Procédé de traitement des eaux contenant du manganèse.
La présente invention concerne un procédé de traitement des eaux. Plus précisément, l'invention concerne un procédé de potabilisation des eaux destinées à la consommation humaine, en vue d'en éliminer le manganèse et éventuellement d'autres métaux, tels que le fer ferreux.
Le principe de l'élimination du manganèse repose sur son oxydation et sur la rétention des oxydes insolubles ainsi formés (MnO2, Mn2O3) sur des filtres. L'oxydation à l'oxygène n'étant généralement pas envisageable, l'adjonction d'oxydants forts est nécessaire pour atteindre des potentiels d'oxydo-réduction suffisants. L'oxydant le plus couramment utilisé dans ce cadre est le permanganate.
Le procédé physico-chimique traditionnel de démanganisation des eaux consiste à oxyder chimiquement le manganèse contenu dans celles-ci à l'aide de permanganate de potassium, de chlore ou d'ozone, puis à les filtrer sur un matériau granulaire tel que, par exemple du sable. Celui-ci peut s'enrober de précipités de bioxyde de manganèse au bout de quelques mois et former ce que l'on appelle un "green sand " naturel. Ce "green sand" peut également être préparé en déposant préalablement un film de bioxyde de manganèse hydraté sur la surface d'un support pouvant être du sable, de l'argile acide, de l'anthracite, de la zéolite, un matériau dolomitique, etc .. Le bioxyde de manganèse est alors considéré comme jouant un rôle de catalyseur.
Ce type de procédé présente l'inconvénient majeur de nécessiter l'ajout en entrée d'un oxydant puissant tel que du permanganate de potassium, du chlore libre ou de l'ozone. On notera aussi qu'il a été proposé dans l'art antérieur d'utiliser, dans les cas difficiles, directement du bioxyde de manganèse en grains comme support de filtration, sans apport en entrée d'agent oxydant.
Toutefois, dans ce cas comme dans les autres, une régénération du matériau filtrant est nécessaire, à l'aide d'un composé fortement oxydant, soit en continu, soit à l'arrêt du système.
On notera également que dans ce type de procédé, les grains de bioxyde de manganèse présentent une taille effective relativement faible, de l'ordre de 0,3 0J mm. Ces grains de bioxyde de manganèse sont utilisés dans des lits filtrants avec du sable. Ils sont présents d'abord en surface du lit filtrant mais compte tenu de leur faible taille, ils forment peu à peu avec le sable un lit mélangé susceptible de présenter à terme un rendement moins efficace.
L'invention a notamment pour objectif de pallier les inconvénients ou les insuffisances de l'art antérieur.
Plus précisément, l'invention a pour objectif de proposer un procédé physico-chimique de traitement des eaux qui permette d'obtenir une élimination efficace du manganèse contenu dans les eaux, et ce sans ajout d'oxydant puissant.
Un autre objectif de l'invention est de fournir un tel procédé physicochimique qui mette en œuvre un matériau filtrant ne nécessitant pas de régénération chimique, notamment par un oxydant.
L'invention a aussi pour objectif de fournir un procédé pour le traitement des eaux qui n'engendre pas ou très peu de perte de matériau filtrant.
Un autre objectif de l'invention est de proposer un tel procédé qui mette en œuvre un matériau filtrant, provenant par exemple directement de l'industrie minière, ne nécessitant qu'un simple traitement mécanique préalablement à son exploitation.
Encore un autre objectif de l'invention est de fournir un tel procédé de traitement des eaux pouvant être mis en œuvre sur des eaux présentant des teneurs variables et saisonnières de manganèse dissout dans les eaux. L'invention a également pour objectif de proposer un tel procédé qui soit économique et simple de mise en œuvre.
Ces objectifs, ainsi que d'autres qui apparaîtront par la suite sont atteints à l'aide d'un procédé de traitement des eaux en vue d'abattre notamment leur teneur en manganèse, et le cas échéant leur teneur en fer, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes consistant :
- à faire transiter lesdites eaux sur au moins un lit de matériau filtrant (3) constitué au moins en partie de grains de bioxyde de manganèse, lesdits grains ayant une densité réelle comprise entre
3,5 et 4,5 et une dureté supérieure à 6 sur l'échelle de Mosh ; - à régénérer, lorsque cela est nécessaire, ledit bioxyde de manganèse, ladite régénération étant effectuée mécaniquement.
Le principe de l'invention est donc basé sur l'utilisation de grains de bioxyde dont la densité et la dureté permettent de retenir le manganèse sans ajout d'oxydant, et sans devoir pratiquer une régénération chimique du matériau, à l'aide d'un composé oxydant.
Un tel procédé permet de traiter efficacement des eaux chargées en manganèse à l'aide de bioxyde de manganèse sélectionné pour ses caractéristiques et propriétés. L'ajout d'oxydant fort, tel que le permanganate de potassium, le chlore libre ou l'ozone n'est pas nécessaire, que ce soit pour l'abattement de la teneur en manganèse des eaux ou pour la régénération du matériau filtrant, ce qui est en opposition aux pratiques courantes.
Les spécificités de densité et de dureté du matériau filtrant sélectionné selon l'invention permettent de maintenir une couche uniforme et stable de dioxyde de manganèse, à l'inverse des lits mélangés selon les techniques antérieures. Plus précisément, la dureté du matériau, supérieure à 6 sur l'échelle de Mosh, permet alors le maintien de la granulométrie initiale et la capacité d'adsorption initiale de ce matériau. De ce fait, on constate une consommation négligeable voire nulle du bioxyde de manganèse, ce qui procure un résultat particulièrement avantageux lié au fait que le matériau n'est pas considéré comme un consommable.
Selon une caractéristique remarquable du bioxyde de manganèse sélectionné par la Demanderesse, celui-ci agit comme un catalyseur, mais également comme un oxydant. Son mode d'action est donc double.
Le principe de son action catalytique est le même que celui de l'effet catalytique obtenu avec un sable manganisé ("green sand"), le matériau servant de support à l'adsorption du manganèse dissout dans les eaux.
Le bioxyde de manganèse a une action oxydante en servant d'oxydant vis- à- vis du manganèse dissout présent dans l'eau à traiter.
On notera en outre que ce bioxyde de manganèse n'est pas sélectif vis-à- vis du manganèse, et oxyde également le fer ferreux, l'arsenic et le sélénium. Les ions Mn2+ et Fe2+ sont oxydés par MnO2, et sont déposés à la surface des grains du milieu filtrant. La réaction globale d'oxydoréduction se produisant à la surface du matériau, à l'interface solide-liquide, conduit à la formation de sesquioxyde de manganèse Mn2O3 (solide), à la fois par oxydation du manganèse dissous et par réduction du bioxyde de manganèse solide. Le Mn2O3 ainsi produit enrobe progressivement les grains de matériau. Selon un mode de réalisation de l'invention, ladite étape de régénération dudit lit de matériau filtrant est réalisée périodiquement.
Une telle périodicité de l'étape de régénération des grains de bioxyde pourra être effectué en tenant compte notamment des volumes d'eau traités et des variations saisonnières de leur teneur en manganèse. Selon un autre mode de réalisation, ladite étape de régénération pourra aussi être réalisée lorsque ledit lit de matériau filtrant atteindra une perte de charge prédéterminée.
Le contrôle continu ou par échantillonnage de la teneur résiduelle en manganèse des eaux traitées peut indiquer une perte de charge du matériau de filtration et entraîner une décision de procéder à l'étape de régénération.
Dans l'un ou l'autre cas, l'étape de régénération permet de maintenir l'efficacité du procédé de façon à obtenir des teneurs résiduelles faibles en manganèse dans les eaux traitées.
Selon un mode de réalisation préférentiel de l'invention, ladite étape de régénération est effectuée par simple lavage, à l'aide d'un courant d'eau et/ou d'un fluide gazeux tel que l'air.
Cette solution s'avère particulièrement simple et économique par rapport à l'art antérieur qui nécessite toujours l'utilisation de composés oxydants pour régénérer le matériau de filtration. Sans ajout de réactif, la régénération par lavage selon l'invention permet d'éliminer progressivement l'enrobage formé et de retrouver le grain initial de MnO2.
Avantageusement, ledit lavage est effectué à contre-courant de l'écoulement de l'eau à traiter au sein dudit lit filtrant.
La régénération selon un mode à contre-courant de l'écoulement des eaux à traiter donne des résultats particulièrement satisfaisant. Toutefois, une étape de régénération avec un fluide de lavage dont le courant serait orienté dans le même sens que celui de l'écoulement des eaux à traiter est tout à fait envisageable. Aussi, selon un autre mode de réalisation, ledit lavage est effectué à co- courant de l'écoulement de l'eau à traiter au sein dudit lit filtrant.
Préférentiellement, ledit matériau filtrant comprend au moins 70 % en poids d'équivalent MnO2.
Avantageusement, les grains de bioxyde de manganèse présentent une taille effective de 0,8 à 1 mm et un coefficient d'uniformité compris entre 1,3 et
2,5. On rappelle que la taille effective correspond à l'ouverture de maille donnant un tamisât de 10 % et que le coefficient d'uniformité est le rapport des ouvertures de mailles correspondant respectivement aux tamisats de 60 % et de 10 %. La granulométrie du bioxyde de manganèse est déterminée en tamisant selon les règles et techniques spécifiées par les normes en vigueur.
Selon une solution préférée, ledit bioxyde de manganèse en grains est associé à au moins un autre matériau choisi parmi les matériaux suivants : - sable ; - anthracite ;
- charbon actif en grains.
Selon une solution avantageuse, le procédé comprend une étape préalable de concassage et de tamisage du bioxyde de manganèse, en vue d'obtenir une granulométrie adaptée à la filtration recherchée. Préférentiellement, le procédé comprend une étape supplémentaire d'ajustement du pH desdites eaux, par un traitement à l'air, à la soude ou à l'eau de chaux , en amont de l'étape de filtration.
Selon un mode de réalisation, ladite étape consistant à faire transiter lesdites eaux sur au moins un lit de matériau filtrant est effectuée à la pression atmosphérique.
Selon un autre mode de réalisation, cette étape est effectuée sous pression.
Le procédé peut donc être mis en œuvre tant à l'aide des filtres fonctionnant à la pression atmosphérique qu'à l'aide des filtres fonctionnant sous pression.
D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront plus clairement à la lecture de la description suivante de deux modes de réalisation préférentiels de l'invention, donnés à titre d'exemples illustratifs et non limitatifs, et des dessins annexés parmi lesquels : - la figure 1 illustre une unité industrielle de démanganisation selon l'invention
- les figures 2 et 3 représentent des courbes de démanganisation obtenues avec le procédé selon l'invention.
Dans l'unité industrielle de traitement des eaux illustrée schématiquement par la figure 1, les eaux sont amenées par une conduite 1 dans le filtre 2 qui, dans le cas présent, est ouvert, c'est-à-dire à la pression atmosphérique, mais qui pourra être de tout autre type dans d'autres modes de réalisation.
Les eaux à traiter sont ainsi amenées et déversées au-dessus d'un lit filtrant 3, contenant 70% en volume de grains de bioxyde de manganèse (MnO2) et 30% de sable.
Le bioxyde de manganèse utilisé dans le lit 3 provient de l'industrie minière et a été obtenu après un simple concassage et une opération de tamisage (selon la norme ISO 2591-1) en vue d'obtenir une taille effective allant de 0,8 à 1 mm, avec un coefficient d'uniformité compris entre 1,3 et 2,5. Selon l'invention, les grains de bioxyde de manganèse utilisés ont une densité de l'ordre de 4 et une dureté sur l'échelle de Mosh supérieure à 6.
Dans le cas du filtre ouvert tel que représenté à la figure 1, les eaux s'écoulent par gravité au travers du lit filtrant 3 et sont recueillies à la base du filtre 2, par une conduite 4 de sortie des eaux traitées. En amont de la filtration, les eaux subissent, si nécessaire, une étape d'ajustement du pH, par un traitement à l'air On procède à cet ajustement si le pH des eaux à traiter est inférieur à 7,2.
Afin d'éliminer l'enrobage de Mn2O3 formé au cours de la filtration autour des grains du lit 3 et pour retrouver ainsi le grain initial de MnO2, un simple lavage mécanique est opéré à l'aide d'un fluide gazeux, en l'occurrence de l'air.
On notera que selon une caractéristique de l'invention, et a contrario de l'art antérieur, aucun ajout de réactif oxydant n'est nécessaire pour procéder à cette régénération.
Pour procéder à la régénération du matériau filtrant, l'unité comprend un surpresseur d'air de lavage 8 relié à une conduite 9 débouchant à la base du filtre.
De cette façon, l'air de lavage est envoyé dans le lit filtrant 3 à contre- courant des eaux à traiter. Les eaux de lavage sont recueillies par une conduite 10.
Sur la figure 2 et à titre d'illustration des résultats obtenus avec le procédé selon l'invention mis en œuvre avec l'unité représenté par la figure 1, on a représenté l'évolution de la teneur en manganèse des eaux brutes et des eaux traitées par une première unité pilote appliquée à la démanganisation d'une eau de surface après un étage de coagulation et de floculation.
Dans cette unité le temps de contact des eaux avec le lit de filtration est de l'ordre de 3 minutes.
Tandis que la teneur en manganèse des eaux brutes varie entre 40 et 410 μg/1, on constate l'efficacité du procédé avec une teneur résiduelle des eaux traitées constamment inférieure à 10 μg/1, soit un abattement allant jusqu'à 97,5%. La deuxième unité pilote a été appliquée à des eaux de barrage, après une étape d'aération. Sur les courbes représentées sur la figure 3, on remarque cette fois que pour des variations de la teneur en manganèse des eaux à traiter allant de 10 à 270 μg/1, les teneurs résiduelles dans les eaux traitées sont constamment inférieures à 7 μg/1. Le procédé qui vient d'être décrit permet donc d'abattre la teneur en manganèse d'eaux à traiter susceptibles de présenter des variations saisonnières importantes.
Le temps de contact de l'eau à traiter avec le matériau filtrant est compris entre 30 secondes et 10 minutes en fonction du pourcentage d'abattement requis et de la teneur résiduelle recherchée.
Avec des résultats au moins équivalents voire supérieurs aux techniques antérieures, le procédé pour la mise en œuvre d'un matériau de filtration spécifique, évite le recours aux oxydants tant pour l'étape de filtration que pour la régénération du lit de filtration.