AMELIORATION DES PERFORMANCES D'UN CRISTAL ONL
L'invention concerne le domaine des cristaux pour l'Optique Non- Linéaire (ONL). Ces cristaux sont généralement utilisés dans les lasers à solides.
Soumis à un ou des rayonnement(s) incident(s) de longueur(s) d'onde donnée(s), ils ont le pouvoir de transformer une partie de ce rayonnement - dit de pompe - en une ou plusieurs ondes de fréquences différentes par interaction paramétrique. Le faisceau émergent comprenant une ou plusieurs ondes peut être qualifié de « composite » du point de vu spectral et spatial.
Dans le domaine des cristaux ONL utilisés en interaction paramétrique (par exemple génération d'harmonique, somme ou différence de fréquences, Oscillateur Paramétrique Optique, etc.), les performances exigées sont de plus en plus élevées. D'une part, on cherche à augmenter la puissance du rayonnement émergent et à traiter des puissances incidentes de plus en plus importantes. D'autre part, on souhaite s'assurer de la constance de leur performance dans le temps. Ces exigences sont a priori contradictoires dans la mesure où l'augmentation des puissances optiques traitées par les composants à cristaux ONL conduit inévitablement à une dégradation plus rapide de ces cristaux.
Pour augmenter les puissances converties par les cristaux ONL, une solution courante consiste à rechercher pour chaque gamme de longueur d'onde utilisée, les types de cristaux les mieux adaptés pour cette conversion et à augmenter la puissance incidente, que ce soit en mode continu, déclenché ou puisé.
Parallèlement, on cherche également à optimiser les conditions géométriques d'interaction non linéaire dans ces cristaux. Il s'agit dans ce cas de trouver pour chaque cristal et chaque longueur d'onde de travail les meilleures conditions géométriques d'accord de phase, obtenu soit par accord de biréfringence, soit par quasi accord de phase. Une fois les directions de propagation et de polarisation fixées par rapport à leurs axes cristallographiques, il est aussi possible de modifier la forme extérieure des
cristaux pour compenser certains effet optiques tels que le réfraction à l'interface air/cristal et de choisir une configuration de taille du cristal adaptée à la géométrie d'orientation de l'interaction non-linéaire voulue.
Une autre solution consiste à optimiser les conditions thermiques de l'interaction sollicitée. Etant donné que les paramètres optiques des cristaux
ONL dépendent de la température, les conditions d'accord de phase varie elles aussi et il est parfois possible de trouver une température pour laquelle une configuration d'interaction déterminée aura un rendement optimum.
En ce qui concerne les techniques actuelles permettant de contrôler les performances des cristaux ONL, elles sont basées sur des méthodes ex-situ, c'est à dire nécessitant de retirer le cristal de l'ensemble optique. Elles consistent principalement à mesurer les variations absolues d'absorption optique des cristaux ONL à la longueur d'onde de travail résultant de la création de défauts ponctuels (par exemple dégradation de couches de surface, centres colorés, migration d'espèces, etc.). Or, pour être fiables et reproductibles, ce type de mesure nécessite que l'absorption optique du cristal dépasse un certain seuil. Il en résulte que la dégradation est souvent irréversible lorsqu'elle peut être détectée.
En outre, le suivi en continu de l'absorption optique des cristaux ONL n'est pas compatible avec la géométrie habituelle des cavités optiques en raison de la présence de nombreux éléments optiques dans ces cavités.
Un but de l'invention est de fournir un procédé permettant d'améliorer les performances des cristaux ONL.
Un autre but de l'invention est de fournir un procédé permettant de contrôler de manière précise la dégradation du cristal ONL afin de garantir leurs performances.
A cet effet, l'invention propose un procédé de traitement d'un faisceau optique selon lequel on envoie un faisceau incident sur un cristal
ONL pour générer un ou des faisceau(x) émergent(s), caractérisé en ce que le cristal ONL présentant des propriétés piézo-électriques, on excite ledit cristal à une fréquence proche de l'une de ses fréquences de résonance.
Lorsque le cristal ONL est excité à une fréquence voisine de l'une de ses fréquences de résonance piézo-électrique, on assiste, en fonction de
l'amplitude de cette excitation, à un accroissement de l'intensité du faisceau composite émergent généré pour une puissance du ou des faisceaux incidents constante. Par conséquent, l'invention permet d'améliorer considérablement le rendement des cristaux ONL existants. On excite le cristal à une fréquence comprise dans un intervalle de
100 fois la largeur à mi-hauteur d'un pic de résonance piézo-électrique du cristal centré sur la fréquence de résonance fR, avantageusement dans un intervalle de 50 fois la largeur à mi-hauteur, très avantageusement de 10 fois la largeur à mi-hauteur, preferentiellement de 5 fois la largeur à mi- hauteur, très preferentiellement de 2 fois la largeur à mi-hauteur et plus preferentiellement encore dans un intervalle égal à la largeur à mi-hauteur.
Dans une mise en œuvre de l'invention, on mesure la variation d'un paramètre électrique du cristal et on en déduit son état de dégradation.
En effet, la dégradation du cristal sous éclairement intense et de longue durée se traduit inévitablement par une augmentation de son absorption optique. Cette augmentation de l'absorption optique entraîne nécessairement réchauffement du cristal. Or, les paramètres électriques d'un cristal ONL lorsqu'il est excité à une fréquence proche de sa fréquence de résonance sont sensibles notamment aux variations de température. Par conséquent, l'invention permet de détecter la dégradation du cristal ONL en détectant l'évolution de ses paramètres électriques.
Dans une autre mise en œuvre de l'invention, on mesure la variation d'un paramètre électrique du cristal et on commande un signal d'excitation piézoélectrique du cristal en fonction de cette variation pour optimiser l'intensité du ou des faisceau(x) émergent(s).
Cette mise en œuvre permet de réduire la puissance optique absorbée par le cristal en détectant son échauffement et de réduire au maximum cette puissance absorbée en modifiant l'excitation du cristal. On optimise ainsi les performances du cristal ONL quelque soit son état de dégradation.
L'invention propose également un composant à fonction optique comprenant un cristal ONL apte lorsqu'il reçoit un premier faisceau incident à émettre au moins un second faisceau émergent, caractérisé en ce que
ledit cristal ONL présente des propriétés piézo-électriques et en ce que le composant comprend en outre des moyens pour exciter ledit cristal à une fréquence f proche de ou égale à l'une de ses fréquences fR de résonance. L'invention propose également une source cohérente comprenant un tel composant optique.
D'autres caractéristiques et avantages ressortiront encore de la description qui suit, laquelle est purement illustrative et non limitative et doit être lue en regard des figures annexées par lesquelles :
- la figure 1 représente un exemple de mise en œuvre du procédé de l'invention sur un cristal de Niobate de Lithium,
- la figure 2 représente schématiquement une première expérience réalisée sur le cristal de la figure 1 ,
- la figure 3 représente schématiquement une deuxième expérience réalisée sur le cristal de la figure 1 , - la figure 4 est un graphique illustrant l'évolution au cours du temps de la capacité du cristal et de sa température en fonction de l'intensité lumineuse qui lui est appliquée,
- la figure 5 représente schématiquement une troisième expérience réalisée sur le cristal de la figure 1. Sur la figure 1 , on a représenté un exemple de cristal 10 de Niobate de Lithium (LiNbO3) présentant une forme de parallélépipède rectangle. Dans cet exemple, le cristal 10 a été taillé de manière à ce que ses faces soient perpendiculaires à ses axes cristallophysiques X, Y, Z. Cette caractéristique a été volontairement choisie dans le but de générer un effet optique non-linéaire donné. Bien entendu, selon la conjugaison voulue de l'effet piézo-électrique avec l'effet optique non linéaire du cristal, sa coupe peut varier et les axes cristallophysiques ne sont pas nécessairement perpendiculaires aux faces du parallélépipède.
Le cristal 10 est muni de deux électrodes 21 , 22 déposées sur deux faces 11 et 12 opposées dudit cristal, ces deux faces étant perpendiculaires à l'axe Z du cristal. Les deux électrodes 21 et 22 sont connectées à un générateur 30 de tension apte à générer une tension alternative dont la fréquence f est commandable.
Selon une première expérience représentée sur la figure 2, on soumet le cristal 10, à un faisceau électromagnétique infrarouge 1 de longueur d'onde 1064 nm polarisé suivant un axe Y. Cette polarisation Y correspond à la polarisation requise pour la sollicitation de l'effet optique non-linéaire dans cette expérience. L'effet optique non-linaire ici considéré est dit « de génération de seconde harmonique de type I » (SHG de type I). Il consiste à associer deux photons de l'onde incidente polarisée suivant Y, de fréquence ω, pour générer un troisième photon polarisé suivant Z, de fréquence 2ω. Avec le faisceau électromagnétique infrarouge 1 appliqué au cristal, on obtient en sortie un faisceau 2 de longueur d'ondes 532nm (de couleur verte) de polarisation Z.
Lorsqu'on applique grâce aux deux électrodes 21 et 22 une tension alternative f de fréquence proche de la fréquence de résonance fR piézo- électrique du cristal 10, on engendre une déformation alternative du cristal suivant son axe X. Cette déformation s'amplifie jusqu'à ce que le signal alternatif de fréquence f corresponde à la fréquence de résonance fR du cristal. Lorsque la fréquence f de la tension appliquée est proche de la fréquence de résonance fR du cristal et plus particulièrement lorsqu'elle correspond à cette fréquence de résonance, on assiste à un accroissement de l'intensité du faisceau vert 2 généré de plusieurs ordres de grandeur.
Par exemple avec une tension alternative de 20 V d'amplitude appliquée, on assiste à une augmentation de l'intensité du faisceau 2 généré d'un facteur 10, ce facteur pouvant être considéré comme une estimation basse du plus grand facteur d'amplification espéré.
Cette caractéristique des cristaux piézo-électriques présentant des propriétés optiques non-linéaires est particulièrement intéressante et trouve son emploi dans ce nombreuse applications. Elle permet avantageusement d'améliorer le rendement lumineux des cristaux ONL utilisés dans les lasers ou oscillateur paramétrique optique (OPO).
Dans une deuxième expérience représentée à la figure 3, un analyseur d'impédance 40 commercial dont la résolution est de 0,01 pF
(picofarad), connecté à des moyens d'enregistrement 50 permet de mesurer et de suivre l'évolution de la capacité électrique C du cristal 10.
On applique grâce au générateur 30 une tension entre les électrodes 21 et 22 dont la fréquence f est proche de la fréquence fR de résonance piézo-électrique du cristal 10. On enregistre simultanément grâce aux moyens d'enregistrement 50 l'évolution de la capacité C du cristal 10. On note une évolution forte de la capacité C du cristal pour une petite variation de la fréquence f appliquée ou de la température T du cristal.
Dans le cas de la figure 3 où le paramètre électrique enregistré est la capacité électrique C du cristal 10, la sensibilité à la fréquence f de cette capacité est supérieure à 1 ,4 pF/Hz (picofarad par Hertz) et la sensibilité à la température T est d'environ 44,8 pF/°C (picofarad par degré Celsius). Il est donc possible avec l'analyseur 40 dont la résolution est de 0,01 pF de
-4 détecter un échauffement intrinsèque du cristal de 0,01/44,81=2.10 °C . Comme la dégradation du cristal 10 sous éclairement intense et de longue durée se traduit par une augmentation de son absorption optique (donc de son échauffement), la mesure de la capacité C du cristal permet de détecter son état de dégradation.
Sur la figure 4, la courbe 100 représente l'évolution de la capacité C du cristal 10 de Niobate de Lithium en fonction du temps lorsque la tension qui lui est appliquée est à une fréquence fR de résonance piézo-électrique du cristal. Le point A de la courbe correspond à l'application sur le cristal d'un faisceau laser incident 1 de puissance 10 mW et de longueur d'onde 514 nm. Le point B correspond à la suppression du faisceau laser incident 1.
La courbe 2 représente la température T mesurée par une sonde externe de température précise à 1 millième de degré près.
On constate qu'avant l'application du faisceau laser 1 (avant le point A);* la capacité C du cristal mesurée par l'analyseur d'impédance 40 est d'environ 5,7 pF. Après l'application du faisceau laser 1 (après le point A), le cristal 10 à tendance à s'échauffer et sa capacité C mesurée par l'analyseur 40 baisse progressivement jusqu'à une valeur pratiquement nulle.
Après l'extinction de la source laser (après le point B), le cristal 10 se refroidit progressivement et sa capacité C s'établit à nouveau à 5,7 pF.
Dans cette expérience, on a volontairement choisi une puissance laser incidente relativement faible et une longueur d'onde dans le domaine de transparence du Niobate de Lithium de manière à limiter au maximum échauffement du cristal 10. On constate alors que la sonde externe de température précise à un millième de degré près ne détecte aucune variation de température au cours de l'expérience.
On peut en conclure que la mesure de capacité électrique C du cristal 10 lorsque celui-ci est stimulé à sa fréquence fR de résonance piézoélectrique conduit à une précision inférieure à 1 millième de degré. Par conséquent, toute sollicitation par un faisceau lumineux à une puissance supérieure ou dans le domaine d'absorption optique du cristal serait également aisément détectée par le procédé de l'invention. Selon une troisième expérience représentée à la figure 5, on réalise un montage analogue à celui de la figure 3. Le montage comprend ainsi un cristal 10 sur lequel sont positionnées deux électrodes 21 et 22, un générateur de tension 30 permettant d'appliquer une tension entre les électrodes 21 et 22, un analyseur d'impédance 40 connecté à des moyens d'enregistrement 50 et permettant de mesurer et de suivre l'évolution de la capacité électrique C du cristal 10. Le montage comprend en outre un module de commande 60 connecté aux moyens d'enregistrement 50 qui reçoit en entrée des signaux représentatifs de la capacité C mesurée. En fonction de cette capacité C, le module de commande 60 commande le générateur de tension 30 pour optimiser l'intensité du faisceau émergent 2.
L'amplification du faisceau montrée par l'expérience de la figure 2 a pour conséquence un échauffement du cristal 10. Cet échauffement même très faible est perçu par l'analyseur d'impédance 40 qui mesure une variation de la capacité C du cristal 10. L'échauffement du cristal 10 peut induire une dérive ou instabilité du faisceau émergent 2. Ce problème est résolu en utilisant la capacité C comme variable d'une boucle de rétroaction qui commande la tension appliquée entre les électrodes 21 et 22 de sorte que le cristal soit en permanence en condition de rendement optimum.
En fonction du type de cristal 10 utilisé dans ce montage, les moyens de commande 60 commandent la fréquence f, l'amplitude, la forme du signal de tension appliquée au cristal 10 par le générateur de tension 30.
Dans le cas où le cristal 10 n'est pas spontanément piézo- électrique, il est possible de le rendre piezo-électrique en lui appliquant une tension continue. Dans ce cas, la tension appliqué au cristal par le générateur 30 est la combinaison d'une tension continue et de la tension alternative d'excitation du cristal. La valeur de la composante continue de la tension résultante est également commandée par le module de commande 60 en fonction de la capacité C mesurée.
Un avantage de ce montage est qu'il permet d'optimiser le rendement du cristal 10 et de l'ensemble optique dans lequel il se trouve sans nécessiter de mesurer l'intensité du faisceau émergent 2. Dans un tel montage, il n'y a donc pas d'élément optique supplémentaire sur le trajet du faisceau émergent 2, de sorte que la qualité et l'intensité du faisceau ne se trouve pas altérées.
La description qui précède porte sur l'application du procédé de l'invention à un cristal de Niobate de Lithium de forme générale parallélépipédique excité suivant l'un de ses modes propres longitudinal. Il est également possible d'appliquer le procédé de l'invention à des cristaux de formes différentes (cylindre, plaque, poutre, sphère, pyramide, cône, etc.) excités suivants des modes de vibration différents (élongation, croisé, torsion, pendule, etc.). Par ailleurs, le signal d'excitation appliqué au cristal n'est pas nécessairement alternatif, il peut être remplacé par tout signal périodique dans le temps.
De même, la détection des paramètres électriques du cristal pendant l'expérience peut être obtenue à l'aide de tout dispositif électronique adapté, autre qu'un analyseur d'impédance.
On a pu constater que les meilleures performances d'un cristal ONL sont obtenues lorsqu'on applique à ce cristal un signal d'excitation présentant une fréquence comprise dans un intervalle défini par la largeur à mi-hauteur d'un pic de résonance centré sur une fréquence de résonance fR. On a pu obtenir également des résultats avec des signaux d'excitation
présentant des fréquences comprises dans un intervalle égal à 2 fois la largeur à mi-hauteur d'un pic de résonance centré sur une fréquence de résonance fR.
Néanmoins, selon les types des cristaux ONL utilisés et selon l'amplitude du signal d'excitation, on pourra augmenter l'intervalle des fréquences à 10 fois la largeur à mi-hauteur d'un pic de résonance centré sur une fréquence de résonance fR, 50 fois la largeur à mi-hauteur, et jusqu'à 100 fois la largeur à mi-hauteur.