FILTRE OPTIQUE AUTO-ACCORDABLE L'invention porte sur un filtre optique auto-accordable, en particulier pour le filtrage passe-bande de la lumière, en particulier laser. L'invention porte également sur l'utilisation d'un tel filtre pour sélectionner un pic spectral principal d'un faisceau laser, sur une source et un système laser comprenant un tel filtre, ainsi que sur un procédé de filtrage d'un faisceau lumineux. Les lasers sont connus pour la grande pureté spectrale de la lumière qu'ils peuvent émettre, au moins dans certains modes de fonctionnement. Cette propriété est exploitée notamment en spectroscopie. Cependant, un grand nombre de lasers présentent un piédestal en fréquence qui entoure le pic d'émission principal, provoqué notamment par l'effet connu sous le nom d'émission spontanée amplifiée (ASE, de l'anglais Amplified Spontaneous Emission ). Cet effet est particulièrement prononcé dans le cas des lasers à semi-conducteur. D'autres sources laser présentent des pics secondaires correspondant à des modes longitudinaux autres que le mode principal. Dans certaines applications telles que la spectroscopie de haute précision pour la détection d'espèces chimiques présentes à l'état de traces dans des mélanges, même la présence d'un piédestal ou de pics secondaires très faibles, présentant une intensité spectrale inférieure de 2 ù 4 ordres de grandeur à celle du pic principal, peut s'avérer gênante. Il est connu de sélectionner le pic principal du spectre d'un faisceau laser et atténuer le piédestal ou les pics secondaires en utilisant un élément filtrant de type passe-bande, tel qu'un étalon Fabry-Pérot. Cependant, lorsqu'il est nécessaire de pouvoir varier la longueur d'onde d'émission du laser, une telle solution implique un asservissement très précis dudit élément filtrant. Cela représente une complexité additionnelle et augmente le coût du système laser.
L'invention vise à résoudre ce problème en procurant un filtre auto-accordable, permettant notamment de sélectionner le pic principal du spectre d'un faisceau lumineux (non nécessairement issu d'un laser) et en atténuer le piédestal ou les pics secondaires de manière automatique.
Conformément à l'invention ce but est atteint par l'utilisation conjointe d'au moins un élément dispersif pour séparer spatialement les différentes composantes spectrales du faisceau lumineux à filtrer, et d'un élément non-linéaire introduisant une atténuation sélective desdites composantes spectrales, d'autant plus faible que leur intensité spectrale est élevée. Ainsi, les composantes spectrales faibles (piédestal, pics secondaires) sont atténuées beaucoup plus que les composantes spectrales fortes , appartenant au pic principal du spectre. La différence d'atténuation est déterminée par l'intensité spectrale relative des composantes spectrales : ainsi, le filtre s'adapte automatiquement et presque instantanément (l'élément non-linéaire présente nécessairement un temps de réponse fini) aux variations du spectre. Un objet de l'invention est donc un filtre optique auto-accordable comportant au moins un élément dispersif pour séparer spatialement et ensuite recombiner les différentes composantes spectrales d'un faisceau lumineux, ainsi qu'un élément filtrant disposé sur le trajet du faisceau lumineux dispersé pour en réaliser un filtrage passe-bande, caractérisé en ce que ledit élément filtrant est un élément non linéaire introduisant une atténuation sélective desdites composantes spectrales, d'autant plus faible que leur intensité spectrale est élevée. - Le filtre peut comporter un miroir pour rediriger le faisceau lumineux dispersé et filtré sur l'élément dispersif ayant réalisé la séparation spatiale de ces différentes composantes spectrales, de manière à ce que le même élément dispersif réalise la recombinaison de ces composantes spectrales après filtrage. - En variante, le filtre peut comporter un premier élément dispersif pour séparer spatialement les différentes composantes spectrales d'un faisceau lumineux en entrée, et un deuxième élément dispersif distinct dudit premier élément pour recombiner lesdites composantes spectrales après filtrage. - Ledit élément filtrant non linéaire peut être un absorbant saturable, en particulier choisi entre un verre contenant un colorant saturable et un semi-conducteur. - Ledit ou chaque élément dispersif peut être choisi entre un prisme, un réseau de diffraction, un cristal optique et un modulateur acoustooptique. Un autre objet de l'invention est une source laser comportant un milieu amplificateur disposé à l'intérieur d'un résonateur optique, ainsi qu'un filtre optique auto-accordable tel que décrit ci-dessus, également disposé à l'intérieur dudit résonateur. Ledit milieu amplificateur peut être, en particulier, un semiconducteur. Encore un autre objet de l'invention est un système laser comportant une source laser pour générer un faisceau lumineux et un filtre optique auto-accordable tel que décrit ci-dessus disposé sur le trajet dudit faisceau lumineux. Ladite source laser peut être, en particulier, une source laser à semi-conducteur. Encore un autre objet de l'invention est l'utilisation d'un filtre optique auto-accordable tel que décrit ci-dessus pour sélectionner un pic spectral principal d'un faisceau laser. Encore un autre objet de l'invention est un procédé de filtrage d'un faisceau lumineux comportant les étapes consistant à : - séparer spatialement les composantes spectrale dudit faisceau lumineux ; - diriger les composantes spectrales ainsi séparées sur un élément filtrant comportant un élément non linéaire introduisant une atténuation sélective desdites composantes spectrales en fonction de leur intensité spectrale ; et - recombiner les composantes spectrales ainsi filtrée dans un faisceau lumineux de sortie. D'autres caractéristiques, détails et avantages de l'invention ressortiront à la lecture de la description faite en référence aux dessins annexés donnés à titre d'exemple et qui représentent, respectivement : - la figure 1, le spectre d'émission d'un laser à semiconducteur à rétroaction distribuée, présentant un pic d'émission principal et un piédestal ; 30 - la figure 2, le schéma d'un filtre et d'un système laser selon un premier mode de réalisation de l'invention ; - la figure 3, le schéma d'un filtre et d'un système laser selon un deuxième mode de réalisation de l'invention ; et - la figure 4, le schéma d'une source laser selon un troisième mode de réalisation de l'invention. La figure 1 montre un diagramme semi-logarithmique du spectre d'émission d'un laser à semiconducteur monomode de type à rétroaction distribuée (DL 100 DFB, TOPTICA Photonics) fonctionnant à une température de 16,6°C. Sur le diagramme, l'axe des abscisses représente la longueur d'onde en nanomètres à l'échelle linéaire, tandis que l'axe des ordonnées représente l'intensité spectrale normalisée lx exprimée en décibels (échelle logarithmique). On peut constater que le pic principal 100 présente une largeur à mi-hauteur inférieure à 1 nm, mais qu'il s'accompagne d'un piédestal 200 très large. Bien que le piédestal 200 présente une intensité spectrale inférieure à - 40 dB (l'intensité spectrale du pic étant par définition de 0 dB), son intensité globale, intégrée sur la bande 770 û 790 nm n'est pas négligeable et peut constituer un sérieux inconvénient dans des nombreuses applications scientifiques, telles que les expériences sur les atomes froids. La longueur d'onde d'émission de ce laser peut être accordée dans une plage spectrale d'environ 2 nm û c'est à dire plus que la largeur du pic principal 100 û en réglant sa température entre 0 °C et 30°C. Si un étalon de Fabry-Pérot était utilisé pour sélectionner le pic principal 100 de ce laser tout en voulant conserver ses propriétés d'accordabilité, il serait nécessaire de prévoir un mécanisme d'asservissement modifiant l'inclinaison de l'étalon pour décaler sa bande passante en fonction de la longueur d'onde d'émission. Un tel asservissement serait complexe et couteux à mettre en place. Comme mentionné plus haut, l'invention permet d'éviter les inconvénients précités de l'art antérieur en proposant un filtre auto-accordable qui exploite les propriétés non-linéaires d'atténuation de certains éléments optiques, tels que les absorbants non linéaire et en particulier les absorbants saturables.
Un absorbant non linéaire est un corps qui présente une absorbance qui dépend de l'intensité lumineuse. L'absorbance A est définie comme le logarithme du rapport entre la lumière incidente lin et la lumière transmise ou réfléchie, I : 1 I A =1og(Iin = -log(
\lin En général, l'absorbance est une fonction de la longueur d'onde, mais cela sera négligé ici. Pour la mise en oeuvre de l'invention il est préférable d'utiliser des absorbants dont l'absorbance varie peu sur la plage spectrale d'utilisation. En particulier, la mise en oeuvre de l'invention nécessite un absorbant dont l'absorbance A diminue avec l'intensité incidente. Les absorbants saturables, tels que les colorants, présentent une telle propriété. Typiquement, l'absorbance A d'un absorbant saturable est donnée par : A= a 1+I/Io où a est l'absorbance linéaire et lo l'intensité de saturation. Les équations (1) et (2) montent que le rapport Min (atténuation) vaut 10_a lorsque l'intensité incidente est très faible et augmente exponentiellement pour lin l0. Bien que tout matériau absorbant présente des effets d'absorption non linéaires en présence d'intensités lumineuses élevées, on appelle absorbants non linéaires seulement les corps pour lesquels les effets non linéaires deviennent importants à un niveau d'intensité bien inférieur au seuil d'endommagement optique ID. Dans le cas d'un absorbant saturable 25 on a de préférence Io<ID/10. Des bons absorbants non-linéaires sont constitués par les colorants organiques, les verres colorés (en particulier ceux produits par la société Noya) et les semi-conducteurs. Une atténuation non linéaire de la lumière, exploitable par la 30 présente invention, peut également être obtenue grâce à des éléments qui, à proprement parler, n'absorbent pas le rayonnement. Il peut s'agir par exemple (1) 15 20 (2) de cristaux non-linéaires de génération de seconde harmonique (introduisant une atténuation par conversion de longueur d'onde qui augmente avec l'intensité spectrale), ou de miroirs semi-conducteurs saturables (SESAM : SEmiconductor SAturable Mirrors).
L'autre principe physique à la base de l'invention est celui de la dispersion spatiale de la lumière, c'est à dire de la séparation spatiale des différentes composantes spectrales d'un faisceau lumineux par un élément dispersif. Les éléments dispersifs utilisables pour la mise en oeuvre de l'invention sont les prismes et réseaux de diffraction classiques, mais également les cristaux photoniques, les superprismes à base de métamatériaux, les modulateurs acousto-optiques, etc. Tous ces éléments sont bien connus de l'art antérieur. L'idée à la base de l'invention est la suivante. Les différentes composantes spectrales d'un faisceau lumineux, tel qu'un faisceau laser, sont séparées spatialement à l'aide d'un élément dispersif. Le faisceau dispersé est ensuite dirigé sur un élément d'atténuation non-linéaire, par exemple un absorbant saturable. On peut considérer qu'un faisceau élémentaire de lumière sensiblement monochromatique (largeur de bande 82. a.) à la longueur d'onde X et d'intensité I(X) est incident sur un élément de surface distinct SS de l'absorbant saturable ; chaque faisceau élémentaire subit donc une atténuation qui dépend de son intensité I(X) = Ix•8X, où la, est l'intensité spectrale du faisceau d'origine à ladite longueur d'onde X. Le résultat est que chaque composante spectrale du faisceau lumineux est atténuée en fonction de son intensité spectrale (en particulier, d'autant plus que son intensité spectrale est faible ; ou bien l'inverse). Ensuite, un deuxième élément dispersif (ou le même, parcouru dans le sens opposé) recombine les composantes spectrales filtrées pour reconstituer un faisceau unique non dispersé. Les figures 2 à 4 illustrent, à titre d'exemples non limitatifs, différents modes de réalisation de l'invention. Dans le mode de réalisation de la figure 1 une source laser SL émet un faisceau lumineux F vers une lame séparatrice BS qui réfléchit ledit faisceau et le dirige vers un élément dispersif D, en l'espèce un réseau de diffraction, qui sépare ses différentes composantes spectrales. Le faisceau dispersé est collimaté par une lentille L, puis traverse un absorbeur saturable NLA qui attenue principalement ses composantes spectrales les moins intenses. Un miroir M, disposé immédiatement derrière l'absorbeur non-linéaire, réfléchit le faisceau dispersé et atténué. Le faisceau réfléchi traverse à nouveau, dans le sens de propagation opposé, l'absorbeur NLA, la lentille L et l'élément dispersif D. Ce dernier élément recombine les différentes composantes spectrales du faisceau, qui traverse la lame séparatrice BS pour être fourni à l'utilisateur.
Le principal avantage de ce mode de réalisation est le fait qu'il ne nécessite qu'un seul élément dispersif. En outre, l'absorbeur non-linéaire est traversé deux fois, ce qui intensifie son action. Son inconvénient est représenté par les pertes introduites par la lame séparatrice. Cependant, ces pertes peuvent être supprimées en remplaçant cette lame par un cube séparateur de polarisation et une lame de retard permettant de tourner la polarisation du faisceau. Le mode de réalisation de la figure 3 ne comporte pas de miroir M, ni de séparatrice BS. En revanche, il comporte un premier élément dispersif Dl réalisant la décomposition spectrale du faisceau F et un deuxième élément dispersif D2, distinct du premier, réalisant sa recombinaison. Une lentille de collimation L1 est prévue entre le premier élément dispersif Dl et l'absorbeur saturable NLA et une lentille de focalisation L2 est disposée entre ledit absorbeur saturable et le deuxième élément dispersif D2. Dans le mode de réalisation de la figure 4, l'absorbeur saturable NLA, l'élément dispersif D et la lentille de collimation sont disposés à l'intérieur d'un résonateur optique R contenant également un milieu amplificateur laser, ou milieu à gain laser, GM et constituant ainsi une source laser. Le fonctionnement du système est semblable à celui de la figure 2, le coupleur de sortie OC jouant le rôle de la séparatrice BS. L'avantage est que l'intensité lumineuse est plus importante à l'intérieur du résonateur qu'à l'extérieur, ce qui accentue les effets non-linéaires. Dans les montages décrits ci-dessus la direction du faisceau sortant n'est pas affectée par un balayage de la longueur d'onde du laser.
Dans la description ci-dessus il a été faite référence à des absorbants saturables. II est entendu qu'il ne s'agit pas d'une limitation et que, comme expliqué plus haut, l'invention peut être mise en oeuvre grâce à d'autres types d'absorbants non-linéaires, voire grâce à des éléments non absorbants mais introduisant néanmoins une atténuation non-linéaire de la lumière. Par exemple, dans le mode de réalisation de la figure 2, l'absorbeur saturable NLA et le miroir M peuvent être remplacés par un miroir non-linéaire.