GYROLASER A ETAT SOLIDE A MODES CONTRE-PROPAGATiFS
ORTHOGONAUX.
Le domaine de l'invention est celui des gyrolasers à état solide utilisés notamment dans les centrales inertielles. Ce type d'équipement est utilisé, par exemple, pour les applications aéronautiques.
Le gyrolaser, mis au point il y a une trentaine d'années, est largement commercialisé et utilisé de nos jours. Son principe de fonctionnement est fondé sur l'effet Sagnac, qui induit une différence de fréquence Δv entre les deux modes optiques d'émission se propageant en sens opposé dits contre-propagatifs d'une cavité laser en anneau bidirectionnelle animée d'un mouvement de rotation. Classiquement, la différence de fréquence Δv induite entre les deux modes optiques par le mouvement de rotation est égale à :
Δv = 4AΩ /λL où L et A sont respectivement la longueur et l'aire de la cavité ; λ est la longueur d'onde d'émission laser hors effet Sagnac ; Ω est la vitesse de rotation de l'ensemble. La mesure de Δv, obtenue par analyse spectrale du battement des deux faisceaux émis, permet de connaître la valeur de Ω avec une très grande précision. Un dispositif de comptage de franges typique des gyrolasers permet, à partir du signal de battement, de connaître la position angulaire relative du système.
Dans les gyrolasers usuels, le milieu amplificateur est un mélange gazeux d'atomes d'Hélium et de Néon en proportion appropriée. Le caractère gazeux du milieu amplificateur est toutefois une source de complications techniques lors de la réalisation du gyrolaser, notamment en raison de la grande pureté de gaz requise et de l'usure prématurée de la cavité lors de son utilisation due, en particulier, aux fuites de gaz et aux détériorations des électrodes haute tension utilisées pour établir l'inversion de population.
Il est possible de réaliser un gyrolaser à état solide fonctionnant dans le visible ou le proche infra-rouge en utilisant, par exemple, un milieu
amplificateur à base de cristaux dopés avec des ions de type terre rare comme le Néodyme, lΕrbium ou l'Ytterbium à la place du mélange gazeux Hélium-Néon ; le pompage optique étant alors assuré par des diodes lasers fonctionnant dans le proche infra-rouge. On supprime ainsi, de facto, tous les problèmes inhérents à l'état gazeux du milieu amplificateur.
Cependant, la réalisation de gyrolasers de ce type présente certaines difficultés techniques liées en partie au fait que les ondes contre- propagatives interfèrent dans le milieu amplificateur. En effet, si le milieu amplificateur est un solide cristallin de type
Nd-YAG, on peut montrer que, dans un tel milieu, les réseaux d'inversion de population induits par émission stimulée dans le milieu à gain ont pour effet de déstabiliser l'émission bidirectionnelle. De plus, lorsque le gyrolaser est en rotation, ces réseaux deviennent mobiles et induisent par effet Doppler un décalage en fréquence entre les deux ondes contre-propagatives circulant dans la cavité du laser, ce qui augmente la non linéarité de la réponse en fréquence du gyrolaser.
Il est également possible d'utiliser comme milieu amplificateur un semi-conducteur à structure verticale de type VECSEL, acronyme anglo- saxon signifiant Vertical External Cavity Surface Emitting Laser. Un VECSEL comprend essentiellement un empilement de zones actives à puits quantiques constituant des zones de gain. Pour les applications en gyrométrie, l'utilisation d'une structure verticale est intéressante, dans la mesure où les zones de gain peuvent avoir un diamètre d'une centaine de microns, proche des dimensions du faisceau optique circulant dans la cavité, permettant également une propagation de l'onde non guidée. Toutefois, l'utilisation d'un tel dispositif en transmission est exclue. En effet, les zones actives à puits quantiques de la structure verticale doivent avoir un pas égal à celui du réseau formé par les interférences des deux ondes contre- propagatives présentes dans la structure de façon à optimiser le gain. Lorsque le gyrolaser est mis en rotation, le réseau optique n'est pas libre de se déplacer car ses maxima encore appelés ventres doivent rester au niveau des zones de gain. Dans ce cas, on obtient un «verrouillage en fréquence par le gain» qui rend de fait le dispositif inutilisable en tant que gyrolaser.
Les configurations selon l'invention sont particulièrement favorables au fonctionnement d'un gyrolaser à état solide cristallin et rendent possible le fonctionnement d'un gyrolaser à milieu amplificateur semiconducteur à structure verticale de type VECSEL utilisé en transmission.
Plus précisément, l'invention a pour objet un gyrolaser comportant au moins une cavité optique en anneau et un milieu amplificateur à l'état solide agencés de façon qu'une première et une seconde onde optique puissent se propager en sens opposés à l'intérieur de la cavité, caractérisé en ce que la cavité comporte :
• des premiers moyens optiques permettant d'imposer un premier état de polarisation linéaire commun aux deux ondes optiques contre-propagatives à l'extérieur de la zone contenant le milieu amplificateur ; • des seconds moyens optiques permettant d'imposer, à l'intérieur de la zone contenant le milieu amplificateur, un second état de polarisation linéaire à la première onde optique et un troisième état de polarisation linéaire à la seconde onde optique, le troisième état de polarisation état perpendiculaire au second état de polarisation.
Avantageusement, les seconds moyens comportent deux rotateurs de Faraday, le premier disposé à l'entrée de la zone contenant le milieu amplificateur et le second à la sortie de la zone contenant le milieu amplificateur, le premier assurant une rotation d'un état de polarisation de 45 degrés dans un premier sens, le second assurant une rotation d'un état de polarisation de 45 degrés dans le sens opposé.
Avantageusement, le gyrolaser comporte des moyens permettant d'inverser périodiquement les signes des angles de rotation des rotateurs de Faraday. Avantageusement, les premiers moyens optiques comportent au moins un polariseur linéaire. Les premiers moyens peuvent comporter également des moyens optiques permettant d'introduire un déphasage optique non réciproque entre les deux ondes optiques contre-propagatives. La cavité peut comporter des moyens de mesure de la température et des
moyens permettant de changer la valeur du déphasage en fonction de la mesure de ladite température.
Lorsque nécessaire, les premiers moyens optiques comportent un dispositif de stabilisation des intensités en régime de battement, comme décrits, par exemple, dans les demandes de brevet FR 03 03645 ou FR 03 14598.
Lorsque nécessaire, des dispositifs optiques à effet réciproque, comme des lames d'ondes ou des rotateurs peuvent être insérés dans la cavité pour minimiser ou supprimer les effets des déphasages non désirés pouvant être induits par les miroirs de la cavité laser comme, lorsque les plans de polarisation du laser ne coïncident pas avec les plans s et p des miroirs.
Le milieu amplificateur peut être un milieu cristallin, par exemple de type Nd. YAG ou un milieu semi-conducteur à structure verticale de type VECSEL.
L'invention concerne également un système de mesure angulaire ou de mesure de vitesse angulaire comportant au moins un gyrolaser comme décrit ci-dessus. Avantageusement, le système comporte trois gyrolasers dont les cavités sont orientées de façon à réaliser des mesures dans trois directions indépendantes.
L'invention sera mieux comprise et d'autres avantages apparaîtront à la lecture de la description qui va suivre donnée à titre non limitatif et grâce aux figures annexées parmi lesquelles :
• la figure 1 représente un schéma d'un gyrolaser selon l'invention ;
• la figure 2 représente le principe d'un rotateur optique à effet Faraday ; • la figure 3 représente les états de polarisation dans la zone contenant le milieu amplificateur.
La figure 1 représente un schéma d'un gyrolaser selon l'invention. Il comprend essentiellement :
• une cavité optique 1 en anneau composée de miroirs 5 et d'une lame partiellement transparente 6;
• un milieu amplificateur 2 à l'état solide, la cavité optique et le milieu amplificateur étant agencés de façon qu'une première et une seconde onde optique puissent se propager en sens contraire à l'intérieur de la cavité ;
• des premiers moyens optiques 4 permettant d'imposer un premier état de polarisation linéaire commun aux deux ondes optiques contre-propagatives à l'extérieur de la zone contenant le milieu amplificateur 2 ;
• des seconds moyens optiques 30 et 31 permettant d'imposer, dans la zone contenant le milieu amplificateur et délimitée par lesdits éléments 30 et 31 , un second état de polarisation linéaire à la première onde optique et un troisième état de polarisation linéaire à la seconde onde optique ; le troisième état de polarisation étant perpendiculaire au second état de polarisation ;
• Un ensemble de traitement et d'analyse 7 des deux ondes contre-propagatives permettant la mesure inertielle.
A titre d'exemple, les seconds moyens 30 et 31 sont des rotateurs optiques à effet Faraday non réciproque.
Une rotation optique de la polarisation d'une onde est dite non réciproque lorsque les effets de rotation de la polarisation se cumulent après un aller-retour de ladite onde dans un composant optique présentant cet effet. Le composant optique est appelé rotateur optique à effet non réciproque. Les matériaux à effet Faraday présentent cette particularité. Ce sont des matériaux qui, lorsqu'ils sont soumis à un champ magnétique, font tourner le plan de polarisation des faisceaux qui les traversent. Cet effet n'est pas réciproque. Ainsi, le même faisceau venant en sens inverse subira une rotation de son plan de polarisation dans le même sens. Ce principe est illustré en figure 2. La direction de polarisation du faisceau polarisé linéairement 101 subit une rotation d'un angle β lorsqu'elle traverse le composant 30 à effet Faraday dans le sens direct (schéma supérieur de la figure 2). Si l'on réinjecte dans le composant à effet Faraday un faisceau
identique 102 se propageant dans le sens opposé et dont la direction de polarisation est initialement tournée de β, sa direction de polarisation tourne à nouveau de l'angle β en traversant le composant, l'angle de rotation total faisant alors 2β après un aller-retour (schéma inférieur de la figure 2).
Comme indiqué sur la figure 3, le premier rotateur 30 est disposé à l'entrée du milieu amplificateur 2 et le second 31 à la sortie du milieu amplificateur, le premier rotateur assurant une rotation d'un état de polarisation de 45 degrés dans un premier sens, le second assurant une rotation d'un état de polarisation de 45 degrés dans le sens opposé. Pour obtenir cette inversion de rotation, il suffit par exemple que les rotateurs soient de longueurs égales et que les champs magnétiques qui les traversent soient de modules égaux et de sens opposés. On peut obtenir cet effet en utilisant, par exemple, des aimants permanents dont les pôles sont disposés en sens opposés ou utiliser des bobines d'induction traversées par des courants de signe opposé.
Lorsque des bobines d'induction traversées par des courants sont utilisées, on peut avantageusement inverser périodiquement dans le temps le sens des courants, afin de moyenner à zéro certains effets non réciproques.
L'état de polarisation linéaire d'une onde 101 traversant le premier rotateur 30 subit une rotation de 45 degrés dans un premier sens et traverse le milieu amplificateur 2 avec cette inclinaison. L'état de polarisation de cette onde est redressé par le second rotateur 31 et retrouve sa direction de polarisation initiale. A l'inverse, l'état de polarisation linéaire d'une onde 102 venant dans le sens opposé et traversant le second rotateur 31 subit une rotation de 45 degrés dans le sens opposé et traverse le milieu amplificateur avec cette inclinaison. Par conséquent, les deux états de polarisation des deux ondes sont perpendiculaires à l'intérieur du milieu amplificateur 2. L'état de polarisation de cette deuxième onde est redressé par le premier rotateur 30 et retrouve sa direction de polarisation initiale.
Les deux états de polarisation étant perpendiculaires, ils ne sauraient interférer. On supprime ainsi tous les inconvénients liés à ces interférences comme la création de réseaux d'inversion de population pour l'état solide cristallin et le verrouillage par le gain pour le VECSEL. La
rétrodiffusion induite par le milieu amplificateur est également grandement atténuée par ce dispositif, réduisant de fait la taille de la zone aveugle.
Bien entendu, pour que le dispositif fonctionne correctement, il est important qu'à l'entrée et à la sortie de l'ensemble constitué par les deux rotateurs et le milieu amplificateur, l'état de polarisation des deux ondes contre-propagatives soit linéaire et commun aux deux ondes. A cet effet, la cavité du gyrolaser comporte des premiers moyens optiques 4 permettant d'imposer un tel état. Ces premiers moyens peuvent être un simple polariseur linéaire.
Ces moyens peuvent également assurer d'autres fonctions utiles au fonctionnement du gyrolaser. A titre d'exemple non limitatif, on citera l'introduction d'un déphasage non réciproque permettant d'éliminer ou de réduire les effets de la zone aveugle, ce déphasage étant réalisé au moyen d'un rotateur Faraday entouré de deux polariseurs.
Selon les configurations, des déphasages conduisant à des modifications non souhaitées des états de polarisation du laser peuvent survenir lors des réflexions sur les miroirs de la cavité laser. Cela est par exemple le cas lorsque les polarisations incidentes ne se trouvent pas dans les plans dits S et P des miroirs, S et P signifiant « Senkrecht ». et « Parallel ». Des dispositifs optiques à effet réciproque peuvent dans ce cas être utilisés pour corriger les états de polarisation. A titre d'exemple non limitatif, lorsque l'état de polarisation commun aux deux sens de rotation dans la zone ne contenant pas le milieu à gain est linéaire et dans le plan S des miroirs, l'insertion de deux lames demi-onde dont l'axe est à 22,5° de la direction de l'état de polarisation linéaire permet d'obtenir, dans la zone contenant le milieu à gain, des polarisations croisées se trouvant dans les plans S et P des miroirs, et non à 45° de ces plans comme ce serait le cas sans l'utilisation de ces lames demi-onde. Cela évite des modifications de l'état de polarisation non désirées, et permet en particulier sur cet exemple de placer les deux rotateurs non réciproques sur deux bras différents de la cavité laser.
Pour vérifier que, dans la configuration de l'invention, les états de polarisation propres de la cavité laser se propageant dans des sens opposés
sont orthogonaux au niveau du milieu amplificateur, on utilise le formalisme des matrices de Jones. Celui-ci consiste à représenter l'influence d'un composant sur l'état de polarisation par une matrice 2x2 référencée dans un plan perpendiculaire à la direction de propagation des modes optiques. En général, les axes du repère choisi correspondent aux axes principaux d'un polariseur intra-cavité, ce qui facilite la représentation mathématique. Pour connaître l'influence résultante de l'ensemble des composants intra-cavité, il suffit alors de déterminer les états propres du produit des différentes matrices représentatives de ces composants. Ce produit n'est pas obligatoirement le même dans les deux sens de propagation. On notera CW un premier sens de propagation des modes et CCW le sens opposé de propagation.
Dans le cas présent, on choisit la base composée du vecteur propre imposé par les premiers moyens optiques et d'un vecteur qui lui est orthogonal. Dans cette base, la matrice des premiers moyens s'écrit :
1™ 0
Ecw = dans un sens de propagation et
Eccw = ( ( w dans le sens opposé de propagation.
Les matrices correspondant aux rotateurs Faraday sont indépendantes du sens de parcours et s'écrivent :
Par conséquent, la matrice de Jones Mcw de l'ensemble des éléments présents dans la cavité s'écrit dans un premier sens de propagation CW :
qui admet pour vecteur propre dans le milieu amplificateur :
D --ans - le sens opposé CCW, la matrice de Jones Mccw de l'ensemble des éléments présents dans la cavité s'écrit :
M
cnv = J]
qui admet pour vecteur propre dans le milieu amplificateur :
r CCW ~
Les vecteurs Vcw et Vccw sont donc orthogonaux, ce qui est bien l'effet recherché.
Comme il a été dit, cette disposition permet de supprimer les interférences entre les ondes contre-propagatives dans le milieu amplificateur. Les avantages sont nombreux :
• Si le milieu amplificateur est un solide cristallin de type Nd. YAG, les réseaux d'inversion de population induits par émission stimulée dans le milieu amplificateur ne peuvent plus se former, supprimant une des causes de l'instabilité de l'émission bidirectionnelle et les décalages en fréquence induits par les dits réseaux lorsque le gyrolaser tourne ;
• La rétrodiffusion dans le milieu à gain est très fortement diminuée ;
• Pour certains milieux amplificateurs, la compétition entre les ondes contre-propagatives est également diminuée. Avantageusement, celle-ci peut même être réduite à zéro dans certains cas, comme par exemple avec du Nd.YAG taillé selon l'axe cristallographique (1 ,1 ,0). Bien entendu, si cette diminution s'avère insuffisante pour éliminer la compétition entre les deux ondes contre-propagatives, il est toujours possible d'introduire dans la cavité un dispositif de stabilisation destiné à garantir l'émission bidirectionnelle ;
• Lorsqu'un dispositif déphasant est présent dans la cavité pour compenser les effets de la zone aveugle, l'angle de déphasage introduit par ce dispositif peut être corrigé d'une valeur dépendant de la température de la cavité au moyen d'un dispositif d'asservissement couplé à un capteur de température. On peut ainsi compenser par exemple les effets de déphasage entre les deux modes induits par biréfringence dans le milieu à gain.
• II devient possible, grâce à l'invention, d'utiliser en tant que gyrolaser un milieu amplificateur semi-conducteur à structure verticale de type VECSEL fonctionnant en transmission.