Description
Titre de l'invention : Procédé et dispositif d’identification d’espèces atomiques émettant un rayonnement X ou
gamma
[0001 ] L’invention porte sur un procédé et un dispositif d’identification d’espèces émettrices de rayonnement X ou gamma, et préférentiellement de détermination quantitative de la contribution de chaque espèce au rayonnement. Elle relève du domaine technique de l’instrumentation nucléaire, et plus précisément de la
spectroscopie X et gamma.
[0002] L’invention s’applique à chaque fois qu’il est nécessaire d’identifier des radionucléides et/ou des espèces atomiques présentant une fluorescence X dans un échantillon ou dans un environnement : radiochimie, analyses chimiques et radiochimique, décontamination et démantèlement de sites nucléaires, etc.
[0003] On entend par rayonnement X ou gamma un rayonnement électromagnétique d’énergie supérieure à 100 eV ; plus particulièrement, dans le contexte de l’invention, on s’intéresse à un rayonnement d’énergie comprise entre 2 keV et 2 MeV environ.
La distinction entre rayonnement X et gamma ne tient pas à la nature du
rayonnement, mais à son origine : un rayonnement X présente une origine
électronique (typiquement, des transitions électroniques impliquant des niveaux énergétiques internes) tandis qu’un rayonnement gamma est d’origine nucléaire. Aussi, l’invention permet d’identifier des radionucléides (isotopes) à partir de leur spectre de rayonnement gamma et des espèces atomiques non nécessairement radioactives à partir de leur spectre de fluorescence X. Les espèces atomiques pouvant être identifiées à partir de leur spectre de fluorescence X et les
radionucléides pouvant être identifiés à partir de leur spectre gamma sont indiquées conjointement par l’expression « espèces émettrices ». Dans la suite, on considérera plus spécifiquement le cas où les espèces émettrices sont des radionucléides mais, sauf indication contraire, tout ce qui sera dit peut également s’appliquer aux émetteurs X.
[0004] Les méthodes conventionnelles d’identification de radionucléides à partir de leur rayonnement gamma se basent principalement sur l’extraction des pics
photoélectriques dans le spectre issu de l’acquisition du détecteur ou sur l’étude de zones d’intérêt dans le spectre. Voir par exemple (Lutter 2018).
Dans ce type de méthode, des signatures spectrales caractéristiques des
radionucléides d’intérêt (raies gamma ou X) sont ajustées avec un modèle Gaussien et un fond continu pour en déduire leur position en énergie. Un ou plusieurs pics présents dans le spectre sont comparés simultanément aux tables des raies nucléaires des isotopes radioactifs (ou aux raies de fluorescence X des différents éléments), ce qui permet leur identification.
Ces méthodes présentent l’inconvénient de nécessiter le recours à un expert pour identifier les zones d’intérêt du spectre. En outre, elles nécessitent une statistique de photons suffisante pour faire apparaître clairement les pics à identifier. L’information contenue dans le fond continu du spectre (fond Compton) est perdue.
[0005] De telles méthodes peuvent être accompagnées de techniques d’intelligence artificielle, et notamment de réseaux de neurones. Déjà en 1995 (Vigneron 1995) avait proposé d’analyser des pics d’émission gamma au moyen d’un réseau de neurones de type « perceptron multicouches » pour déterminer le taux
d’enrichissement de l’uranium. Plus récemment, (Yoshida 2002) a appliqué un réseau de neurones de type « perceptron multicouches » à l’identification de radionucléides dans un mélange, et (Medhat 2012) à une analyse radiochimique quantitative. L’utilisation de techniques d’intelligence artificielle ne permet cependant pas de surmonter l’ensemble des inconvénients de ces approches, et notamment la nécessité d’un prétraitement « expert » pour déterminer les régions d’intérêt des spectres à analyser.
[0006] D’autres techniques permettent d’analyser l’ensemble d’un spectre, sans besoin de prétraitement expert.
[0007] Par exemple (Olmos 1991 ) propose d’utiliser un réseau de neurones pour identifier des radionucléides dans un mélange à partir de l’intégralité du spectre de rayonnement gamma émis par ce dernier. L’article ne précise pas le type de réseau de neurones effectivement utilisé ; en outre, le niveau de signal requis doit être relativement élevé (environ 104 photons détectés rien que dans le pic d’émission principal).
[0008] (Bobin 2016) utilise des réseaux de neurones impulsionnels (« spiking neural networks ») pour déterminer la proportion de radionucléides dans un mélange à partir du spectre de rayonnement gamma émis par ce dernier. La méthode nécessite un modèle précis du spectre de la source et n’est pas robuste aux changements de configuration (variations du taux d’atténuation/diffusion du rayonnement). En outre, elle ne permet pas d’identifier les radionucléides : aussi, on ne peut pas savoir si les espèces atomiques trouvées en faible proportion sont absentes ou sont réellement présentes en faible proportion.
[0009] (Kamuda 2017) utilise un réseau de neurones de type perceptron, entraîné à partir de données synthétiques, pour déterminer la part de contribution de chaque radionucléide au rayonnement gamma émis par une source. Intrinsèquement, la méthode ne permet d’identifier qu’un nombre limité (par exemple 4) de
radionucléides distincts.
[0010] (Abdel-Aal 1997) utilise des réseaux de neurones de type AIM abductifs pour déterminer les intensités relatives de plusieurs sources à partir de spectres à faible résolution, dans lesquels des régions d’intérêt sont identifiées de manière
automatique. Comme dans (Bobin 2016), on ne peut pas savoir si les espèces atomiques trouvées en faible proportion sont absentes ou sont réellement présentes en faible proportion.
[0011 ] US 2019/034786 divulgue, d’une manière générale et avec peu de détails, l’utilisation d’un perceptron multicouches pour détecter ou identifier des
radionucléides. Le perceptron peut présenter plusieurs sorties, correspondant chacune à une espèce émettrice ou à un groupe d’espèces émettrices.
[0012] CN 109 063 741 divulgue également l’utilisation de réseaux de neurones pour détecter ou identifier des radionucléides. Plus spécifiquement, le document divulgue la conversion des spectres en images bidimensionnelles au moyen d’une courbe de Hilbert avant l’application d’un réseau de neurones.
[0013] L’invention vise à surmonter les inconvénients précités de l’art antérieur. Plus particulièrement, elle vise à permettre l’identification d’un nombre quelconque d’espèces atomiques émettrices dans un mélange à partir du spectre X ou gamma de ce dernier, et cela indépendamment de la configuration de la scène (présence de matériau absorbant ou diffusant entre la ou les sources présentes dans
l’environnement et le détecteur spectrométrique) et sans prétraitement sophistiqué incluant l’identification de régions d’intérêt du spectre.
[0014] Avantageusement, en outre, l’invention vise à déterminer la probabilité de présence de chacune des espèces émettrices, et préférentiellement une incertitude sur cette probabilité.
[0015] Avantageusement, en outre, l’invention vise à déterminer la proportion dans le signal de chaque source identifiée, ainsi que donner une incertitude sur cette proportion.
[0016] Avantageusement, en outre, l’invention vise à permettre l’utilisation de différents types de détecteur spectrométrique (CdTe, CdZnTe, Hgl2, Nal, HPGe ou tout type de spectromètre gamma opérant dans la bande d’énergie du keV au
MeV...), à condition qu’il soit capable de mesurer et restituer l’énergie de chaque événement détecté, événement par événement, ou a minima, de fournir le spectre des énergies mesurées.
[0017] Avantageusement, en outre, l’invention vise à permettre d’éviter des opérations longues et complexes d’étalonnage fin en énergie et à s’affranchir d’éventuelles dérives du détecteur ou des conditions opérationnelles dans le temps. Idéalement, un étalonnage en usine avec une erreur de l’ordre de 2% doit être suffisant pour identifier les espèces émettrices et, le cas échéant, déterminer leur proportion.
[0018] Conformément à un aspect de l’invention, au moins certains de ces buts sont atteints grâce à l’utilisation d’une pluralité de réseaux de neurones de type convolutif, chargés chacun de l’identification d’une seule espèce émettrice. En variante, comme cela sera discuté plus en détail plus loin, chaque neurone pourra être chargé de l’identification d’un groupe distincts d’espèces émettrices.
[0019] Conformément à un autre aspect de l’invention, au moins certains de ces buts sont atteints grâce à l’utilisation d’une deuxième pluralité de réseaux de neurones de type convolutif, chargés chacun de la détermination de la proportion d’une seule espèce émettrice (ou groupe d’espèces émettrices) déjà identifiée.
[0020] Conformément à un autre aspect de l’invention, ces réseaux de neurones sont entraînés à partir de données spectrales synthétiques.
[0021 ] Conformément à un autre aspect de l’invention, les spectres fournis en entrée aux réseaux de neurones d’identification des espèces émettrices sont préalablement convertis à l’échelle logarithmique.
[0022] Conformément à un autre aspect de l’invention, une opération de « dropout » (extinction aléatoire d’une fraction des neurones des couches internes) est appliquée à ces réseaux de neurones afin de déterminer les niveaux d’incertitude sur la présence, et le cas échéant sur la proportion, de chaque espèce émettrice.
[0023] Conformément à un autre aspect de l’invention, les différents réseaux de neurones présentent chacun une paire de neurones de sorties complémentaires, utilisant par exemple une fonction d’activation de type « softmax ».
[0024] Conformément à un autre aspect de l’invention, une fois des espèces émettrices identifiées, cette information est utilisée pour effectuer un « auto étalonnage » en énergie du détecteur.
[0025] Un objet de l’invention est donc un procédé d’identification d’espèces émettrices de rayonnement X ou gamma dans une scène, le procédé comprenant les étapes suivantes :
a) acquérir, au moyen d’un détecteur spectrométrique, un spectre d’un rayonnement X ou gamma issu de la scène ;
b) appliquer au spectre acquis une première opération de transformation de données incluant au moins une normalisation ;
c) fournir le spectre transformé en entrée d’un premier ensemble d’une pluralité de réseaux de neurones convolutifs, chaque réseau de neurones convolutif dudit premier ensemble étant associé à une o espèce émettrice à identifier respective, ou à un groupe d’espèces émettrices à identifier respectif et ayant au moins une sortie; et
d) pour chaque réseau de neurones convolutif du premier ensemble, déterminer si ll’espèce émettrice correspondante, ou le groupe d’espèces émettrices
correspondant, est présent dans la scène en fonction de ladite ou desdites sorties les étapes a) à d) étant mises en oeuvre au moyen d’un circuit de traitement de signaux.
[0026] Un autre objet de l’invention est un produit programme d’ordinateur
comprenant des instructions qui, lorsque le programme est exécuté par un
ordinateur, conduisent celui-ci à mettre en oeuvre les étapes b) et suivantes d’un tel procédé.
[0027] Encore un autre objet de l’invention est un dispositif d’identification d’espèces émettrices de rayonnement X ou gamma dans une scène, comprenant :
un circuit de traitement de signaux générés par un détecteur spectrométrique, ledit circuit étant configuré ou programmé pour :
acquérir dudit détecteur une série d’évènements, chaque évènement étant associé à une grandeur physique représentative d’une valeur d’énergie d’un photon X ou gamma détecté par ledit détecteur spectrométrique ;
convertir ladite série d’évènements en un spectre d’énergie du rayonnement X ou gamma par application d’une fonction d’étalonnage dépendant d’un ensemble de paramètres d’étalonnage ;
appliquer au spectre d’énergie du rayonnement X ou gamma une première opération transformation de données incluant au moins une normalisation ;
fournir le spectre ainsi transformé en entrée d’un premier ensemble d’une pluralité de réseaux de neurones convolutifs, chaque réseau de neurones convolutif dudit premier ensemble étant associé à une espèce émettrice respective, ou à un groupe d’espèces émettrices respectif, et ayant au moins une sortie; et
pour chaque réseau de neurones convolutif du premier ensemble, déterminer si ll’espèce émettrice correspondante ou le groupe d’espèces émettrices
correspondant est présent dans la scène en fonction de ladite ou desdites sorties.
[0028] Selon des modes de réalisation particuliers d’un tel dispositif :
[0029] Le circuit de traitement de signaux générés par le détecteur de rayonnement peut être également configuré ou programmé pour :
appliquer au spectre d’énergie du rayonnement X ou gamma une seconde opération transformation de données incluant au moins une normalisation ;
fournir le spectre ainsi transformé en entrée d’un second ensemble d’une pluralité de réseaux de neurones convolutifs, chaque réseau de neurones convolutif dudit second ensemble étant associé à une ou plusieurs espèce émettrices respectives ayant été déterminées comme étant présente dans la scène et ayant au moins une sortie ; et
pour chaque réseau de neurones convolutif du second ensemble, déterminer
en fonction de ladite sortie scalaire ou paire de sorties scalaires une proportion en signal de l’espèce ou des espèces émettrices correspondantes.
[0030] Le circuit de traitement de signaux générés par le détecteur de rayonnement peut être également configuré ou programmé pour déterminer des valeurs optimales desdits paramètres d’étalonnage par maximisation d’une fonction de corrélation entre un spectre acquis et un spectre théorique calculé en fonction des espèces émettrices déterminées comme étant présentes dans la scène.
[0031 ] Chaque réseau de neurones convolutif peut être associé à une seule espèce émettrice respective.
[0032] Chaque réseau de neurones convolutif peut comprendre une paire de neurones de sortie complémentaires.
[0033] Les photons X ou gamma détectés peuvent présenter une énergie dans au moins une partie de la plage comprise entre 2 keV et 2 MeV.
[0034] Le dispositif peut comprendre également ledit détecteur spectrométrique (SPM).
[0035] Les dessins annexés illustrent l’invention :
[0036] [Fig. 1 ] est un schéma de principe d’un dispositif selon un mode de réalisation de l’invention.
[0037] [Fig. 2] est une représentation d’un réseau de neurones convolutif pouvant être utilisé dans un dispositif et/ou un procédé selon l’invention.
[0038] [Fig. 3] est un organigramme d’un procédé selon un mode de réalisation de l’invention.
[0039] [Fig. 4] est un exemple de spectre de rayonnement X ou gamma.
[0040] [Fig. 5] illustre l’identification des espèces atomiques à l’origine du
rayonnement de la [Fig. 4]
[0041 ] [Fig. 6] illustre la détermination des proportions de ces espèces atomiques.
[0042] [Fig. 7 A],
[0043] [Fig. 7B],
[0044] [Fig. 7C],
[0045] [Fig. 7D],
[0046] [Fig. 7E] et
[0047] [Fig. 7F] illustrent l’avantage conféré par l’utilisation de réseaux de neurones présentant deux sorties complémentaires plutôt qu’une seule sortie.
[0048] [Fig. 8A],
[0049] [Fig. 8B], et
[0050] [Fig. 8C], illustrent l’avantage conféré par l’utilisation de réseaux de neurones distincts pour l’identification des espèces atomiques et pour la quantification de leur contribution au rayonnement.
[0051 ] Le dispositif de la [Fig. 1 ] comporte un détecteur spectrométrique de
rayonnement X ou gamma (c’est-à-dire un détecteur sensible à l’énergie des photons détectés) et un circuit de traitement CTS de signaux générés par le détecteur de rayonnement.
[0052] Le détecteur spectrométrique SPM comprend un élément sensible ES, de préférence pixélisé, un circuit analogique de lecture EL et un convertisseur
analogique-numérique ADC.
[0053] Le détecteur spectrométrique acquiert des photons issus d’une scène SC dans lequel se situent différents radionucléides (ou espèces atomiques émettrices d’un rayonnement de fluorescence X) S, (Si ... SN) d’activité A, (Ai ... AN) - dont l’identité et l’abondance relative sont inconnues a priori - potentiellement situés à des distances différentes du détecteur. Un matériau absorbant ou diffusant ABS peut se situer entre une ou plusieurs sources et le détecteur. Chaque radionucléide S, émet des photons P, à des énergies Ek,i . Par exemple, on désigne Pi (Ek,i) un photon d’énergie Ek,i émis par le premier radionucléide S-i.
[0054] L’élément sensible ES peut être de tout type adapté pour détecter des photons X/gamma issus de la scène dans au moins une portion de la plage
spectrale 2 keV - 2 MeV. Il peut s’agir par exemple d’un pixel semi-conducteur en Si, Ge, CdTe, etc., d’un capteur à scintillateur, d’un capteur pérovskite, etc.
[0055] L’élément sensible génère un signal sous la forme d’une grandeur physique, généralement électrique, représentative de l’énergie de chaque photon X ou gamma reçu (typiquement, il s’agit d’une impulsion de courant dont la charge électrique est
proportionnelle à cette énergie). Le circuit électronique de lecture EL effectue un prétraitement analogique, conventionnel, des signaux issus de l’élément sensible : amplification, mise en forme des impulsions, détection de leur hauteur ou énergie. Les signaux analogiques SA issus de l’électronique de lecture sont convertis au format numérique par le convertisseur ADC.
[0056] De préférence, les photons sont détectés un par un, leur énergie est enregistrée et datée par le détecteur. Ces informations, contenues dans le flux de données numériques FDN issu du convertisseur ADC, sont transmises au circuit de traitement CTS. Ce dernier peut être embarqué ou déporté ; dans ce dernier cas, un lien de télécommunications doit être établi entre le détecteur spectrométrique et le circuit de traitement.
[0057] Le circuit de traitement de signaux peut comprendre un ou plusieurs processeurs génériques, ou spécialisés pour le traitement numérique de signaux, programmés de manière opportune. En variante ou en complément, il peut comprendre des circuits numériques dédiés. En général, en outre, il comprend des mémoires vives pour stocker les données à traiter (notamment les évènements générés par le détecteur spectrométrique) et des mémoires vives et/ou mortes pour stocker des paramètres d’étalonnage, des coefficients de réseaux de neurones etc. D’une manière générale, l’invention n’est pas limitée à une technologie particulière de réalisation du circuit de traitement de signaux. Dans la description qui suit de ce circuit, la décomposition en blocs et modules est purement fonctionnelle, ces blocs et modules ne correspondent pas nécessairement à des éléments physiques distincts.
[0058] Dans le mode de réalisation de la [Fig. 1 ], le circuit de traitement de signaux CTS comprend trois modules : un module d’identification de sources ID, un module d’apprentissage APP et un module d’auto-étalonnage AE. Dans d’autres modes de réalisation, le module d’apprentissage peut être absent, auquel cas l’apprentissage des réseaux de neurones du module d’identification est effectué au moyen d’un autre dispositif et les coefficients des réseaux de neurones appris sont simplement transférés au dispositif d’identification d’espèces émettrices. Dans d’autres modes de réalisation, le module d’auto-étalonnage peut être absent, mais cela signifie qu’un étalonnage précis doit être effectué préalablement (par exemple, dans un laboratoire
de métrologie) et que des précautions devront être prises pour minimiser les dérives dans la réponse du détecteur spectrométrique.
[0059] Le flux de données numériques FDN issu du détecteur spectrométrique est reçu par le module d’identification du circuit CTS et stocké dans une mémoire d’évènements MEV. Un module de construction de spectres MCS convertit ces évènements en spectres à l’aide d’une table d’étalonnage TE, stockée dans une mémoire, qui permet d’associer une énergie photonique à chaque évènement de détection. Cette table d’étalonnage, établie préalablement, peut être relativement imprécise, avec une erreur sur les valeurs d’énergie qui peut atteindre 2%. Comme cela sera expliqué en détail plus loin, le module d’auto-étalonnage AE permet de mettre à jour les tables d’étalonnage en améliorant leur précision. Dans le cas d’un détecteur pixélisé, l’étalonnage se fait pixel par pixel, avec une table d’étalonnage différente pour chaque pixel.
[0060] Chaque spectre est en fait un histogramme d’énergie : une valeur d’énergie est attribuée à chaque évènement ; les évènements sont groupés en classes d’énergie (« bins ») et le spectre est constitué par le nombre d’évènements appartenant à chaque classe. On entend donc par « spectre » la distribution spectrale des photons détectés sur un intervalle de temps donné, dont la durée peut être fixe ou choisie par l’utilisateur.
[0061 ] Un module de transformation des données MTD effectue ensuite des prétraitements des spectres. Dans le mode de réalisation considéré ici, deux prétraitements distincts sont effectués.
[0062] D’une part, chaque spectre acquis est converti à l’échelle logarithmique, puis normalisé. Le spectre ainsi transformé, SNlog, est utilisé pour l’identification des espèces émettrices. Plus particulièrement, soit Si le nombre d’évènements dans la i- ème classe d’énergie. On applique une première opération
[0063] [Math. 1 ]
[°064] SNÎ = 'O«fe )
[0065] Puis le spectre normalisé est calculé de la manière suivante :
[0068] L’utilisation d’une échelle logarithmique permet de révéler des structures spectrales de faible amplitude mais qui contribuent efficacement à l’identification des espèces émettrices.
[0069] D’autre part, le spectre est également normalisé en norme 1 (ce qui consiste à faire en sorte que la somme des valeurs associées à chaque classe d’énergie soit 1 ) sans conversion logarithmique. Le spectre ainsi transformé, SN1 , donné par :
[0072] est utilisé pour déterminer les proportions des espèces émettrices identifiées.
[0073] Plus généralement, le prétraitement peut être une transformation d’échelle. Dans tous les cas, et contrairement à l’enseignement de CN 109 063 741 , il n’y a pas de changement de la dimensionnalité des données - les spectres prétraités restent unidimensionnels.
[0074] Le spectre SNlog est fourni en entrée à un module CBNNJD qui met en oeuvre une pluralité de M réseaux de neurones convolutifs « bayésiens », chacun prenant l’intégralité du spectre en entrée et fournissant à sa sortie une valeur PPj indicative d’une probabilité de présence dans la scène d’un radionucléide particulier (identifié par l’indice « j »), ainsi qu’un niveau de confiance sur cette probabilité. Il y a donc un réseau de neurones distinct pour chaque espèce émettrice que l’on souhaite pouvoir identifier. La structure et le fonctionnement de ces réseaux de neurones convolutifs bayésiens seront décrits plus en détail dans la suite.
[0075] Un module de seuillage MS est utilisé pour déterminer quelles espèces émettrices sont considérées comme étant effectivement présentes dans la scène. Pour cela le module de seuillage prend en considération la probabilité de présence et, éventuellement, son niveau d’incertitude.
[0076] En sortie du module d’identification l’on obtient donc une liste LEA d’espèces émettrices présentes dans la scène.
[0077] Le spectre normalisé en norme 1 , SN1 , est fourni en entrée à un module CBNN_PRO qui met en oeuvre une pluralité de M réseaux de neurones convolutifs « bayésiens », chacun correspondant à un radionucléide particulier. Chaque réseau de neurones du module CBNN_PRO qui correspond à un radionucléide « j » déjà identifié comme étant présent dans la scène prend en entrée l’intégralité du spectre et fournit à sa sortie une valeur PROj indicative de la proportion de ce radionucléide dans le signal enregistré, ainsi qu’un niveau de confiance sur cette proportion.
Autrement dit, la valeur PROj correspond au pourcentage de photons enregistrés qui peuvent être attribués au radionucléide « j » (par abus de langage on parle plus simplement de la proportion du radionucléide « j » dans la scène, mais cela n’est exact que dans des conditions particulières, si tous les émetteurs sont à une même distance du détecteur et en présence des mêmes matériaux absorbants/diffusants).
Il y a donc un réseau de neurones distinct pour chaque espèce atomique. Ces réseaux de neurones peuvent être du même type que ceux utilisés pour
l’identification des espèces émettrices.
[0078] En sortie du module d’identification l’on obtient donc aussi une liste LP de proportions des espèces atomiques identifiées.
[0079] Les réseaux de neurones des modules CBNNJD et CBNN_PRO ont été préalablement entraînés par apprentissage supervisé à partir d’une base de données synthétique BDS, c’est-à-dire des données simulées, générée par le module d’apprentissage APP. L’apprentissage produit deux bases de données de paramètres, PRNJD et PRN_PRO, caractérisant les réseaux de neurones
d’identification et de détermination des proportions, qui sont stockés dans des mémoires.
[0080] Les spectres synthétiques sont créés par un simulateur Monte-Carlo (bloc SS sur la [Fig. 1 ]) qui permet de simuler les interactions photon-matière dans le détecteur ainsi que dans l’environnement direct du détecteur et, avantageusement, un éventuel bruit de fond. Pour chaque photon, il est ensuite nécessaire d’appliquer la réponse du détecteur, c’est-à-dire, la résolution en énergie due aux fluctuations statistiques dans la création de paires électrons-trous, celle due au bruit électronique ainsi que la perte de charge dans le détecteur (bloc RD). C’est un modèle physique qui est appliqué une seule fois pour une liste de source d’intérêt donnée comportant autant de sources que souhaitées.
[0081 ] Chaque espèce atomique émettrice est simulée indépendamment et les données simulées sont restituées sous la forme d’une liste d’événements donnant l’énergie déposée par chaque photon dans le détecteur spectrométrique. Ensuite, des mélanges de différents radioéléments sont générés de façon synthétique également (bloc MIX) : pour cela, on tire aléatoirement des énergies dans les listes d’énergie simulées pour chaque radioélément du mélange, avec des statistiques différentes et des proportions différentes. La proportion de photons attribuée à chaque espèce atomique émettrice est enregistrée.
[0082] Un « dé-étalonnage » intentionnel est ensuite appliqué pour que les réseaux de neurones apprennent l’effet d’une dérive des lois d’étalonnage. On tire un gain g dans une gaussienne centrée sur 1 et d’écart-type ogain ainsi qu’un décalage off dans une gaussienne centrée sur 0 et d’écart-type ooff. Sur toutes les énergies E d’un même mélange, on calcule alors la nouvelle énergie dé-étalonnée Ed par :
[0083] [Math. 3]
[0084] E = g(E— off)
[0085] Plusieurs spectres synthétiques dé-étalonnés de chaque source et mélange de source sont enregistrés dans la base de données BDS utilisée pour
l’apprentissage.
[0086] Les blocs AJD1 - AJDM mettent en oeuvre les algorithmes d’apprentissage supervisé des M réseaux de neurones convolutifs du bloc CBNNJD, et produisent M ensembles de paramètres caractérisant chacun de ces réseaux de neurones ; ces paramètres sont stockés dans la base de données BDNJD précitée. De même, les blocs A_PR01 - A_PROM mettent en oeuvre les algorithmes d’apprentissage supervisé des M réseaux de neurones convolutifs du bloc CBNN_PRO, et produisent M ensembles de paramètres caractérisant chacun de ces réseaux de neurones ; ces paramètres sont stockés dans la base de données BDN_PRO précitée.
[0087] Les sources synthétiques du bloc SS sont également utilisées par le module AE afin de mettre en oeuvre un processus d’auto-étalonnage du détecteur spectrométrique. En connaissant les radionucléides présents dans la source et leurs proportions (données fournies par le module d’identification ID) il est en effet possible d’utiliser ces sources synthétiques pour calculer un spectre « attendu ». Un
algorithme de type maillage adaptatif ou algorithme génétique est ensuite utilisé par le bloc ECC pour trouver un ensemble de paramètres d’étalonnage qui maximise la corrélation entre ce spectre attendu et celui fourni par le module MCS. Ces paramètres sont utilisés pour mettre à jour les tables d’étalonnage utilisées par le module ID. On remarquera que certains blocs (MEV, MCS, SS, TE) apparaissent à plusieurs endroits dans la [Fig. 1 ] dans un souci de lisibilité.
[0088] Le bloc ECC met en oeuvre l’algorithme d’étalonnage en énergie par corrélation décrit dans (Maier 2016).
[0089] Cet étalonnage ne requiert pas d’intervention de l’utilisateur et ne repose que sur la mesure effectuée en temps réel dans la scène à analyser
[0090] Les réseaux convolutifs bayésiens utilisés pour l’identification des sources atomiques émettrices et la détermination de leurs proportions seront maintenant décrits à l’aide de la [Fig. 2]
[0091 ] D’une manière connue en soi - voir par exemple (Aloysius 2017) - un réseau convolutif comprend une première partie composée de plusieurs couches de convolution permettant d’extraire différentes caractéristiques des spectres en entrée et une seconde partie constituée d’un perceptron multicouches (dans la littérature en langue anglaise on parle aussi de couches « fully-connected », c’est-à-dire
« entièrement connectées »).
[0092] Dans le mode de réalisation de la [Fig. 1 ], l’entrée est constituée par un spectre SP0 comprenant 2000 canaux, chaque canal étant une valeur représentative de l’énergie du spectre dans une plage spectrale respective.
[0093] La première couche convolutive CC1 comprend 16 neurones convolutifs. Chaque neurone convolutif effectue les opérations suivantes :
- filtrage par un filtre convolutif ayant un noyau de 16 éléments, avec un remplissage par des zéros pour conserver la dimension des données.
- Réduction dimensionnelle de la sortie du filtre par une opération de « Max
Pooling » de taille deux.
- Normalisation par lots (« batch normalization » en anglais).
- Application d’une fonction d’activation non-linéaire, dans ce cas de type ReLU.
[0094] L’opération de MaxPooling de taille 2 consiste à prendre le spectre et ne conserver qu’un seul canal sur deux, le plus grand. Cela réduit la dimension du spectre d’un facteur 2.
[0095] L’opération de normalisation par lots - connue en soi, voir (loffe 2015) - consiste à rassembler les données de la base de données d’apprentissage par sous- ensembles appelés lots ou « batches », effectuer une itération d’apprentissage sur chacun des lots (comme cela sera décrit plus loin), puis normaliser en moyenne et en variance les sorties de chaque neurone correspondant au lot considéré. Une fois l’entraînement, les paramètres de normalisation sur l’ensemble de la base de données sont sauvegardés pour appliquer la même normalisation lors de l’utilisation des réseaux de neurones pour l’identification et la détermination des proportions des espèces émettrices.
[0096] La fonction d’activation ReLU est définie par :
ReLU(x)=max(0,x).
[0097] La sortie de la première couche convolutive est donc constituée de 16 spectres de caractéristiques SP1 ,0 - SP1 ,15 de dimension 1000. Ces données sont fournies en entrée à la seconde couche convolutive CC2 qui est en tout point semblable à la première, sauf en ce qu’elle opère sur des données de dimension 1000.
[0098] La sortie de la deuxième couche convolutive est donc constituée de 16 spectres de caractéristiques SP2,0 - SP2,15 de dimension 1000. Ces données sont fournies en entrée à la troisième couche convolutive CC3 qui est en tout point semblable aux deux premières, sauf en ce qu’elle opère sur des données de dimension 500 et que sa sortie est donc constituée de 16 spectres de
caractéristiques SP3,0 - SP3,15 de dimension 250.
[0099] Ces derniers sont aplatis pour former un vecteur SPA4 de 4000 éléments qui sont tous fournis en entrée à chacun des 20 neurones d’une couche de perceptron CP utilisant, comme les couches convolutives, une fonction d’activation de type ReLU.
[0100] La dernière couche, ou couche de sortie, CS du perceptron est
préférentiellement composée de deux neurones avec une fonction d’activation de type « softmax » où, en notant Xj la sortie du neurone avant la fonction d’activation :
[0101 ] [Math. 4]
[01 02] softmax(
[0103] j étant l’indice qui identifie les deux neurones de sortie.
[0104] Pour les réseaux d’identification, le premier neurone de la couche de sortie donne un nombre compris entre 0 et 1 qui représente l’absence ou la présence du radioélément dans le mélange, tandis que le deuxième neurone est le
complémentaire à 1 du premier neurone.
[0105] Pour les réseaux d’évaluation des proportions, le premier neurone donne un nombre compris entre 0 et 1 qui correspond à la proportion en signal du
radioélément tandis que le deuxième neurone correspond à la proportion en signal de tous les autres éléments.
[0106] L’utilisation de deux neurones de sortie complémentaires n’est pas essentielle, mais avantageuse comme cela sera discuté plus loin à l’aide des figures 7 A à 7F.
[0107] Les paramètres ou coefficients des réseaux de neurones (noyaux des couches convolutives CC1 , CC2 et CC3, poids synaptiques des couches de perceptron) sont appris, de manière supervisée, utilisant par exemple un algorithme de descente du gradient. Par exemple, dans le mode de réalisation discuté plus loin en référence aux figures 4 à 6, l’on utilise un algorithme de descente de gradient stochastique avec un taux d’apprentissage de 0,01 qui décroît de 0,001 à chaque itération, un moment de 0,9 et l’utilisation du moment Nesterov, l’apprentissage étant effectué sur 10 itérations sur des lots de 1000 exemples.
[0108] Plus précisément, dans ce mode de réalisation, La fonction de coût utilisée et minimisée pendant la phase d’apprentissage pour ce réseau d’identification est l’entropie binaire croisée, définie comme :
[0109] [Math. 6]
[01 10] L(ypred, yréel) — yréel· lo§(ypred) "F (1 — yréel) · log(l — y réel)
[01 11 ] où yréel est la vraie valeur que doit avoir le neurone en sortie et ypred est la valeur prédite par le réseau.
[01 12] L’apprentissage du réseau d’évaluation des proportions est effectué avec les spectres synthétiques normalisés en norme 1. La sortie à prédire par le premier
neurone est la proportion du radioélément dans le mélange et celle du deuxième neurone est la proportion des autres radioéléments.
[01 13] La fonction de coût utilisée et minimisée pour ce réseau est l’écart quadratique moyen :
[01 14] [Math. 5]
2
[01 1 5] L(ypred, yréei)— (ypred — y réel)
[01 16] Les deux fonctions de coût sont évaluées en moyenne sur l’ensemble des exemples de la base de données.
[01 17] Le caractère « bayesien » du réseau de neurones de la [Fig. 2] est obtenu en éteignant de manière aléatoire une fraction des neurones des couches
intermédiaires (« dropout »), voir (Gai 2016), et cela aussi bien lors de
l’apprentissage que pendant l’utilisation du réseau. Chaque réseau de neurones est appliqué une pluralité de fois à chaque spectre d’entrée et, du fait de l’extinction aléatoires des neurones, il renvoie à chaque fois un résultat différent dont la distribution statistique renseigne sur l’incertitude affectant l’identification d’une espèce atomique émettrice et/ou sa proportion. Par exemple, dans le mode de réalisation discuté plus loin en référence aux figures 4 à 6, le taux d’extinction des neurones est de 50% pour chacune des couches intermédiaires et chaque réseau de neurones est appliqué 100 fois.
[01 18] La [Fig. 3] illustre de manière schématique le procédé d’identification d’espèces atomiques émettrices décrit plus haut.
[01 19] L’étape a) comprend l’acquisition d’un spectre au moyen du détecteur spectrométrique SPM.
[0120] L’étape b) comprend la transformation des données préalable à l’application des réseaux de neurones d’identification - c’est-à-dire, dans un mode de réalisation préféré de l’invention - la conversion du spectre à l’échelle logarithmique et sa normalisation.
[0121 ] L’étape c) comprend l’application des réseaux de neurones convolutifs, de préférence bayesiens, au spectre transformé par l’étape c).
[0122] L’étape d) comprend l’identification des espèces émettrices présentes dans la scène en fonction des sorties des réseaux de neurones d’identification.
[0123] L’étape e) comprend la transformation des données préalable à l’application des réseaux de neurones de proportions - c’est-à-dire, dans un mode de réalisation préféré de l’invention - la normalisation du spectre en norme 1.
[0124] L’étape f) comprend l’application des réseaux de neurones convolutifs, de préférence bayesiens, au spectre transformé par l’étape e).
[0125] L’étape g) comprend la détermination des proportions des espèces émettrices identifiées lors de l’étape d) en fonction des sorties des réseaux de neurones de proportions.
[0126] L’étape h) correspond à l’auto-étalonnage, qui met à jour les tables
d’étalonnage utilisées pour la mise en oeuvre de l’étape a).
[0127] L’étape préalable app) correspond à l’apprentissage des réseaux de neurones utilisés dans les étapes c) et f).
[0128] Le procédé peut s’arrêter à l’étape c) si seule l’identification des espèces émettrices est requise, voire à l’étape g) si l’auto-étalonnage n’est pas utilisé.
[0129] L’invention a été testée en utilisant, en tant que détecteur spectrométrique, un spectro-imageur pixélisé à base de semi-conducteur CdTe et de ses circuits de lectures optimisés (Gevin 2012). Le spectro-imageur comprend 256 pixels au pas de 800 pm avec 2 mm d’épaisseur, une dynamique en énergie de 1 keV à 1 MeV, et une résolution en énergie de 0,7 keV (largeur totale à mi-hauteur) à 60 keV.
[0130] Des résultats semblables ont été obtenus en utilisant un spectro-imageur du même type mais présentant une épaisseur de 1 mm et un pas de 625 pm. Le changement de détecteur n’a même pas nécessité de réapprentissage des réseaux de neurones, ce qui confirme la robustesse de la méthode d’identification selon l’invention.
[0131 ] Le spectro-imageur a été installé dans une enceinte sous vide, refroidi par des modules Peltier à une température de -15°C environ et soumis à un champ de polarisation de 300 V/mm. Le signal enregistré par les circuits de lecture est transmis à un circuit numérique programmable Zynq par l’intermédiaire d’une carte d’interface CIF. Le circuit numérique stocke les événements et les transmet à un
ordinateur de contrôle sur lequel est effectué le processus de spectro-identification. Les événements sont renvoyés sous forme d’une liste contenant le pixel d’interaction, l’énergie déposée non calibrée et la date d’interaction. Le spectre somme de tous les pixels est pré-étalonné avec une table d’étalonnage déterminée à l’avance par une calibration initiale unique en laboratoire (en variante, on pourrait appliquer la fonction de transfert théorique de la chaîne d’acquisition).
[0132] Les données synthétiques ont été générées grâce à simulation semi- analytique en modélisant le détecteur et son environnement très proche, à savoir la structure qui contient le détecteur. Les interactions photons-matière dans
l’environnement et dans le détecteur ont été simulées et les dépôts d’énergie dans le détecteur ainsi que leur position ont été enregistrées. Un simulateur Geant4 peut aussi être utilisé pour effectuer ces simulations.
[0133] Pour chaque dépôt d’énergie, les fluctuations statistiques d’énergie ont été prises en compte en tirant une énergie dans une gaussienne centrée sur l’énergie E0 déposée, d’écart-type
[0134] [Math. 7]
[0135] s = / swE0F, OÙ
[0136] ew=4,42 eV est l’énergie de création de paires électrons-trous dans le CdTe et F=0,15 est le facteur de Fano pour le CdTe.
[0137] Pour prendre en compte la perte de charge, le potentiel de pondération dans le détecteur a été calculé en résolvant l’équation de Poisson AUw=0 en coordonnées cylindriques sur le détecteur à l’aide de la méthode de résolution par différences finies, avec pour condition aux limites de fixer 1 sur l’électrode sur laquelle le signal est induit et 0 sur les autres électrodes et sur la cathode. Le domaine de simulation a été étendu à 2 électrodes de part et d’autre de l’électrode sur laquelle le signal est induit. En variante, une méthode de résolution par éléments finis aurait pu être utilisée. Puis, la perte de charge CCE a été calculée en fonction de la profondeur zO à l’aide de l’équation de Hecht :
[0138] [Math. 8]
[0139] CCE(z0) = fL Ekp ftp
[0140] où, pexe=1 ,14.10-3cm
2.V-1 , phxh=3,36.10-4cm
2.V-1 , L= 2 mm et V0=600 V. [0141 ] L’énergie ECCE à la profondeur d’interaction zO a été calculée par
[0142] [Math. 9]
CCE(z0)
[0143] E CCE = Ef.
maxz(CCE(z))'
[0144] Il aurait aussi été possible de calculer la perte de charge en 3D dans le détecteur et pas seulement en 1 D pour obtenir un modèle plus fidèle de la réponse du détecteur qui n’est cependant pas indispensable pour l’apprentissage du réseau de neurones.
[0145] L’erreur liée au bruit électronique a été prise en compte en tirant l’énergie finale enregistrée dans une gaussienne centrée sur ECCE avec un écart-type s=enn rms où rms=50 e-correspond au nombre d’électrons rms dus au bruit électronique.
[0146] Pour créer les listes de mélanges d’espèces atomiques, entre 10 et 10 millions de photons ont été tirés dans chaque liste d’événements de chaque radioélément simulé individuellement, tirage effectué avec remise, ce qui signifie que la même énergie peut être tirée plusieurs fois. Le dé-étalonnage a été effectué en prenant ogain=0,0055 et ooffset=0,5 keV. De cette façon, 200.000 mélanges synthétiques ont été réalisés.
[0147] Les spectres synthétiques ont été obtenus en faisant un histogramme composé de 2000 canaux de 0,5 keV de largeur sur une dynamique en énergie de 0 à 1 MeV.
[0148] Les réseaux de neurones utilisés pour l’identification et la détermination des proportions sont tels que décrits plus haut en référence à la [Fig. 2]
[0149] La [Fig. 4] montre un spectre (représenté à l’échelle logarithmique) obtenu en exposant le spectro-imageur à un mélange comprenant du 57Co et du 137Cs. On remarque que le nombre de photons détectés est relativement faible, de l’ordre de quelques milliers.
[0150] La [Fig. 5] illustre les valeurs de sortie de plusieurs réseaux de neurones d’identification, correspondant à ces nucléides mais également à d’autres qui ne sont pas présents dans la scène (241 Am, 133Ba, 152Eu, 22Na). Plus précisément, comme chaque réseau de neurones est appliqué 100 fois en éteignant aléatoirement
50% des neurones à chaque répétition, l’on obtient une distribution statistique des sorties. Les barres verticales représentent les médianes, les boîtes d’erreur correspondent aux premier et troisième quartile et les barres d’erreur aux premier et neuvième décile.
[0151 ] Le seuil de détection est fixé à 0,5 sur la médiane, ce qui est naturel si on considère que la sortie d’un réseau d’identification représente la probabilité de présence de l’espèce émettrice correspondante. On remarque que la dispersion statistique des sorties est négligeable pour les radionucléides effectivement présents et, pour les autres, suffisamment faible pour ne créer aucun risque de faux positif.
[0152] La [Fig. 6] illustre la distribution statistique (médiane et barre d’erreur correspondant au premier et neuvième décile) des proportions de 57Co et du 137Cs (plus précisément, de leurs contributions au nombre total de photons détectés), obtenue en appliquant 100 fois les réseaux de neurones de proportion
correspondants, en éteignant à chaque fois 50% des neurones.
[0153] Les figures 7A à 7F illustrent l’avantage procuré par l’utilisation de réseaux de neurones présentant deux sorties complémentaires avec une fonction d’activation de type softmax. Sur ces figures, les courbes en trait continu représentent le taux de bonnes réponses (1 : absence d’erreurs d’identification) dans le cas d’une fonction d’activation softmax en fonction du nombre de photons détectés, tandis que la courbe en ligne hachurée correspond à des neurones de sortie uniques, avec une fonction d’activation sigmoïde (la fonction softmax ne peut pas être utilisée avec un seul neurone de sortie, elle renverrait toujours 1 ). Chaque point de ces graphiques correspond au taux moyen de bonnes réponses sur 2500 mélanges de sources. Les différents graphiques correspondent à différents radionucléides : 241 Am ([Fig. 7A]), 133Ba ([Fig. 7B]), 22Na ([Fig. 3C]), 152Eu ([Fig. 7D]); 137Cs ([Fig. 7E]), 57Co ([Fig. 7F]).
[0154] Les résultats montrent que les performances des réseaux à 1 neurone de sortie sont équivalentes à celles des réseaux à 2 neurones de sortie dans le cas des sources de 241 Am et 152Eu. Dans le cas des sources de 57Co et 22Na, les performances relatives dépendent du nombre de photons, et dans le cas du 22Na, les performances du réseau à 1 neurone de sortie dépassent de très peu celles du
réseau à 2 neurones de sortie. Enfin, dans les cas du 133Ba et 137Cs, les réseaux de neurones à 2 sorties surpassent le réseau de neurones à 1 seule sortie.
[0155] De manière générale, au moins dans la configuration testée, il apparaît préférable d’utiliser un réseau de neurones à 2 sorties.
[0156] Dans tous les cas, on remarque que le taux de bonnes réponses est proche de ou supérieur à 0,9 dès que le nombre de photons atteint 103.
[0157] Un aspect important de l’invention est la séparation des étapes d’identification des espèces émettrices et de détermination de leurs proportions, qui sont mises en oeuvre par des ensembles distincts de réseaux de neurones.
[0158] Cela permet d’utiliser des prétraitements différents des spectres pour les deux opérations. Pour l’identification, on utilise de préférence une « normalisation logarithmique » qui permet de donner de l’importance même aux structures qui sont composées de peu de photons, ce qui est en particulier intéressant du fait que la probabilité d’interaction des photons dans le détecteur diminue fortement lorsque l’énergie des photons augmente. Pour le réseau d’évaluation des proportions, en revanche, l’invention utilise de préférence une normalisation linéaire (en norme 1 ) qui « ignore » les petites structures. Cela est avantageux car les proportions de chaque source dans le signal sont reliées linéairement à leur contribution dans le spectre. Expérimentalement, il a été constaté que l’utilisation d’une « normalisation logarithmique » pour l’évaluation des proportions ne donne pas de bons résultats.
[0159] Cela est illustré par les figures [Fig. 8A], [Fig. 8B] et [Fig. 8C].
[0160] Le spectre de la [Fig. 8A] a été analysé par la méthode de l’invention. La [Fig. 8B] montre que les réseaux d’identification permettent de confirmer de manière certaine la présence de 241 Am et de 57Co. Les réseaux d’évaluation des
proportions donnent cependant une proportion de 0,7 % pour le 57Co et de 99,3 % pour le 241 Am.
[0161 ] Si seules les proportions avaient été déterminées, comme dans certaines méthodes de l’art antérieur, il aurait été impossible de savoir si 57Co était réellement présent à l’état de trace, ou il était en réalité absent comme, par exemple, 133Ba, 137Cs et 22Na. L’utilisation de réseaux d’identification distincts des réseaux de
proportion permet de déterminer sans ambiguïté que 57Co est réellement présent, bien qu’en faible proportion.
[0162] Le procédé et le dispositif de l’invention présentent plusieurs avantages par rapport à l’art antérieur.
[0163] L’utilisation d’un réseau de neurones distinct par source que l’on veut identifier permet de ne pas restreindre le nombre d’espèces atomiques que l’on est capable d’identifier. L’ajout de nouvelles sources, en outre, est possible en ajoutant de nouveaux réseaux sans changer l’architecture globale et en n’effectuant un réapprentissage que pour la partie perceptron. Il n’est en revanche pas nécessaire d’effectuer à nouveau l’apprentissage sur les couches convolutives.
[0164] En variante, il est possible d’associer un réseau de neurones à une pluralité d’espèces émettrices, par exemple une famille d’espèces présentant des spectres similaires. Dans ce cas, ce ne sont pas les espèces individuelles qui sont identifiées, mais des groupes ou familles d’espèces.
[0165] L’utilisation de réseaux de neurones de type convolutif confère une grande robustesse vis-à-vis des erreurs d’étalonnage (instabilité temporelle de la loi d’étalonnage, réponses instrumentales variables d’un détecteur spectrométrique à l’autre) ainsi qu’à des changements de configuration (présence de matériaux absorbants ou diffusants entre la ou les sources et le ou les détecteurs
spectrométriques) en prenant en compte ces problématiques dans la base de données. En outre, elle permet de traiter des cas de spectres à faible statistique de photons avec de bonnes performances (précision supérieure à 90 % avec des spectres contenant au moins 1000 photons issus du mélange de sources). Cette méthode ne se concentre pas sur des pics particuliers mais sur la structure générale des spectres (pics, structures Compton notamment).
[0166] L’approche bayésienne permet de quantifier une erreur sur la probabilité de présence de chaque source, ce qui informe l’utilisateur de la pertinence des résultats et donc sur le degré de confiance qu’il peut accorder à une analyse automatique.
[0167] En outre, aucun prétraitement « expert » n’est nécessaire, et l’étalonnage fin est réalisé de manière automatique. Le recours à des techniciens qualifiés est donc fortement réduit.
[0168] Comme expliqué plus haut, la séparation des étapes d’identification et de détermination des proportions permet de déterminer de manière fiable si une espèce atomique est absente ou bien présente mais en faible proportion.
[0169] L’invention a été décrite en référence à un mode de réalisation particulier, mais de nombreuses variantes sont envisageables.
[0170] Par exemple, concernant la structure des réseaux de neurones, le nombre de couches convolutives et de type perceptron, les fonctions d’activation, la méthode de réduction des données, la taille des noyaux de convolution etc. sont données uniquement à titre d’exemple. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que tous les réseaux de neurones soient identiques.
[0171 ] D’autres techniques d’apprentissage supervisé peuvent être mises en oeuvre. Par ailleurs, le recours à des sources synthétiques pour l’apprentissage est avantageux, mais il est également possible d’utiliser - en remplacement ou en complément - des sources réelles.
[0172] D’autres opérations de transformation de données préalables à l’application des réseaux de neurones, et notamment d’autres techniques de normalisation, peuvent être utilisées.
[0173] Le recours à une extinction aléatoire des neurones n’est pas indispensable, si l’on ne souhaite pas disposer d’une information sur l’incertitude des mesures. Par ailleurs, lorsqu’elle est utilisée, l’extinction aléatoire ne doit pas nécessairement concerner l’intégralité des couches intermédiaires.
[0174] D’autres critères qu’un seuillage à 0,5 peuvent être utilisés pour déterminer si une espèce atomique est considérée comme étant présente ou absente, en particulier si l’on préfère minimiser le risque de faux positifs ou, inversement, de faux négatifs.
[0175] Chaque réseau de neurones peut présenter plus de deux sorties - par exemple une sortie indicative de la probabilité de présence d’une espèce émettrice, une sortie indicative de la probabilité de son absence et une sortie indicative d’une situation indéterminée. Avantageusement, ces sorties sont complémentaires (c’est- à-dire que leur somme prend une valeur fixe, typiquement 1 ). La fonction d’activation
des sorties peut être de type Softmax, mais d’autres possibilités peuvent être envisagées par l’homme du métier.
[0176] Des données issues de plusieurs détecteurs spectrométriques distincts peuvent être combinées.
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