Procédé de préparation de dérivés d'acides aminés
La présente invention a pour objet un procédé de préparation de dérivés d'acides aminés, qui sont simultanément protégés et activés pour la réaction avec d'autres acides aminés dans la synthèse de peptides.
Dans la synthèse usuelle des peptides, on réunit deux acides aminés a tête à queue , c'est-à-dire que l'on joint le groupe carbonyle de l'un des acides aminés au groupe amino de l'autre acide aminé. Dans une telle synthèse. il est coutumier de protéger le groupe amino réactif du premier acide aminé par un groupe protecteur facilement éliminable, par exemple un groupe benzyloxycarbonyle, t.butyloxycarbonyle, phtalyle ou tosyle, afin que le groupe amino n'entre pas en réaction. Ensuite, on active le groupe carbonyle du même acide aminé par un autre groupe, par exemple par un groupe azide ou ester, tel que l'ester p-nitro-phénylique, afin que le groupe carbonyle réagisse avec, ou acyle, le groupe amino du second acide aminé en présence du groupe protecteur.
Dans ce procédé, il est évident que la préparation de l'un des acides aminés nécessite deux réactions distinctes avec deux composés séparés, avant la réaction finale avec le second acide aminé. Ce procédé nécessite en outre la combinaison de deux groupes appropriés, procurant la protection et l'activation désirées de l'acide aminé particulier envisagé.
On a maintenant découvert que les acides aminés peuvent être simultanément protégés et activés par la réaction avec un seul composé, puis formation d'une lactone. Ces lactones réagissent facilement avec les esters d'acides aminés en formant des produits de condensation dont on peut facilement éliminer le reste protecteuractivateur, obtenant ainsi le peptide désiré.
En bref, ce procédé consiste à faire réagir un acide aminé avec un composé à groupe carbonyle actif formant une base de Schiff, puis à traiter la base de Schiff avec un agent de condensation qui provoque une cyclisation et forme une lactone.
N'importe quel acide aminé peut être traité conformément à l'invention, en particulier les acides aminés naturels, tels que les acides mono-amino-monocarboxyliques aliphatiques et aromatiques, par exemple la glycine. l'alanine, la valine, la leucine, I'isoleucine, la phénylalanine.
la tyrosine, la sérine et la thréonine, les acides mono-aminodicarboxyliques et leurs amides, par exemple l'acide aspartique, I'acide glutamique, la glutamine et l'asparagine, les acides diamino-monocarboxyliques, par exemple l'arginine et la lysine, les acides aminés hétérocycliques, par exemple l'histidine et le tryptophane, les acides aminés contenant du soufre, par exemple la cystéine, la cystine et la méthionine, ainsi que les acides aminés du même type qui ne se trouvent pas dans les protéines. par exemple la phénylglycine. I'ornithine, la butyrine. la citrulline et l'homocystine.
Ces acides aminés peuvent d'une manière générale être de formule:
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dans laquelle R est de l'hydrogène ou un radical organique, par exemple un groupe alcoyle inférieur (à chaîne droite ou ramifiée), hydroxyalcoyle inférieur, aryle, par exemple phényle ou phényle portant un ou plusieurs des substituants hydroxy, méthoxy ou benzyloxy, mercapto. mercaptoalcoyle inférieur, (alcoyle inférieur)mercapto- (alcoyle inférieur), carboxy, carboxyalcoyle inférieur. aminoalcoyle inférieur, amidoalcoyle inférieur, uréidoalcoyle inférieur, guanidoalcoyle inférieur, imidazolyle. indolyle, imidazolyl-alcoyle inférieur ou indolyl-alcoyle inférieur.
On fait réagir l'acide aminé ayant la nature décrite ci-dessus avec un composé à groupe carbonyle pour former une base de Schiff. Ces composés à groupe carbo nyle sont des aldéhydes ou des cétones de formule suivante:
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dans laquelle A est un radical ayant un système à électron pi et dont au moins l'une des valences est portée par un atome de carbone. Par exemple, A peut être un groupe alcényle, aryle ou aralcoyle, le groupe aryle étant non substitué ou substitué par un à 3 des substituants suivants: nitro, halo, de préférence chloro ou bromo, cyano, méthylsulfonyle ou autre groupe électronégatif. Rl est de l'hydrogène, ou un groupe alcoyle inférieur; R2 est de l'oxygène, du soufre ou du sélénium; et m est osa7.
Les groupes alcényles représentés par A sont de préférence des groupes alcényles inférieurs, tels qu'éthylène, propylène et butylène. Les groupes aryles sont des groupes phényles non substitué et substitués, tels que nitrophényle, halophényle, par exemple p-nitro-phényle, 2,3dinitro-phényle, p-chlorophényle, p-bromo-phényle, piodo-phényle, o-chlorophényle, o-bromo-phényle, 2,3 dichloro-phényle, 3,4-dibromo-phényle, 2,3.4-trichloro- phényle, ou 2,4,5-trichloro-phényle. Les groupes aralcoyles comprennent de préférence des groupes alcoyles inférieurs auxquels sont fixés des groupes phényles non substitué ou substitués de la nature décrite plus haut. par exemple benzyle, phénétyle ou p-chloro-benzyle.
Plus particulièrement, I'aldéhyde utilisé conformément à l'invention peut être représenté par l'une des formules suivantes:
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Dans les formules IV et V, R3 et R4 représentent chacun un groupe alcoyle inférieur, hydroxyalcoyle inférieur, alcoxy inférieur ou alcényle inférieur, ou R3 et R4 sont ensemble un groupe tétramethylène ou un autre groupe formant, avec le carbone et/ou l'azote auquel ils sont fixés, un cycle de 5 ou 6 chaînons, tels que phényle, pipéridine, phtalimide ou succinimide.
Les aldéhydes préférés sont les benzaldéhydes de formule:
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dans laquelle R2 est tel que défini plus haut, spécialement de l'oxygène, et R5 est de l'hydrogène, un groupe cyano, un halogène, spécialement du chlore, un groupe alcanesulfonyle inférieur ou nitro et n est un nombre entier de
I à 3, spécialement 1. On préfère tout particulièrement les salicylaldéhydes ayant un substituant nitro ou chloro, spécialement en méta du groupe aldéhyde.
On fait réagir l'acide aminé avec l'aldéhyde ou la cétone dans un solvant inerte, de préférence un solvant inerte organique, tel que le diméthylformamide, le dioxane et la pyridine, dans les conditions usuelles de la formation d'une base de Schiff. Ensuite, après la formation de la base de Schiff, sans isoler la base à moins qu'on 1e désire, on ajoute un agent de condensation au mélange réactionnel pour former la lactone. Un alcool peut également être utilisé comme milieu de réaction dans lequel le base de Schiff est formée, mais dans ce cas le solvant doit être éliminé avant l'addition de l'agent de condensation.
N'importe quel agent de condensation qui favorise la formation des esters d'acyle peut être employé. Ces agents comprennent, par exemple, les dicycloalcoylcarbodiimides, par exemple le dicyclohexylcarbodiimide, les dialcoylcarbodiimides, par exemple le dipropylcarbodiimide, les diarylcarbodiimides, par exemple le diphénylcarbodiimide, les alcoxyacétylènes, par exemple l'éthoxyacétylène, ou le diphénylcétène. Le dicyclohexylcarbodiimide et l'éthoxyacétylène sont préférés. On peut employer environ 1 mole ou plus de l'agent de condensation par mole de base de Schiff. Lorsque l'agent de condensation est un carbodiimide, le rapport moléculaire peut être d'environ 1 : 1. Un excès de l'agent de condensation est préférable lorsque d'autres agents de condensation sont utilisés.
Un laps de temps suffisant pour la formation de la base de Schiff doit s'écouler avant l'introduction de l'agent de condensation. Ce laps de temps peut varier dans d'assez grandes limites, en fonction des matières de départ choisies, mais une période d'environ 1 h à 24h est généralement adéquate. Il est évident qu'une agitation et/ou un chauffage accélère la réaction. La température peut être comprise entre environ 15 et 600 C.
La réaction de cyclisation qui se produit dès- l'addi- tion de l'agent de condensation doit être effectuée en milieu anhydre, et le solvant doit être dépourvu de groupe hydroxy ou carboxy réactif. Les solvants énumérés plus haut, à l'exception des alcools, peuvent également être utilisés pour la cyclisation. La température peut varier entre la température ordinaire et environ 600 C, une température relativement basse étant préférée avec les carbodiimides et une température relativement élevée étant préférée avec les alcoxyacétylènes.
Dans une variante, on dissout l'acide aminé et l'aldéhyde dans le solvant et on agite la solution pendant environ 1 h à 24 h. Ensuite, sans isoler la base de Schiff, ou après avoir simplement concentré la solution, on ajoute l'agent de condensation.
Les lactones protégées et activées, qui sont formées par le procédé décrit, ont la formule générale suivante:
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dans laquelle les symboles ont la même signification que précédemment défini.
Sont préférées les lactones de formule:
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dans laquelle R, R2, R5 et n ont les significations indiquées précédemment, et spécialement celles dans lesquelles R est un groupe alcoyle inférieur, R2 est de l'oxy- gène, R5 est un groupe nitro et n est 1.
En faisant réagir les lactones actives, obtenues conformément à l'invention, avec un autre acide aminé, de préférence un ester simple de celui-ci, tel qu'un ester alcoylique inférieur, on provoque l'ouverture du cycle et l'acylation de l'acide aminé. Un traitement avec un acide aqueux, par exemple de l'acide chlorhydrique ou de l'acide sulfurique dilué, scinde les groupes protecteurs et le peptide désiré est obtenu.
Il est évident que le procédé selon l'invention n'est pas limité à la formation de dipeptides à partir d'acides aminés monomères, mais s'applique tout aussi bien à la formation de polypeptides à partir de matières de départ contenant plus d'un reste d'acide aminé, par exemple à la formation de tripeptides, de tétrapeptides, de pentapeptides, d'hexapeptides, d'octapeptides ou de décapeptides.
Lorsque l'acide aminé utilisé contient un autre groupe fonctionnel réactif ailleurs dans la molécule, ce groupe peut devoir être protégé indépendamment de la manière classique.
Les exemples suivants, dans lesquels les températures sont données en o C, illustrent l'invention.
Exemple 1 :
-Hydroxy-5-nitro-henzylidène-L-leucine et sa lactone
On ajoute 2,62 g de L-leucine et 5.0 g de 5-nitrosalicylaldéhyde à un mélange de 750 ml d'éthanol absolu e t de 50 ml de méthanol. On agite le mélange à la température ordinaire pendant plusieurs heures. Lorsque toute la leucine est dissoute. on chasse les solvants sous vide, on extrait le résidu à l'éther et on concentre les extraits éthérés et les dilue avec de l'hexane. Un solide cristallin se sépare. On le recueille par filtration et le lave à l'hexane. La base de Schiff brute (déc. à environ 1751800, fusion complète à environ 2000) est cyclisée sans autre purification.
On dissout 1,40 g de ce dérivé benzylidénique dans 40 ml de tétrahydrofuranne et on ajoute 1,03 g de dicyclohexylcarbodiimide à la solution. Après environ 2h à la température ordinaire, on vérifie que la réaction est terminée en prenant le spectre i.r. d'un échantillon (disparition de la forte bande à 4,8 8, correspondant à la liaison CN du diimide, et apparition de la bande carbonylique de l'ester actif à 5,65 65). On sépare le sous-produit, principalement de la N,N'-dicyclohexylurée, par filtration et on le lave avec 20 ml de tétrahydrofuranne. On concentre le filtrat et les liqueurs de lavage sous vide à sec, on dissout le résidu dans de l'éther et on dilue la solution avec de l'hexane.
L'ester actif est obtenu en bon rendement sous la forme de cristaux présentant une forte double réfraction. Ce produit a un point dê fusion mal défini.
On fait réagir la lactone obtenue ci-dessus et de l'ester éthylique de glycine dans du chloroforme. On ajoute de l'acide chlorhydrique dilué au mélange réactionnel et on obtient l'ester éthylique de L-leucyl-glycine comme produit.
Exemple 2:
Lactone de la 2-hydroxy-5-chloro-benzylidène-L-alanine
On ajoute 0, 157 g de 5-chloro-salicylaldéhyde et 0,91 g de L-alanine à 10 ml de diméthylformamide. Après 24h à la température ordinaire, on ajoute 0,206 g de dicyclohexylcarbodiimide à la solution. La formation d'une bande CO à 5,65 Cc atteint son maximum en environ 2h. On sépare la dicyclohexyl-urée précipitée par centrifugation et on précipite la lactone active, de formule:
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par addition de 50 ml d'éther à la solution décantée (i.r.
5,65 p).
Exemple 3:
On suspend 0,165 g de L-phénylalanine et 0,19 g de 5-fo rmyl-N-hydroxy-phtalimide dans du méthanol et on agite le mélange jusqu'à dissolution complète. On chasse le méthanol sous vide, on ajoute 3 ml de tétrahydrofuranne et 3 ml d'éthoxyacétylène au résidu et on chauffe la solution résultante jusqu'à l'ébullition sous un réfrigérant à reflux pendant 1 h. On chasse le solvant et l'éthoxyacétylène en excès sous vide et on triture le résidu avec de l'éther, obtenant ainsi la lactone active (i.r. 5,6 a) de formule:
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Exemple 4:
On fait réagir 0,015 g de L-sérine avec 0,15 g d'ct-for- myl-N-hydroxy-succinimide comme décrit dans l'exemple 3.
On obtient la base de Schiff en chassant le solvant, puis on fait réagir cette dernière avec de l'éthoxyacéty- lène pour obtenir la lactone active (i. r 5,6 6) de formule:
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Exemple 5 :
On agite 1,5 g de L-glutamine et 1,5 g de 4-acétyl-Nhydroxy-pipéridine dans 100 ml d'éthanol pendant 24 h.
On chasse le solvant sous vide et on traite le résidu avec 2,1 g de dicyclohexylcarbodiimide dans 20ml de tétrahydrofuranne. Après 3 h à la température ordinaire, on sépare la N,N-dicyclohexyl-urée précipitée par centrifugation et on utilise la solution surnageante, qui contient la lactone active de formule:
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pour la synthèse de dérivés glutaminyliques.
Exemple 6:
A une solution de 23,2 g de la base de Schiff formée à partir de 2,4-pentanedione et de méthionine, et ayant la formule suivante:
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dans 200ml de diméthylformamide, on ajoute 21 g de dicyclohexylcarbodiimide. Après 2h à la température ordinaire, on sépare la N,N'-dicyclo-hexyl-urée précipitée par filtration et le filtrat, qui contient la lactone active (i.r. 5,65 Il) de formule:
EMI4.5
est utilisée pour la synthèse de peptides.