PROCEDE POUR DECIDER DE LA VALEUR D'UN SIGNAL REÇU ET
RECEPTEUR ASSOCIE
La présente invention concerne la décision de la valeur d'un signal reçu. Certains canaux de transmission ou de communication sont altérés par des distorsions variant dans le temps. C'est le cas par exemple des fibres optiques et des canaux radio. Afin de limiter ces altérations, il est connu d'effectuer une égalisation adaptative des signaux reçus sur de tels canaux. Cette égalisation consiste par exemple à filtrer les signaux reçus à l'aide d'un filtre transversal. Ainsi, l'égaliseur linéaire transverse ("Feedforward Equalizer" ou FFE) et l'égaliseur récursif à décision dans la boucle ("Décision Feedback Equalizer" ou DFE) sont des exemples classiques pour mettre en œuvre l'égalisation.
L'égalisation consiste généralement à sommer plusieurs exemplaires d'un signal reçu, décalés dans le temps et pondérés par des coefficients respectifs. La redondance d'information comprise dans une telle somme permet ainsi de réduire l'interférence inter-symboles (ISI).
En outre, il est connu de mettre à jour les coefficients de pondération à l'aide d'un algorithme des moindres carrés moyens ("Least Mean Square" ou LMS). L'algorithme LMS vise à limiter les mauvaises décisions en minimisant l'erreur quadratique moyenne basée sur la différence entre le signal égalisé et la valeur décidée pour le signal reçu considéré. Un tel algorithme offre de très bonnes performances lorsque les canaux de transmission utilisés présentent un bruit additif blanc gaussien ("Additive White Gaussian Noise" ou AWGN). Il réalise en effet un bon compromis entre l'augmentation du bruit résultant de la sommation des différents exemplaires du signal reçu décalés dans le temps et la réduction de I1ISI.
Les canaux de transmission sont généralement dégradés par un bruit additif, typiquement le bruit thermique. Il existe cependant des canaux où le bruit dominant n'est pas de nature additive mais multiplicative.
De tels canaux sont notamment les canaux de type optique, où le bruit
d'émission spontané ("Amplified Spontaneous Emission" ou ASE) constitue la source principale du bruit. Même si ce bruit ASE peut être assimilé à un bruit additif, la détection du signal reçu, mettant en œuvre une conversion optoélectronique, provoque un battement ("beating") du bruit ASE avec lui-même et avec le signai. Le battement ASE-ASE peut être approximé par un bruit additif. En revanche, le battement ASE-signal constitue un bruit dépendant du signal, non assimilable à un bruit additif. Dans le cas optique, le bruit total n'est donc pas un bruit additif, mais un bruit comprenant une partie additive et une partie multiplicative (c'est-à-dire du bruit multiplié au signal reçu). Pour la partie multiplicative, la variance du bruit est proportionnelle à la puissance du signal reçu.
Pour de tels canaux de transmission présentant un bruit dépendant du signal et donc non assimilable à un bruit additif, l'algorithme LMS n'est plus optimal. C'est également le cas pour les canaux qui présentent de la diaphonie ("cohérent crosstalk"). En effet, l'égalisation adaptée par ie LMS ne permet pas de préserver l'asymétrie du bruit sur les canaux de transmission, en présence de bruit multiplicatif notamment. L'asymétrie du bruit est donc réduite par l'égaliseur selon le critère LMS, ce qui conduit à une dégradation de la performance de l'égalisation. Pour surmonter ce problème, il a été proposé de remplacer le LMS par des algorithmes basés sur un tramage ("dithering"). Ces algorithmes utilisent des paramètres de contre-réaction liés aux performances, tels qu'une ouverture d'œil, un facteur de qualité, une estimation de taux d'erreur binaire, etc. Toutefois, ces solutions se sont révélées très lentes par rapport au LMS. II a été également proposé d'utiliser des algorithmes de type LMS mais d'ordre supérieur à 2. Cette solution a été décrite dans l'article "Adaptive Electronic Equalization Using Higher-Order Statistics for PMD compensation in Long-Haul Fiber-Optic Systems" de Ut-Va Koc, Kun-Yii Tu ry Noriaki Kaneda (Proc. ECOC 2002). Cependant, ces algorithmes permettent de ne préserver l'asymétrie du bruit que partiellement et ils ne peuvent pas s'adapter selon la répartition entre le bruit additif et le bruit multiplicatif.
Un but de la présente invention est de pallier les inconvénients
susmentionnés.
Un but plus particulier de l'invention est d'obtenir des performances meilleures qu'avec l'algorithme LMS pour les canaux présentant un bruit dépendant du signal, vu d'un récepteur assurant la détection d'un signal transmis sur de tels canaux.
L'invention propose ainsi un procédé pour décider de la valeur d'un signal reçu, comprenant les étapes suivantes :
- recevoir un signal depuis un canal de transmission ;
- égaliser le signal reçu en sommant plusieurs exemplaires du signal décalés dans le temps et pondérés par des coefficients respectifs ;
- décider de la valeur du signal reçu à partir du signal égalisé ;
- déterminer un signal d'erreur dépendant d'une différence entre le signal égalisé et la valeur décidée ; et
- mettre à jour lesdits coefficients en fonction du signal d'erreur déterminé. Selon l'invention, le signal d'erreur comprend une pondération de la différence entre le signal égalisé et la valeur décidée par l'une au moins parmi une fonction du signal égalisé et une fonction de la valeur décidée.
Cette prise en compte d'une fonction de pondération de la différence entre le signal égalisé et la valeur décidée dans le signal d'erreur permet d'améliorer le contrôle de i'augmentation du bruit, en réalisant simultanément un contrôle de l'asymétrie du bruit.
L'invention permet en outre de privilégier l'égalisation d'un niveau plutôt que l'autre.
De façon avantageuse, la fonction du signal égalisé, respectivement de Ia valeur décidée, comprend une différence entre un niveau de référence et le signal égalisé, respectivement la valeur décidée.
Le niveau de référence peut être choisi en fonction d'une distribution du bruit affectant le canal de transmission.
Avantageusement, lorsqu'on dispose d'un taux d'erreur binaire en sortie du canal de transmission, on détermine un rapport entre une partie
additive et une partie multiplicative du bruit affectant le canal de transmission à partir du taux d'erreur binaire et du niveau de référence. Cela permet de caractériser la nature du bruit affectant le canal de transmission et donc d'identifier la source principale qui le génère. L'invention est avantageusement utilisée lorsque le canal de transmission est un canal optique, ou plus généralement un canal tel que le bruit qui affecte ce canal dépend du signal. C'est le cas par exemple lorsque le bruit comprend une partie additive et une partie multiplicative.
. L'invention propose en outre un récepteur agencé pour décider de la valeur d'un signal reçu. Le récepteur en question comprend des moyens pour mettre en œuvre le procédé mentionné ci-dessus.
L'invention propose également un produit programme d'ordinateur comprenant des instructions adaptées à la mise en œuvre du procédé mentionné ci-dessus, lorsque ledit programme est chargé et exécuté par des moyens informatiques d'un récepteur.
D'autres particularités et avantages de la présente invention apparaîtront dans la description ci-après d'exemples de réalisation non limitatifs, en référence aux dessins annexés, dans lesquels :
- la figure 1 est un schéma montrant une architecture fonctionnelle d'un récepteur apte à mettre en œuvre l'invention ;
- la figure 2a est un exemple de distribution de bruit additif blanc gaussien ;
- la figure 2b est un exemple de distribution de bruit affectant un canal de transmission de type optique ;
- les figures 3a, 3b et 3c montrent chacun un exemple de calcul d'un signal d'erreur conforme à l'invention.
La figure 1 montre un signal x(t) reçu au niveau d'un récepteur 5. Ce signal x(t) est par exemple reçu d'un canal de transmission optique. Le signal x(t) est ensuite égalisé de façon connue en soi à l'aide d'un égaliseur 6. A cet effet, le signal x(t) subit un nombre entier n de retards T successifs, de façon à ce qu'on dispose de n+1 exemplaires du signal x(t) décalés dans le temps. Ces différents exemplaires sont ensuite pondérés par des coefficients Co, c-t,..., Cn respectifs, puis additionnés dans un module de sommation 2. L'opération
d'égalisation tire profit de la redondance d'information existante entre les différents exemplaires du signal x(t) décalés dans le temps, de sorte qu'on dispose alors d'un signal égalisé y(t) dont l'interférence inter-symboles ISI est réduite. Par la suite, le signal égalisé y(t) est introduit dans un module de décision 4, qui consiste par exemple en une porte de décision comparant la valeur du signal y(t) à un seuil de décision Uth- Cette opération résulte en un signal de décision d(t). Les signaux considérés étant généralement numériques, le signal de décision d(t) consiste avantageusement en une séquence d'éléments binaires.
On notera que les signaux mentionnés ci-dessus sont généralement échantillonnés si bien qu'on considère les échantillons séparément par la suite. On note alors y un échantillon donné obtenu à partir du signal égalisé y(t) et d un échantillon correspondant du signal de décision Un module 3 calcule un signal d'erreur e. Ce signal d'erreur vise à estimer les différences entre le signal égalisé y et le signal réellement transmis et qui aurait été reçu tel quel au récepteur 5 en l'absence de bruit et de distorsions sur le canal de transmission. Le signal transmis étant généralement inconnu du récepteur 5, le signal d'erreur est déterminé à partir du signal égalisé y d'une part et du signal de décision d d'autre part. Une telle approximation est considérée comme fiable tant que le taux d'erreur binaire est faible. Le signal d'erreur e est par ailleurs utilisé pour mettre à jour les coefficients Co, ci,..., Cn de l'égaliseur 6.
On notera que l'algorithme LMS utilise ce mode de fonctionnement. Dans le cas du LMS, le signal d'erreur est calculé comme une différence entre le signal égalisé et le signal de décision, soit y-d.
Selon Ia présente invention, le module 3 met en œuvre un calcul différent de l'algorithme LMS qui permet de préserver une asymétrie éventuelle dans le bruit affectant le canal de transmission depuis lequel le signal x(t) est reçu. Ce calcul pondère la différence entre le signal égalisé et le signal de décision par une fonction du signal égalisé y et/ou une fonction du signal de décision d.
Les figures 3a, 3b et 3c donnent trois exemples de calcul mis en œuvre par le module 3 de la figure 1 dans le cadre de la présente invention. Dans l'exemple de la figure 3a, la différence y-d est pondérée par une fonction fi de y. A titre d'exemple, la fonction f| peut comprendre la différence entre un seuil de référence Refi et y. Dans ce cas, on obtient donc e=(Refry).(y-d).
Un tel mode de calcul est particulièrement avantageux lorsque le bruit affectant le canal de transmission depuis lequel x(t) est reçu est asymétrique et dépend du signal lui-même. Une distribution d'un tel bruit est illustrée sur la figure 2b. Dans cet exemple, le canal de transmission est un canal optique affecté par un bruit pouvant être décomposé en une partie additive et une partie multiplicative, après détection. Le signal transmis est binaire si bien qu'il prend uniquement les valeurs '0' ou '1'. Les valeurs de signal reçu sont donc comprises entre 0 et 1 (on a en fait un diagramme d'œil à 4 états 0, α, 1-α et 1 , où α représente le niveau d'ISI pour le canal considéré). On constate, dans cet exemple, que le bruit est particulièrement fort autour de la valeur binaire 1 et de la valeur 1-α. Le bruit est plus faible autour des valeurs 0 et α.
Les variances σ-i2, σ-i-α 2, σα 2, σo2 du bruit pour chaque état de signal ont été indiquées sur la figure 2b, où T0 représente la contribution au bruit de nature additive et Ti représente la contribution au bruit de nature multiplicative. II ressort ainsi clairement de cet exemple que le bruit total est asymétrique, c'est-à-dire qu'il affecte davantage les valeurs binaires '1' que les valeurs binaires '0' transmises sur le canal optique. Par comparaison, la figure 2a illustre une distribution du bruit dans le cas d'un canal de transmission à bruit additif. Celle-ci montre une symétrie parfaite du bruit (qui est AWGN dans ce cas), ce qui se traduit par une égalité des variances du bruit pour les quatre états à la valeur IV, où rth représente un bruit thermique.
On comprend ainsi que, dans le cas illustré sur la figure 2b qui représente la distribution avant égalisation, une décision consistant en une comparaison entre un seuil intermédiaire et la valeur de signal détectée favoriserait les mauvaises décisions. A l'inverse, si le seuil de décision est choisi pour être plus proche de la valeur 0 que de la valeur 1 , on augmente ainsi les chances de bonnes décisions lorsqu'un '0' est transmis. Ceci est du au
fait que les 1O1 (contrairement aux '1') sont peu impactés par le bruit. On a donc intérêt à conserver l'asymétrie du bruit pour améliorer la prise de décision.
Le calcul de signal d'erreur réalisé par le module 6 du récepteur 5 et illustré sur la figure 3a permet de mieux préserver l'asymétrie du bruit. En effet, le fait de calculer le signal d'erreur tel que e=(Refry).(y-d) permet d'atténuer l'importance des erreurs de décision liées au fort niveau de bruit impactant les
'1 '. La mise à jour des coefficients de pondération de l'égaliseur sur cette base permet ainsi de préserver l'asymétrie du bruit, notamment en limitant le bruit ajouté lors de l'égalisation des 1O'. Cela conduit donc à des performances meilleures que dans le cas où l'algorithme LMS est utilisé.
Le seuil de référence Refi est avantageusement choisi en fonction de la puissance maximale en réception et du rapport entre le bruit multiplicatif et le bruit additif sur le canal de transmission considéré. Il peut également dépendre de caractéristiques du canal qui déterminent la quantité de bruit continu par rapport au bruit dépendant du signal. De façon avantageuse, la valeur du seuil est acquise par apprentissage lors de la mise en place du canal. La valeur du seuil peut en outre être modifiée au cours du temps.
Lorsqu'une estimation de taux d'erreur binaire (BER) est disponible au niveau du récepteur 5, on peut en outre déduire des valeurs de BER et de Refi un rapport entre les bruits additif et multiplicatif. Cela permet de savoir quelle source de bruit est prépondérante sur le canal considéré.
La figure 3b montre un second exemple de calcul du signal d'erreur mis en œuvre par le module 3 de la figure 1. Dans cet exemple, la différence y-d est pondérée par une fonction f2 dépendant du signal de décision d et éventuellement d'un seuil de référence Ref2. Sous forme mathématique, on peut par exemple écrire : e=f2(d,Ref2).(y-d).
Dans un exemple de réalisation où f2(d,Ref2)=Ref2-d et où les signaux considérés sont normalisés, de façon à ce que la puissance maximale en réception soit égale à 1 , on peut alors choisir Ref2 égal à 1. Cela revient alors à ne pas tenir compte de l'égalisation des '1 ' et à ne réduire I1ISI, tout en contrôlant le niveau de bruit, que pour les '0' transmis (puisque dans ce cas, on a : e=(1-d).(y-d), soit e=0 si d=1 et e=y si d=0). Il s'agit cependant ici d'un
exemple théorique. De préférence, une valeur de Ref2 proche de 1 ,5 peut être utilisée dans ce cas, pour prendre en compte les deux types de bruit, additif et multiplicatif.
Un troisième exemple est donné par la figure 3c. Dans ce cas, une fonction f3 et une fonction U sont respectivement appliquées aux signaux y et d, avant de pondérer la différence y-d. Des seuils de référence Ref3 et Ref4 respectifs peuvent également être utilisés, de sorte que e=f3(y>Ref3).f4(d,Ref4).(y-d).
Les remarques qui précèdent concernant Refi peuvent bien sûr s'appliquer aux seuils de référence Ref2, Ref3 et Ref4.
On notera que l'invention peut être mise en œuvre par un récepteur tel que le récepteur 5 de la figure 1. Elle peut par ailleurs être mise en œuvre à l'aide d'un programme d'ordinateur comprenant des instructions adaptées à cet effet. Dans ce dernier cas, le programme est alors chargé et exécuté par des moyens informatiques par exemple du récepteur 5 lui-même.