entre la paroi du puits et la base du tube, sous l'action du poids du tube, lorsque celui-ci vient en butée au fond du puits.
Par ailleurs, diverses méthodes d'expansion, connues en soi, autres que celle décrite ici, pourraient être mises en œuvre pour provoquer l'expansion de la portion supérieure 11 , par exemple en des zones délimitées espacées les unes des autres (partiellement donc), en continu et/ou avec un outil dilatateur mécanique à galets presseurs.
Les différents matériaux utilisés, en particulier pour constituer le tube 1 et les joints d'étanchéité 2 et 6, sont naturellement sélectionnés pour pouvoir résister durablement aux différentes contraintes physico-chimiques (chaleur, pression, corrosion...) auxquelles ils seront exposés au cours de leur mise en place et au cours de l'exploitation future du puits.