DISPOSITIF D'ETIREMENT ET DE CONTROLE SPECTRAL POUR LASERS IMPULSIONNELS A FORTE PUISSANCE CRETE
La présente invention se rapporte à un dispositif d'étirement et de contrôle spectral pour des lasers impulsionnels à forte puissance crête, ainsi qu'à une chaîne d'amplification à dérive de fréquence comportant un tel dispositif d'étirement et de contrôle spectral.
La réalisation de lasers impulsionnels, de type saphir dopé au titane (Ti :Sa), à très forte puissance crête nécessite de contrôler des spectres très larges pour diminuer les durées d'impulsion à la sortie de la chaîne amplificatrice.
Deux phénomènes limitent fortement la réalisation de ce type de lasers. Le premier est d'ordre pratique et concerne l'encombrement important des dispositifs d'étirement temporel (étireur type Ôffner) permettant de passer la bande spectrale. Le deuxième est d'ordre physique et fait intervenir le rétrécissement et le décalage spectral intervenant dans le milieu amplificateur.
Une solution classique pour remplacer l'étireur d'Ôffner est d'utiliser une fibre optique, cependant la recompression est rendue difficile à cause d'importantes aberrations spectrales. En ce qui concerne le rétrécissement spectral, la solution la plus utilisée consiste à pré-compenser, en début de chaîne (avant l'amplificateur dit régénératif ou multi-passage), la déformation spectrale. Cette solution à base de filtrage a l'inconvénient de limiter le rendement d'extraction des amplificateurs et est d'autant moins efficace que le nombre de passages dans les amplificateurs est important. Actuellement, les lasers fournissant des puissances crête très élevées (de l'ordre du terawatt ou davantage) pendant des temps très brefs (de l'ordre de quelques fs) sont de type à amplification à dérive de fréquence (dits CPA, soit : Chirped Puise Amplification). Ces lasers sont basés sur l'utilisation d'un spectre large, d'un étirement d'impulsions, de l'amplification et de la recompression des impulsions ainsi étirées. Typiquement, ces lasers sont des chaînes Ti :Sa qui ont un spectre d'oscillateur de 5 à lOOnm, pour des durées d'impulsion comprimée de 150 à
lOfs. La capacité de la chaîne d'amplification à maintenir un spectre correct influe directement sur la capacité du laser à travailler en impulsions courtes. Le rétrécissement spectral induit par les amplificateurs est donc un facteur clé d'obtention des performances de durée courte. De même, une forte déformation du spectre, par exemple asymétrique, va perturber la forme temporelle et dégrader le fonctionnement du laser.
La solution couramment utilisée pour étirer temporellement les impulsions avant amplification est basée sur l'étireur d'Ôffner. Sa configuration est bien connue et permet notamment de minimiser les aberrations spectrales (voir par exemple : G. Chériaux, P. Rousseau, F. Salin, J.-P. Chambaret, B. Walker, L. F. Dimauro : « Aberration free stretcher Design for ultrashort puise amplification » Opt. Lett 21 , 414 -1996) ). La principale limitation réside dans le fait que pour étirer des spectres larges, il faut utiliser des optiques de grandes dimensions. Même si des solutions existent pour limiter l'encombrement de ce système optique (voir brevet français 2 834 080), ces solutions ne sont pas entièrement satisfaisantes. En effet, les solutions proposées consistent à travailler sur l'ordre -1 du réseau. On peut ainsi diminuer l'encombrement de l'étireur à étirement constant. Les étireurs d'Ôffner sont cependant encombrants et nécessitent un alignement précis des angles et de la longueur de l'afocal (distance entre miroir concave et convexe de l'afocal). La modification d'un paramètre de l'étireur agit d'autre part directement sur la manière dont on va recompresser l'impulsion.
Dans un étireur d'Ôffner, la durée d'impulsion obtenue en sortie dépend des paramètres de l'étireur (focale des miroirs, nombre de traits des réseaux, angle d'incidence) mais surtout de la largeur spectrale de l'impulsion que l'on souhaite étirer. On définit généralement un paramètre appelé facteur d'étirement et exprimé en ps/nm. Ce facteur peut varier de quelques unités, à quelques dizaines. Pour une impulsion incidente de lOOnm, un facteur d'étirement de 2 à 3 est suffisant pour amplifier l'impulsion à plusieurs centaines de m J. Un facteur plus faible peut être appliqué si l'amplification est dans le domaine du mJ. Dans les chaînes CPA, les amplificateurs utilisés sont de type n passages du faisceau dans le milieu amplificateur. Lorsque n est faible (inférieur à 10), la
configuration multi-passage géométrique est généralement utilisée. Le laser de pompe envoie une impulsion dans le cristal et le faisceau impulsionnel à amplifier est ensuite envoyé dans un étage amplificateur dans lequel il effectue n passages dans le cristal laser pour optimiser l'extraction en énergie. On a schématisé en figure 1 un tel amplificateur multi-passages, qui comporte essentiellement un cristal 1 (par exemple Ti :Sa) recevant depuis un miroir d'entrée ME des impulsions d'entrée sous un angle différent de la normale à sa surface d'incidence, et plusieurs miroirs de renvoi Ml à M7 disposés de part et d'autre du cristal 1 de façon à faire traverser le cristal par le faisceau sous différents angles d'incidence, le dernier miroir M7 renvoyant ce faisceau vers la sortie via un miroir de sortie MS.
Lorsque l'on cherche un facteur d'amplification important, il faut augmenter le nombre de passages et la configuration de la figure 1 n'est plus applicable. La configuration généralement utilisée est alors l'amplificateur régénératif, dont un exemple de réalisation est schématisé en figure 2. Ce type d'amplificateur permet de réaliser aisément une trentaine de passages.
Le système représenté en figure 2 comporte un cristal 2 disposé, avec une cellule de Pockels 3, dans une cavité optique fermée par deux miroirs 4, 5 et pompé par une pompe 6. Un polariseur 7, disposé dans la cavité, permet de prélever une partie du faisceau intra-cavité, le faisceau prélevé passant par une lame demi-onde 8, un miroir de renvoi 9 et un rotateur de Faraday 10 à la sortie duquel un miroir semi- transparent 11 le renvoie vers l'utilisation (faisceau E0111). D'autre part, le polariseur 7 permet d injecter dans cette cavité un faisceau extérieur Ejn.
Dans les deux cas (Fig. 1 et 2), le gain de l'amplificateur s'écrit :
JSTO étant la fiuence stockée disponible pour le gain dans le milieu (le cristal) et JSAT la fiuence de saturation de ce milieu. C'est l'équation classique de la théorie de Frantz et Nodvick. Dans le tableau ci-dessous, on a fait figurer quelques exemples de valeurs de
J
SAT pour différents matériaux laser :
En régime de petit signal, avec J
1N « J
SAT, on peut approximer la relation de gain avec :
La courbe de gain des amplificateurs décrits précédemment étant de forme proche d'une gaussienne, à chaque passage dans le milieu, on va observer un rétrécissement du spectre simplement dû au gain.
La courbe de la figure 3 montre un exemple typique de gain dans un cristal Ti : Sa en fonction de la longueur d'onde, cette courbe étant centrée sur la longueur d'onde de 800nm.
L'amplification dans ce milieu laser va donc conduire à appliquer sur un signal d'entrée de spectre limité un gain non uniforme en fonction de la longueur d'onde, ce qui a pour effet de provoquer une altération : le rétrécissement spectral. L'exemple de la figure 4 illustre cet effet, qui s'accentue avec le nombre de passages dans l'amplificateur. On a représenté sur cette figure 4 la courbe du signal d'entrée en fonction de sa longueur d'onde et les courbes du signal après 4, 10 et 30 passages dans le cristal, respectivement. L'effet devient très important si l'on considère la cas d'un amplificateur régénératif (30 passages par exemple). On notera que lorsque le signal d'entrée possède un spectre non centré par rapport au maximum de gain du milieu, le rétrécissement spectral s'accompagne d'un effet de décalage qui tend à ramener le signal sur le pic de gain maximum.
Pour compenser ces effets, une pré-distorsion du signal d'entrée est utilisable par filtrage actif ou passif au prix d'une diminution du rendement du laser. En effet,
les filtres utilisés ont des rendements de l'ordre de 50% car ils agissent (coupent) spectralement au maximum d'énergie.
La présente invention a pour objet un dispositif d'étirement et de contrôle spectral pour des lasers impulsionnels à forte puissance crête, ainsi qu'à une chaîne d'amplification à dérive de fréquence comportant un tel dispositif d'étirement et de contrôle spectral, dispositif qui ne limite pas le rendement d'extraction d'énergie des amplificateurs et qui soit le plus efficace possible.
Le dispositif d'étirement conforme à l'invention est caractérisé en ce qu'il comporte un dispositif acousto-optique de dispersion d'impulsions lumineuses, programmable en amplitude spectrale, disposé dans un amplificateur multi-passage, avantageusement un amplificateur régénératif. Ainsi, le dispositif de l'invention présente l'avantage de cumuler la fonction d'étirement temporel et de contrôle de l'amplitude spectrale.
La présente invention sera mieux comprise à la lecture de la description détaillée d'un mode de réalisation, pris à titre d'exemple non limitatif et illustré par le dessin annexé, sur lequel : les figures 1 à 4, déjà mentionnées ci-dessus, sont respectivement des schémas d'amplificateurs multi-passage et régénératif de l'art antérieur, une courbe d'évolution du gain d'un cristal Ti :Sa en fonction de la longueur d'onde et un ensemble de courbes d'évolution du gain d'un amplificateur régénératif pour différents nombres de passages du signal d'entrée, la figure 5 est un bloc-diagramme d'une chaîne CPA conforme à l'invention, - la figure 6 est un bloc-diagramme d'un amplificateur régénératif conforme à l'invention, et la figure 7 est un bloc-diagramme d'un compresseur à réseaux pouvant être utilisé dans le dispositif de l'invention.
L'invention consiste à utiliser un système acousto-optique qui, optiquement, se comporte comme un élément dispersif (semblable à une ligne de prismes) et qui de plus permet, via l'onde acoustique, de moduler l'amplitude spectrale de l'onde
optique. Ce système est utilisé en configuration multi-passage et permet donc, au fur et à mesure de la propagation de l'impulsion dans le milieu amplificateur (cristal 2) d'étirer cette dernière et de compenser le rétrécissement spectral pour chaque passage. La chaîne amplificatrice peut alors être fortement simplifiée selon le schéma de la figure 5.
La chaîne amplificatrice CPA de la figure 5 comporte : un dispositif amplificateur 12, incorporant un dispositif acousto-optique et décrit plus en détail ci- dessous en référence à la figure 6, un ou plusieurs amplificateurs optiques classiques 13 et un dispositif de compression 14, également classique. Pour mieux mettre en évidence les caractéristiques avantageuses de l'invention, on donne ici un exemple de réalisation. On considère une impulsion femtoseconde possédant une bande spectrale de lOOnm centrée à 800nm. Lorsque cette impulsion traverse le dispositif acousto-optique utilisé par l'invention, elle subit un étirement de l'ordre de 4,5ps à chaque passage dans le cristal. Lorsque l'on insère ce dispositif acousto-optique dans un amplificateur régénératif, comme indiqué en figure 5, au fur et à mesure des passages, l'impulsion injectée va voir son énergie amplifiée et simultanément sa durée étirée. Au bout de 40 passages par exemple (20 allers-retours), la durée étirée est proche de 200ps et l'énergie extraite de l'amplificateur régénératif est de l'ordre du mJ. En fonction de l'amplitude de l'onde acoustique appliquée au dispositif acousto-optique, on peut à loisir moduler l'amplitude spectrale afin de compenser le rétrécissement spectral de l'amplificateur, voire pré-compenser les amplificateurs suivants. Selon une caractéristique avantageuse de l'invention, on asservit la chaîne CPA de façon à maximiser le spectre des impulsions de sortie de la chaîne. Cet asservissement est réalisé par une mesure spectrale en sortie des amplificateurs et un rebouclage sur le cristal acousto- optique.
On a représenté en figure 6 le schéma de principe d'un amplificateur régénératif incluant un dispositif électro-optique d' étirement et de compensation spectrale conforme à l'invention. Les éléments similaires à ceux de la figure 2 sont affectés des mêmes références numériques. La différence essentielle du dispositif de la figure 6 par rapport à celui de la figure 2 réside dans l'insertion d'un dispositif
électro-optique 15 d'étirement et de compensation spectrale. Ce dispositif 15 étant connu en soi d'après la susdite demande de brevet français, ne sera pas décrit en détail. Ce dispositif 15 est inséré par exemple entre le cristal 2 et le miroir plan de cavité 4A (qui remplace ici le miroir concave 4 de la figure 2). La durée de l'impulsion en sortie de l'amplificateur régénératif (faisceau
E0Ut) est maintenant compatible avec des niveaux d'amplification plus élevés obtenus par exemple avec une série d'amplificateurs multi-passages. Il est ainsi possible d'obtenir des impulsions de plusieurs centaines de mJ possédant un spectre proche de celui de l'impulsion injectée. Pour recompresser ces impulsions amplifiées, il suffit d'utiliser un compresseur classique à réseaux (compresseur 14 de la figure 5). L'utilisation par exemple de réseaux de 1200 tr/mm permet d'obtenir de bons résultats. On a représenté en figure 7 le bloc-diagramme d'un tel compresseur 14. Le faisceau Fl d'impulsions amplifiées est envoyé, via un miroir semi-transparent 16, sous une incidence différente de la normale, sur un premier réseau dispersif 17, qui le renvoie, sur un second réseau 18, similaire au premier et parallèle à celui-ci. Le second réseau 18 renvoie son faisceau incident, sous incidence normale, sur un miroir plan 19. Ce miroir renvoie en sens inverse le faisceau par le même trajet jusqu'au miroir 16 qui le réfléchit vers la sortie (faisceau F2). Le dispositif de l'invention permet de supprimer le système étireur ainsi que le filtrage spectral généralement utilisés à l'entrée des chaînes amplificatrices. Il permet d'obtenir des taux d'étirement compatibles avec l'amplification à haute énergie tout en étant beaucoup plus compact et plus simple qu'un étireur d'Ôffner.
La compensation spectrale se faisant à chaque passage dans le dispositif acousto-optique, il est possible de compenser sans pertes le rétrécissement spectral intervenant dans les amplificateurs.
Le dispositif de l'invention est applicable sur tout matériau laser, et par exemple le Saphir dopé au titane. Il système fonctionne de manière idéale avec un amplificateur régénératif, car le nombre important d'allers-retours permet d'obtenir des durées étirées de plusieurs centaines de ps. Cette durée est d'autre par contrôlable via le nombre d'allers- retours.
L'invention fonctionne également dans le cas d'un amplificateur multi- passage. Cependant, le nombre de passages plus réduit (<10) limite la durée étirée. Cette configuration peut être idéale pour un système délivrant peu d'énergie comme c'est le cas par exemple à 1OkHz. Elle permet également d'atteindre des durées plus courtes en maintenant un spectre large durant les phases d'amplifications successives, et ceci sans dégrader fortement le rendement du laser. C'est donc une alternative économique aux systèmes traditionnels étireur + filtre spectral.