MATERIAU ISOLANT POUR SURMOULAGE SUR APPAREILS MOYENNE ET HAUTE TENSION, ET APPAREILS ELECTRIQUES MOYENNE ET HAUTE TENSION UTILISANT UN TEL MATERIAU La présente invention concerne un matériau électriquement isolant pour surmoulage sur appareils moyenne ou haute tension. L'invention concerne également des appareils électriques moyenne et haute tension utilisant un tel matériau. L'invention concerne plus particulièrement des disjoncteurs utilisant un tel matériau. Les appareils électriques moyenne et haute tension comportent des éléments conducteurs entre lesquels peut régner une tension élevée. C'est le cas, dans un disjoncteur, des éléments conducteurs reliés respectivement aux contacts du disjoncteur et placés en partie à l'extérieur de la chambre de coupure, lorsque les contacts sont écartés l'un de l'autre pour effectuer une coupure. Pour des raisons de sécurité, il est impératif que les éléments conducteurs restent isolés l'un de l'autre et qu'un arc électrique ne puisse s'établir entre eux dans l'air à l'extérieur de la chambre de coupure. Or l'air atmosphérique n'est pas un très bon isolant : son pouvoir isolant est de l'ordre de 3 kV/mm, et ce pouvoir isolant est très sensible à la composition de l'air et notamment à la vapeur d'eau qu'il contient. D'autre part, les appareils électriques devant être conçus pour être aussi compacts et légers que possible, la distance entre les éléments conducteurs est strictement limitée, ce qui limite la possibilité d'utiliser l'air comme isolant. Pour satisfaire simultanément ces deux objectifs, il existe deux techniques. La première technique consiste, dans le cas d'un disjoncteur, à placer la chambre de coupure à l'intérieur d'une enceinte étanche et sous pression remplie d'un gaz à haut pouvoir isolant, le fluide généralement utilisé étant le gaz SF6. Mais ce gaz présente un risque pour l'environnement, et il est souhaitable d'en réduire l'usage. La seconde technique consiste à augmenter la distance entre les éléments conducteurs qui est effective du point de vue de l'isolation, appelée distance de contournement. C'est la distance correspondant à un chemin qui relie les éléments conducteurs en suivant le contour extérieur de l'appareil. On réalise une telle augmentation en disposant autour de l'appareil un isolateur de
géométrie appropriée, comportant généralement une série de protubérances ou d'ailettes qui allongent le dit chemin. Il est courant depuis longtemps de réaliser de tels isolateurs en verre ou céramique. Mais ces matériaux sont fragiles et ne se prêtent pas à la fabrication d'éléments par surmoulage sur un appareil. Il est courant d'utiliser des polymères tels que des résines époxy ou élastomères, qui se prêtent bien à la technique du surmoulage, mais le domaine d'application industrielle de ces polymères est limité à des tensions relativement peu élevées, ne dépassant pas 36 kV. Cependant, à partir de 24 kN, la mise en œuvre de ces polymères demande un soin tout particulier, ce qui rend le procédé délicat et coûteux. En effet, les polymères à l'état solide comportent des vides dans lesquels la permittivité électrique ε est très inférieure à celle du polymère lui-même. Il en résulte que le champ électrique dû à la tension entre les éléments conducteurs se répartit préférentiellement à la limite de ces vides. Ceci provoque des décharges partielles à l'intérieur de ces vides qui ont pour effet de détériorer le polymère et d'affecter son pouvoir isolant.
L'invention vise à procurer un moyen d'isolation électrique solide pour appareils électriques moyenne ou haute tension, permettant une réalisation compacte et économique des dits appareils et évitant l'emploi de gaz pour l'isolation.
Selon un premier aspect, l'invention a pour objet un matériau isolant convenant pour former un surmoulage sur un appareil moyenne ou haute tension, caractérisé par le fait qu'il comprend une charge minérale présentant une permittivité électrique ε croissante avec le champ électrique appliqué, dans une proportion comprise entre 5 à 50% en volume, et une matrice dans laquelle ladite matière est dispersée.
La propriété de ce matériau d'avoir une permittivité électrique qui augmente avec le champ appliqué a pour effet d'assurer une répartition régulière du champ électrique dans le matériau, la répartition de celui-ci étant fonction de la permittivité, et d'éviter l'établissement de champs élevés dans certaines zones.
De façon préférée, la dite charge est choisie dans le groupe constitué par (i) l'oxyde de zinc ZnO dopé, le dopant étant choisi parmi l'oxyde de bismuth Bi2O3, l'oxyde de cobalt Co3O4 ou CoO, l'oxyde d'antimoine Sb2O3,
l'oxyde de manganèse MnO2 ou Mn304 et les oxydes des métaux de transition, et (ii) un semi-conducteur à large bande interdite.
La matrice est formée de façon appropriée d'une composition polymère choisie dans la famille des élastomères, des thermodurcissables et des thermoplastiques.
La charge minérale est formée de façon appropriée d'une matière en particules ayant une granulométrie comprise entre 100 nm et 500μm.
La proportion de charge minérale est comprise de façon appropriée entre 15 et 30% en volume. La charge minérale est constituée de préférence de poudre d'oxyde de zinc dopé ayant une granulométrie de 50 à 200 μm et est présente en proportion d'environ 18% en volume.
Selon un autre aspect, l'invention a pour objet un appareil électrique moyenne ou haute tension, comportant au moins une paire d'éléments conducteurs espacés, entre lesquels règne ladite tension dans un état de fonctionnement de l'appareil, caractérisé par le fait qu'il comprend un surmoulage formé d'un matériau électriquement isolant tel que défini ci-dessus et agencé pour maintenir les deux éléments conducteurs isolés l'un de l'autre.
Selon un aspect particulier, l'invention a pour objet un disjoncteur moyenne ou haute tension, comportant une chambre de coupure, des contacts placés à l'intérieur de la chambre de coupure, un mécanisme pour créer un déplacement relatif entre les contacts, comprenant des éléments conducteurs connectés respectivement aux contacts et disposés au moins en partie à l'extérieur de la chambre de coupure, caractérisé par le fait qu'il comprend un surmoulage formé sur la chambre de coupure, constitué d'un matériau isolant tel que défini ci-dessus.
Selon un aspect plus particulier, l'invention a pour objet un disjoncteur moyenne tension, comportant une ampoule à vide, des contacts placés à l'intérieur de l'ampoule à vide, un mécanisme pour déplacer l'un au moins des contacts, comprenant des éléments conducteurs connectés respectivement aux contacts et disposés au moins en partie à l'extérieur de l'ampoule à vide, caractérisé par le fait qu'il comprend un surmoulage formé sur l'ampoule à vide, constitué d'un matériau isolant tel que défini ci-dessus.
L'invention sera bien comprise à la lecture de la description ci-après, faite en référence aux dessins annexés, dans lesquels :
- la figure 1 est un graphique montrant la variation de la permittivité électrique en fonction du champ pour un constituant possible du matériau isolant selon l'invention ;
- la figure 2A montre un modèle utilisé pour étudier par simulation la répartition du champ électrique dans un matériau isolant selon l'invention, et la figure 2B représente le résultat de la simulation;
- la figure 3 représente schématiquement un disjoncteur du type à ampoule à vide selon un exemple de réalisation de l'invention.
Le matériau isolant pour moyenne et haute tension conforme à l'invention comprend une charge minérale dispersée dans une matrice. La charge minérale possède la propriété d'avoir une permittivité électrique ε qui augmente de manière substantielle en fonction du champ électrique appliqué. Cette propriété est illustrée à la figure 1, qui présente la variation de la permittivité relative ε en fonction du champ électrique en N/mm (en échelle logarithmique), pour un exemple de matériau isolant selon l'invention. Le matériau en question comporte 30% en volume d'une charge minérale formée d'oxyde de zinc ZnO dopé, obtenu par broyage d'une céramique utilisée pour des varistances du commerce. La charge présente une granulométrie de 250 μm. Elle est dispersée dans une matrice formée de silicone de type LSR. Comme le montre la figure 1, la permittivité relative ε de ce matériau reste à une valeur constante, d'environ 7, jusqu'à un champ d'environ 270 N/mm. Pour des valeurs supérieures du champ, la permittivité relative ε augmente de façon rapide. Elle atteint 15 pour un champ de 300 N/mm, 32 pour un champ de 340 V/mm et 37 pour un champ de 360 V/mm.
Cette propriété a pour avantage que le champ électrique appliqué au matériau se répartit de façon régulière. Cela s'explique par le principe de Poisson, selon lequel le champ se répartit en raison inverse de la permittivité ε : dans des milieux de permittivités respectives εl, ε2, la répartition des champs respectifs El, E2 obéit à la relation εl.El = ε2.E2. Dans le cas d'un matériau ayant la propriété décrite ci-dessus, une élévation éventuelle du champ dans
une région du matériau aboutirait à une augmentation rapide de la permittivité ε dans cette région, ce qui, en vertu du principe de Poisson, aurait à son tour pour effet d'y abaisser le champ et ainsi de neutraliser une telle élévation.
La figure 2A représente un modèle utilisé pour étudier par simulation l'effet sur la répartition des lignes de champ d'un matériau isolant selon l'invention. Ce modèle comprend une couche formée d'une électrode 1 et d'une pièce 2 en matériau isolant selon l'invention, placée entre deux couches 3 et 4 de polymère isolant. L'électrode 1 a une section en forme de triangle rectangle et a sa base 5 reliée à une source de tension 6. La pièce 2 a une section trapézoïdale complémentaire. L'extrémité 6 de l'électrode 1 est située dans le plan médian des couches 3 et 4. La couche 3 de polymère est reliée à la terre en un point 7 situé dans le dit plan médian.
La répartition du champ déterminée par simulation est illustrée à la figure 2B. On note que les lignes de champ C se répartissent de façon très régulière dans la couche 3 de polymère.
Le matériau isolant selon l'invention est constitué comme indiqué plus haut d'une charge minérale présentant une permittivité électrique ε croissante avec le champ électrique appliqué, dans une proportion comprise entre 5 à 50% en volume, et une matrice dans laquelle ladite matière est dispersée. Selon un exemple de réalisation, la dite charge est constituée de particules d'oxyde de zinc ZnO dopé, le dopant étant choisi parmi l'oxyde de bismuth Bi2O3, l'oxyde de cobalt Co O ou CoO , l'oxyde d'antimoine Sb2O , l'oxyde de manganèse MnO2 ou Mn30 et les oxydes des métaux de transition. Un tel constituant est connu pour son utilisation sous forme de céramique dans les varistances de parafoudres. Pour obtenir la charge de ZnO dopé sous forme de particules, on peut partir d'une varistance du commerce sous forme de céramique, ayant les caractéristiques de permittivité désirées, et broyer cette céramique au moyen d'un broyeur approprié. La forme des particules de la charge est de façon appropriée sphérique ou ellipsoïdale, mais il est aussi envisageable d'utiliser des particules de forme allongée, telles que des morceaux de fibres, ou des particules de forme aléatoire.
La granulométrie de la charge est de façon appropriée comprise entre 100 nm et 500 μ . La granulométrie est à choisir en particulier en fonction de
la tension de service. Une granulométrie adaptée aux moyennes tensions, de 10 à 50 kN, est comprise entre 50 μm et 200 μm. Pour des tensions plus élevées, une granulométrie plus fine est appropriée.
Un autre constituant envisageable pour la charge minérale est un semi- conducteur à large bande interdite tel que le carbure de silicium SiC, en particules telles que décrit ci-dessus en référence au ZnO dopé.
La matrice est formée de façon appropriée d'une composition polymère convenant pour réaliser des surmoulages pour appareils électriques moyenne ou haute tension. Une telle composition peut être choisie dans la famille des élastomères et des résines thermodurcissables. A titre d'exemple d'élastomère, on peut citer l'EPDM (éthylène-propylène-diène). Comme résine appropriée, on citera les silicones et les résines époxy. On peut aussi utiliser des polymères thermoplastiques tels que le polyéthylène ou le polyméthacrylate de méthyle. Le choix de la composition polymère sera fait par l'homme de métier en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, notamment : tension de service, géométrie de l'appareil sur lequel le surmoulage est à former et forme extérieure du surmoulage, conditions ambiantes (température, hygrométrie).
La proportion de charge minérale est comprise de façon appropriée entre 15 et 30% en volume. Une proportion comprise entre 15 et 20% en volume, de préférence de l'ordre de 18% en volume, apparaît comme convenable au regard des différentes exigences à satisfaire. Au total, un matériau de surmoulage comprenant environ 18% en volume d'une poudre de ZnO dopé, d'une granulométrie de 50 à 200 μm, dispersée dans une résine thermodurcissable ou un élastomère, est un exemple de réalisation approprié pour réaliser un surmoulage sur un appareil moyenne tension tel qu'un disjoncteur moyenne tension.
La figure 3 représente schématiquement un disjoncteur moyenne tension dont l'organe de coupure est une ampoule à vide désignée dans son ensemble par la référence 10. L'ampoule à vide comporte un boîtier 11 de forme généralement cylindrique à l'intérieur duquel sont disposés un contact fixe 12 et un contact mobile 13, ce dernier étant déplaçable pour s'écarter du contact fixe, comme représenté sur la figure 3 A, pour réaliser la coupure. Des éléments conducteurs 14 et 15 reliés respectivement au contact fixe 12 et au contact mobile 13 passent à travers des ouvertures ménagées dans les parois
d'extrémité respectivement 16 et 17 du boîtier 10, l'élément conducteur 15 étant mobile en translation pour déplacer le contact 13 et relié à un organe d'actionnement, non représenté. Un soufflet 18 est disposé autour de l'élément conducteur mobile 15 pour assurer la tenue sous vide de l'espace intérieur du boîtier 10.
Dans la position de coupure représentée, une tension élevée existe entre les éléments conducteurs 14 et 15 et il importe d'assurer l'isolation électrique entre eux .
Le boîtier 10 est enrobé dans un surmoulage qui, dans l'exemple de réalisation de la figure 3, est constitué de façon homogène d'un matériau isolant tel que défini plus haut, à savoir une poudre de ZnO dopé dispersée dans une matrice telle que silicone ou résine thermodurcissable.
Le disjoncteur tel que décrit présente l'avantage sur les appareils connus de ne pas contenir de gaz isolant SF6. Il est en outre de réalisation très compacte.
Il est envisageable d'enrober un surmoulage tel que décrit ci-dessus dans un second surmoulage constitué d'une résine appropriée telle qu'une résine époxy.