Vitrage anti-feu
La présente invention concerne les vitrages anti-feu comprenant au moins une couche d'un silicate alcalin hydraté dont l'exposition au feu engendre la formation d'une mousse opaque qui s'oppose à la transmission des radiations et maintient les feuilles de verre auxquelles la ou les couches de silicate alcalin sont associées. L'invention concerne plus particulièrement les vitrages en question dont la couche intumescente est préparée par séchage d'une solution de silicates alcalins.
L'invention vise encore plus particulièrement les vitrages dont la couche intumescente est constituée de silicates principalement de sodium.
Les produits dans lesquels la ou les couches de silicates sont formées par séchage, sont obtenus traditionnellement à partir de solutions commerciales de silicates, solutions auxquelles sont ajoutés des additifs divers qui en améliorent les propriétés et/ou les conditions de mise en oeuvre. Les couches sont produites en répandant la solution sur un support et en procédant à un séchage plus ou moins prolongé. Au cours du séchage la couche se solidifie.
La couche de silicate ainsi formée, éventuellement directement sur une feuille de verre, est ensuite incluse dans un ensemble feuilleté au cours d'une ou plusieurs opérations de calandrage et d'étuvage.
Les solutions industrielles de silicates alcalins sont choisies comme matière première de base traditionnelle de ces couches intumescentes en raison de leur faible coût. En contrepartie ces solutions dont la composition est réglée de telle sorte qu'elles restent fluides (leur viscosité est de l'ordre de lOOmPaxs) présentent une teneur en eau relativement élevée.
A titre indicatif les solutions disponibles dans le commerce de silicates de sodium en fonction de leur rapport molaire SiO2/Na2O présentent les teneurs en eau pondérales suivantes :
On note qu'en pratique, les solutions de silicates industrielles ne sont pas disponibles à des rapports molaires supérieurs à environ 4.
Les propriétés des couches intumescentes dépendent de nombreux facteurs et en particulier de leur teneur en eau mais aussi du rapport molaire SiO2/Na2O. Le rapport molaire est lié au caractère plus ou moins "réfractaire" de la couche intumescente. Plus il est élevé, plus réfractaire est le produit. Ce caractère est quantifié notamment par la valeur de la température de fluage de la couche intumescente. Cette température désignée "Td" est celle pour laquelle le matériau se déforme sous une pression donnée. De cette température dépend la stabilité du vitrage dans l'épreuve au feu. Pour maintenir les feuilles de verre ou les morceaux des feuilles après que celles-ci se soient brisées sous les contraintes thermiques, il est important d'avoir une Td aussi élevée que possible.
L'accroissement de la température de fluage n'est pas sans contrepartie. L'augmentation du rapport molaire tend à réduire la plasticité de la couche intumescente. Suivant le type d'utilisation considéré pour le vitrage, cette plasticité peut être requise en particulier lorsque le vitrage doit résister à ce qui est dénommé "choc mou".
Néanmoins pour d'autres applications l'intérêt de l'accroissement de la résistance au fluage prévaut sur les caractéristiques de plasticité. Pour d'autres applications encore, par des structures de vitrages appropriées, il est
possible de combiner l'avantage de la résistance au fluage accrue et le maintien de plasticité globale du vitrage, par exemple par l'association dans un même vitrage de couches de compositions différentes les unes présentant une bonne plasticité, les autres un caractère réfractaire accentué.
Comme indiqué ci-dessus, le rapport molaire des solutions commercialisées ne dépasse pas normalement 4. Une raison de cette situation tient au fait que ces solutions pour rester stables renferment d'autant plus d'eau que le rapport molaire est plus élevé. Le coût de transport et de stockage de ces solutions ne permet pas d'accroître la teneur en eau au-delà de ce qui est pratiqué à l'heure actuelle.
Les inventeurs se sont proposés de fournir des vitrages comportant une couche intumescente de silicate de sodium présentant un rapport molaire SiO2/Na2O plus élevé que dans les produits usuels préparés à partir des solutions commerciales de silicates.
Selon l'invention les couches intumescentes sont préparées à partir de solutions de silicates de sodium industrielles auxquelles sont ajoutées des quantités appropriées de silice colloïdale pour atteindre un rapport molaire supérieur à 4 et qui peut s'élever jusqu'à 7. Selon l'invention le rapport molaire est avantageusement compris entre 4 et 6, et de préférence compris entre 4,5 et 5,6.
Dans la préparation des compositions soumises au séchage, l'introduction de silice pulvérulente qui aurait pour avantage de ne pas ajouter d'eau, à l'expérience n'apparaît pas réalisable de façon pratique. La dispersion homogène de la silice dans ces solutions de silicates est extrêmement difficile, même sous une agitation intense prolongée. Pour cette raison les inventeurs choisissent d'utiliser de préférence les suspensions aqueuses de silice colloïdale les plus concentrées disponibles dans le commerce.
S'il est possible de préparer entièrement des compositions de silicate de sodium en faisant réagir une suspension de silice avec une solution
de soude ou même avec des pastilles de soude, pour des raisons de coût il est préférable selon l'invention dans la préparation de la composition de silicate soumise à séchage, de conserver une part significative de solution de silicate industrielle. Par ailleurs si l'apport de silice sous forme de suspension colloïdale est plus coûteux que celui des silicates industriels, la teneur en eau liée à ces suspensions peut conduire à un séchage moins important. Il s'agit en conséquence de choisir le meilleur compromis. Dans tous les cas l'apport de silice sous forme de suspension aqueuse colloïdale n'est pas inférieur à 10% de la silice totale et peut s'élever à 80% de celle-ci. De préférence la part de silice colloïdale n'est pas supérieure à 60% de la silice totale.
Les couches intumescentes dont le rapport molaire est tel qu'indiqué ci-dessus présentent en outre des caractéristiques de fluage sensiblement améliorées. Si toutes choses égales par ailleurs le rapport molaire des solutions traditionnellement utilisées s'établit à environ 3,3 pour une température de fluage de l'ordre de 428°C, les températures de fluages des couches selon l'invention sont supérieures à 4700C et de préférence supérieures à 4800C, et de façon particulièrement préférée supérieures à 490°C.
Les valeurs de température "Td" sont déterminées de la façon suivante. Un vitrage formé de deux verres de part et d'autre de la couche anti-feu à caractériser est fabriqué. On y découpe un échantillon carré de 50mm de côté et on y perce un trou central de
15mm de diamètre. L'échantillon est pré-expansé à 2300C pendant 30 minutes puis refroidi à température ambiante. La mesure de Td s'effectue dans un four-dôme (commercialisé sous le nom
TONININDUSTRIE, modèle 5705) avec régulation de température, dispositif de mise en charge, thermocouples de mesure et dispositif de mesure différentielle. A l'aide de cales en alumine, l'échantillon est positionné en butée, contre le palpeur inférieur, qui caractérise ainsi la face inférieure de l'échantillon. Le second palpeur traverse l'échantillon par le trou central et caractérise ainsi la face supérieure de l'échantillon.
Une charge de 2.5kg est appliquée sur l'échantillon. Par mesure différentielle des deux palpeurs, on détermine la dilatation/compression de l'échantillon lorsque la température augmente de 5°C/minute. La température Td est celle pour laquelle l'échantillon commence à fluer, ce qui se traduit par un écrasement de la couche. En dehors du rapport molaire les qualités anti-feu des couches intumescentes dépendent aussi significativement de leur teneur en eau. Mais celle-ci intervient aussi sur la qualité optique des vitrages obtenus. Globalement si l'accroissement de la teneur en eau peut améliorer les performances à l'épreuve du feu, les couches intumescentes contenant une forte teneur en eau ont tendance à être moins stables au vieillissement. Il est difficile de garantir que ces produits restent parfaitement transparents. Il se forme souvent un voile qui va en s'accentuant au fil du temps.
Les teneurs en eau préconisées selon l'invention qui résultent d'un compromis entre ces exigences contradictoires sont avantageusement de 20 à 45% en poids de la couche, et de préférence de 22 à 35%.
Les couches préparées à base de silicates selon l'invention font l'objet d'un séchage pour ramener les teneurs en eau aux valeurs indiquées ci- dessus. Ce séchage est d'autant plus long que la teneur initiale de la composition est plus élevée. Pour cette raison il est préférable lors de l'ajout de la suspension de silice colloïdale de faire en sorte d'introduire le moins d'eau possible. On choisit avantageusement des suspensions contenant au moins 30% en poids de silice et de préférence au moins 40% de silice et la teneur en silice de ces suspensions peut s'élever à 50% ou plus.
Les couches intumescentes selon l'invention comportent encore avantageusement divers additifs.
Traditionnellement, l'adjonction d'un polyol, notamment de glycérine, dans la composition est utilisée pour améliorer les caractéristiques mécaniques des couches intumescentes. En contrepartie, la présence de polyol
ou de manière générale de composés organiques doit être précisément ajustée pour ne pas altérer le comportement au feu.
Les polyols utilisés notamment pour l'amélioration des qualités
"plastiques" des couches selon l'invention, sont avantageusement présents dans celles-ci à des teneurs qui n'excèdent pas 25% en poids, et de préférence 20% en poids. Ces teneurs sont avantageusement supérieures ou égales à 5% en poids et, de préférence, supérieures à 6%.
Les teneurs combinées eau et polyols de préférence ne dépassent pas 50% en poids de la couche intumescente, et de manière particulièrement préférée ne dépassent pas 45% en poids.
Les suspensions aqueuses de silice disponibles dans le commerce, contiennent pour certaines des polyols, introduits pour faciliter la dispersion et améliorer la stabilité de ces dispersions. L'utilisation de ces suspensions est une manière d'introduction au moins partielle de ces polyols dans les compositions des couches intumescentes.
D'autres additifs traditionnels avantageusement utilisés dans les couches intumescentes selon l'invention sont constitués par les composés de type TEOS (tétraéthyl-orthosilicate) ou MTEOS (trimethoxy-méthyl-silane). Ces composés sont introduits dans les couches notamment pour en améliorer les propriétés mécaniques. Leur introduction conduit à des teneurs qui ne dépassent pas 3% en poids de la couche.
Il est encore connu d'introduire des composés aminés, et notamment l'urée, qui améliorent la formation de mousses homogènes lors de l'expansion sous l'effet de la chaleur. Selon l'invention les composés aminés de préférence n'excèdent pas 2% en poids de la couche. D'autres composés aminés tels que le TMAH (tétraméthyl aminé hydroxyde) ou un sel de celui-ci peuvent améliorer le comportement au vieillissement (haze).
Par ailleurs pour faciliter le contact de la couche intumescente
avec le substrat sur lequel elle est déposée pour effectuer le séchage, des agents tensioactifs sont fréquemment introduits dans les compositions initiales.
Le séchage des compositions pour former les couches intumescentes peut être effectué suivant les techniques traditionnelles. Dans la forme la plus usuelle, la composition est versée sur une feuille de verre puis longuement séchée dans une enceinte parcourue par un courant d'air dont la température et le taux d'humidité sont contrôlés.
La durée du séchage est fonction notamment de la teneur initiale en eau, d'où l'importance dans la mesure du possible de limiter celle-ci en employant les composés qui permettent d'obtenir la plus faible teneur en eau compatible avec la stabilité de la composition. En pratique aux rapports molaires considérés la teneur en eau est nécessairement relativement élevée. Dans les compositions soumises au séchage, aux rapports molaires considérés la teneur en eau initiale n'est pas inférieure à 55% et généralement pas inférieure à 60%.
La durée du séchage croissant comme le carré de la teneur en eau, le choix de compositions initiales est particulièrement important pour que le temps nécessaire pour le séchage, et donc son coût ne deviennent pas prohibitifs.
La durée du séchage est aussi fonction de l'épaisseur de composition traitée, et par suite de l'épaisseur de la couche intumescente produite. Pour limiter le processus de séchage, en pratique les épaisseurs des couches produites restent avantageusement au plus égales à 3mm et se situent le plus souvent entre 1 et 2mm.
Pour éviter la formation de couches dont le séchage est trop long, il est aussi traditionnel éventuellement de superposer plusieurs couches préalablement séchées. Le cas échéant les couches superposées peuvent avoir été séparées du support sur lequel elles ont été séchées.
Le séchage décrit précédemment est effectué de façon statique. Les feuilles revêtues de la composition sont traitées par lots dans une enceinte jusqu'à obtenir le séchage choisi. Il est connu aussi de procéder à ce séchage de façon "continue". Dans ces techniques la composition à sécher est déposée sous forme d'un film sur un convoyeur support, lequel progresse de façon continue dans un four de séchage de type tunnel.
Le temps alloué au séchage dans ces conditions est nécessairement plus court que celui du séchage dans des enceintes, et, compte tenu de ce que le temps de séchage croît plus vite que l'épaisseur de la couche, pour une teneur en eau finale déterminée, les couches obtenues dans ces conditions ne peuvent avoir qu'une épaisseur limitée par rapport à celles obtenues en séchage statique. La couche formée pouvant être séparée du support, la superposition de plusieurs couches permet de compenser la faible épaisseur de chacune d'elles.
Dans ces techniques de séchage en continu, le support peut aussi être constitué d'un film souple qui est intégré dans le feuilleté final. Des films de ce type sont notamment des films de polyoléfines (polyéthylène, polypropylène) et des films de polytéréphtalate d'éthylène glycol (PTFE).
Les exemples suivants illustrent l'invention de façon détaillée.
Exemple comparatif 1.
Une composition à base de silicate de sodium industrielle de rapport molaire apparent SiO2/Na2O égal à 3,35, de 65% en poids d'eau, comprend en outre 6% en poids de glycérine et 0,25% en poids de TMAH.
Cette solution est coulée sur une feuille de verre "float" de 3mm d'épaisseur bordée par un cordon d'étanchéité maintenant la solution. Après séchage jusqu'à une teneur en eau de 24% en poids de la couche, on forme un feuilleté avec une deuxième feuille de verre de 3mm d'épaisseur. La température de fluage Td mesurée est de 428°C.
Exemple comparatif 2.
Une composition à base de silicate de sodium industrielle de rapport molaire apparent SiO2/Na2O égal à 3,85, de 70% en poids d'eau, comprend en outre 5% en poids de glycérine et 0,50% en poids de TMAH.
Cette composition est séchée jusqu'à une teneur en eau analogue à celle de l'exemple comparatif 1. Elle entre ensuite de la même façon dans un assemblage feuilleté dont chaque feuille de verre est de 3mm d'épaisseur.
La détermination de la température de fluage Td montre une valeur de 464°C.
Exemple 1.
Partant d'une solution de silicate de sodium de rapport molaire 3,85 dont la teneur pondérale en eau est de 70% on prépare une composition à rapport molaire plus élevé. Pour cela à 1000g de solution de silicate on ajoute 145g de suspension de silice colloïdale comprenant 30% en poids de silice (produit commercialisé sous le nom de Ludox HS 30), 60 g de glycérine et 3g de TMAH. Le rapport molaire du mélange SiO2ZNa2O est de 4,6.
Le mélange est homogénéisé par agitation intense, puis séché jusqu'à une teneur en eau de 28% en poids. On constitue comme précédemment un assemblage feuilleté comprenant deux feuilles de verre de 3mm d'épaisseur de part et d'autre de la couche intumescente.
La température de fluage de la couche intumescente du vitrage est mesurée à 523°C.
L'accroissement du rapport molaire dans les conditions de l'invention se traduit par une augmentation significative de la température de fluage de la couche intumescente.
Exemple 2.
Une composition est préparée comme à l'exemple 1 à partir de la même solution de silicate industrielle de rapport molaire 3,85. On ajoute cette fois 191g de suspension de silice à 50% en poids de silice (commercialisée sous le nom de Ludox TM 50).
Le rapport molaire est de 5,5 et la teneur en eau de la couche intumescente est de 30%.
La température de fluage dans la même structure à deux feuilles de verre de 3mm d'épaisseur chacune est de 537°C.
Exemple 3.
Le mélange est préparé comme à l'exemple précédent. A 1000g de solution de silicate on ajoute cette fois 608g de suspension de silice à 30% en poids de silice.
Le rapport molaire s'établit à 7. Après séchage la teneur en eau est de 33% en poids de la couche. La température de fluage est alors de 548°C.
Les exemples précédents montrent l'importance de la composition de la couche intumescente et particulièrement du rapport molaire SiO2/Na2O sur le caractère "réfractaire" des vitrages.
Bien entendu les assemblages réalisés à partir des couches intumescentes préparées selon les modalités de l'invention ne se limitent pas à la combinaison comportant une couche intumescente entre deux feuilles de verre. Des assemblages variés comportant plusieurs couches intumescentes associées à plusieurs feuilles de verre permettent d'accroître les propriétés de résistance au feu.