Nouveaux agents édulcorants dérivant des acides N-(4- cyanophénylcarbamoyl 2-cyanopyrid-5-ylcarbamoyl)-L-asnartique ou L-glutamique α-benzènamides 3,4-disubstitués.
La présente invention a pour objet de nouveaux agents édulcorants dérivant des acides N- (4-cyanophénylcarbamoyl ou 2-cyanopyrid-5-ylcarbamoyl)-L-aspartique ou L-glutamique α-benzènamides. Ces nouveaux agents édulcorants de très haute intensité édulcorante sont particulièrement utiles pour édulcorer des produits variés, et en particulier les boissons gazeuses, les aliments, les confiseries, les pâtisseries, les chewing- gums, les produits d'hygiène, les cosmétiques, les articles de toilette, les produits pharmaceutiques et vétérinaires et leurs équivalents.
On sait qu'un agent édulcorant, pour être utilisable à l'échelle industrielle, doit notamment posséder un pouvoir sucrant intense, permettant de limiter son coût d'utilisation.
Les nouveaux composés conformes à la présente invention présentent des activités édulcorantes extrêmement élevées puisqu'ils sont, sur une base pondérale, jusqu'à 50 000 fois plus puissants que le saccharose (sucre de table). Parmi les agents édulcorants artificiels actuellement commercialisés, le plus utilisé est un dérivé dipeptidique, le N-L-α-aspartyl-L-phénylalanine 1-méthyl ester, plus connu sous le nom d'aspartame (US 3,492,131). Les principaux avantages de ce composé sont ses excellentes propriétés organoleptiques et sa constitution chimique à base de deux amino acides naturels, l'acide L-aspartique et la L- phénylalanine. En revanche, son pouvoir édulcorant est relativement faible puisqu'il n'est, sur une base pondérale, que seulement 120 à 180 fois plus élevé que celui du saccharose, ce qui signifie qu'il faut fournir 1 gramme d'aspartame pour remplacer 120 à 180 grammes de sucre. Le pouvoir édulcorant relativement faible de
l'aspartame, associé à son coût de fabrication assez élevé du fait de sa structure dipeptidique, en fait donc un édulcorant cher, ce qui constitue son principal inconvénient dans le cadre de son utilisation industrielle.
L'intensité édulcorante extrêmement élevée des composés de l'invention, associée à leur facilité de préparation, a pour avantage d'en faire des édulcorants de faible prix de revient. Les édulcorants préférés de la présente invention sont en effet, sur une base pondérale, jusqu'à 50 000 fois plus sucrés que le sucre, ce qui revient à dire que 1 gramme des composés préférés de l'invention suffit à remplacer jusqu'à 50 kilogrammes de sucre. Les édulcorants préférés de la présente invention étant environ 250 à 400 fois plus puissants que l'aspartame lui-même, leur coût d'utilisation sera donc très bas par rapport à l'aspartame, ce qui laisse favorablement envisager leur application industrielle.
Dans le document JP 86-260052, Tsuchiya et al . ont décrit des composés édulcorants répondant à la formule générale suivante :
dans laquelle :
R1 et R3 sont des atomes d'hydrogène ou d'halogène, ou des groupes CN, NO2, R' (R' étant un groupe alkyle de 1 à 6 atomes de carbone), COOR" , R"CO, halogénométhyle, R"O, CONHR", SO2R" ou SOR" (R" étant un groupe alkyle de 1 à 4 atomes de carbone);
R2 est un atome d'oxygène ou de soufre;
n est 0, 1 ou 2;
et la configuration de l'atome de carbone indiqué C*, porteur d'un groupe amino, étant L ou DL.
Dans ce document, on ne trouve d'indication chiffrée relative au pouvoir sucrant que pour seulement 2 (deux) composés revendiqués, à savoir, l'acide N-(4-nitrophénylcarbamoyl)-L-aspartique-α-4-chlorobenzènamide de formule :
qui est décrit comme ayant un pouvoir sucrant de 5 400 fois celui du saccharose, et l'acide N- (4-nitrophénylcarbamoyl)-L-aspartique-α-4-cyanobenzènamide de formule :
qui est décrit comme ayant un pouvoir sucrant de 4 800 fois celui du saccharose.
II a été découvert, et ceci constitue le fondement de l'invention, que le pouvoir sucrant de certains autres dérivés des acides N-(4-cyanophénylcarbamoyl ou 2-cyanopyrid-5-ylcarbamoyl)-L-aspartique ou L-glutamique α-benzènamides était puissamment augmenté, de manière tout à fait imprévisible, lorsque le groupe benzènamide est simultanément substitué sur les positions 3 (meta) et 4 (p a ra ) par des substituants convenablement sélectionnés. Or, on sait qu'une modification, même
mineure, de la structure d'un édulcorant peut entraîner une perte totale de son activité. Il est donc tout à fait inattendu qu'une double substitution sur le groupe benzènamide puisse, non pas supprimer l'activité édulcorante, mais au contraire l'augmenter fortement par rapport à l'activité des composés monosubstitués décrits dans l'art antérieur.
Ainsi l'invention a pour objet de nouveaux agents édulcorants, caractérisés en ce qu'ils répondent à la formule suivante :
dans laquelle :
Y est un groupe CH ou un atome d'azote,
A est un atome d'oxygène,
n est égal à 1 ou 2,
R est un radical phényle 3,4-disubstitué choisi parmi les groupes :
et leurs sels physiologiquement acceptables. Les composés de l'invention pour lesquels n est égal à 1 représentent une forme préférée de l'invention.
Une forme de réalisation particulièrement avantageuse de l'invention est l'acide N-(4-cyanophénylcarbamoyl)-L-aspartique-α-3,4-di thylbenzènamide de formule :
dont le pouvoir sucrant, exprimé sur une base pondérale, est 50 000 fois plus élevé que celui du saccharose par comparaison avec une solution de saccharose à 2 %.
Une autre forme de réalisation particulièrement avantageuse de l'invention est l'acide N-(2-cyanopyrid-5-
ylcarbamoyl)-L-aspartique-α-3,4-diméthylbenzènamide de formule :
dont le pouvoir sucrant, exprimé sur une base pondérale, est 40 000 fois plus élevé que celui du saccharose par comparaison avec une solution de saccharose à 2 %.
D'autres composés préférés de l'invention sont caractérisés en ce qu'il s'agit de l'acide N-(4-cyanophénylcarbamoyl)-L-aspartique-α-3,4-méthylènedioxy benzènamide, de l'acide N-(2-cyanopyrid-5-ylcarbamoyl)-L-aspartique-α-3,4-méthylènedioxybenzènamide, de l'acide N-(4-cyanophénylcarbamoyl)-L-aspartique-α-3-hydroxy-4-méthoxybenzènamide, de l'acide N-(2-cyanopyrid-5-ylcarbamoyl)-L-aspartique-α-3-hydroxy-4-méthoxybenzènamide, de l'acide N-(4-cyanophénylcarbamoyl)-L-aspartique-α-3-chloro-4-méthoxybenzènamide, de l'acide N- (4-cyanophénylcarbamoyl)-L-aspart.ique-α-4-mét±yl-3-nitrobenzènamide, de l'acide N-(4-cyanophénylcarbamoyl)-L-aspartique-α-indan-5-ylamide, de l'acide N-(2-cyanopyrid-5-ylcarbamoyl)-L-aspartique-α-indan-5-ylamide, de l'acide N-(4-cyanophénylcarbamoyl)-L-aspartique-α-1,4-benzodioxan- 6-ylamide et de l'acide N-(2-cyanopyrid-5-ylcarbamoyl)-L-aspartique-α-1,4-benzodioxan-6-ylamide.
Les composés de l'invention se distinguent donc des composés décrits dans le document JP 86-260052 par la nature très spécifique et la position des substituants fixés sur le groupe benzènamide. En effet, dans ce document antérieur, le cycle benzénique du groupe benzènamide des composés décrits et revendiqués est
monosubstitué, et, pour les exemples mentionnés, uniquement en position 4 (para).
Conformément à la présente invention, le groupe phényle R est simultanément substitué sur les positions 3 (méta) et 4 (para) par des groupes spécifiques. Le choix dans les composés de l'invention de ce nouveau groupe R entraîne une augmentation spectaculaire du pouvoir sucrant, celui-ci pouvant atteindre 10 (dix) fois celui des composés de l'art antérieur, et par conséquent une diminution importante du coût d'utilisation de tels composés.
Les agents édulcorants de la présente invention peuvent être ajoutés à tout produit comestible dans lequel on désire apporter un goût sucré, à condition de les ajouter en proportions suffisantes pour atteindre le niveau de sucrosité désiré. La concentration optimale d'utilisation de l'agent édulcorant dépendra de facteurs divers tels que, par exemple, le pouvoir sucrant de l'agent édulcorant, les conditions de stockage et d'utilisation des produits, les constituants particuliers des produits et le niveau de sucrosité désiré. Toute personne qualifiée peut facilement déterminer la proportion optimale d'agent édulcorant qui doit être employée pour l'obtention d'un produit comestible en réalisant des analyses sensorielles de routine. Les agents édulcorants de la présente invention seront, en général, ajoutés aux produits comestibles dans des proportions allant, suivant le pouvoir édulcorant du composé, de 0,5 mg à 50 mg d'agent édulcorant par kilogramme ou par litre de produit comestible. Les produits concentrés contiendront évidemment des quantités plus élevées d'agent édulcorant, et seront ensuite dilués suivant les intentions finales d'utilisation.
Les agents édulcorants de la présente invention peuvent être ajoutés sous forme pure aux produits à édulcorer, mais, en raison de leur pouvoir sucrant élevé, ils sont généralement mélangés à un support ("carrier") ou à un agent de charge ("bulking agent") approprié.
Avantageusement, les supports ou agents de charge appropriés sont choisis dans le groupe constitué par le polydextrose, l'amidon, les maltodextrines, la cellulose, la méthylcellulose, la carboxyméthylcellulose et autres dérivés de la cellulose, l'alginate de sodium, les pectines, les gommes, le lactose, le maltose, le glucose, la leucine, le glycérol, le mannitol, le sorbitol, le bicarbonate de sodium, les acides phosphorique, citrique, tartrique, fumarique, benzoïque, sorbique, propionique, et leurs sels de sodium, potassium et calcium, ainsi que leurs équivalents.
Les agents édulcorants conformes à l'invention peuvent, dans un produit comestible, être employés seuls, comme unique agent édulcorant, ou en combinaison avec d'autres agents édulcorants tels que le saccharose, le sirop de maïs, le fructose, les dérivés ou analogues dipeptidiques sucrés (aspartame, alitame), la néohespéridine dihydrochalcone, l'isomaltulose hydrogéné, le stévioside, les sucres L, la glycyrrhizine, le xylitol, le sorbitol, le mannitol, l'acésulfame, la saccharine et ses sels de sodium, potassium, ammonium et calcium, l'acide cyclamique et ses sels de sodium, potassium et calcium, le sucralose, la monelline, la thaumatine, ainsi que leurs équivalents.
Les composés de l'invention peuvent aussi être utilisés soit sous leur forme acide soit sous leur forme de sels obtenus à l'aide de bases inorganiques ou organiques physiologiquement acceptables, ce qui a pour effet d'accroître leur solubilité. Avantageusement, ces composés sont salifiés sous forme de sels de sodium, potassium, ammonium, calcium ou magnésium.
La préparation des composés de l'invention met en oeuvre notamment les procédés couramment utilisés pour la synthèse peptidique (voir par exemple M. Bodansky et A. Bodansky, The Practice of Peptide Synthesis, Springer Verlag, Berlin, 1984).
La préparation des composés selon l'invention peut ainsi être réalisée à partir de précurseurs d'origine
commerciale, comme par exemple l'acide N-benzyloxycarbonyl-L-aspartique β-benzyl ester (n = 1), l'acide N-benzyloxycarbonyl-L-glutamique γ-benzyl ester (n = 2), et l'aminé R-ΝH2 où R est un groupe phényle disubstitue tel que défini précédemment, en suivant le schéma réactionnel suivant :
La purification des composés de l'invention est réalisée selon les techniques standards telles que la recristallisation ou la chromatographie. Leur structure et leur pureté ont été contrôlées par les techniques classiques (chromatographie sur couche mince, chromatographie liquide haute performance, spectrométrie infrarouge, résonance magnétique nucléaire, analyse élémentaire).
Le pouvoir édulcorant des composés décrits dans les exemples a été évalué par un groupe de huit personnes expérimentées. Pour cela, les composés, en solution aqueuse à des concentrations variables, sont comparés, sur le plan gustatif, à une solution témoin de saccharose à 2 %. Le pouvoir édulcorant du composé, testé par rapport au saccharose, correspond alors au rapport pondéral qui existe entre le composé et le saccharose à égale intensité édulcorante, c'est-à-dire quand les saveurs sucrées de la solution du composé testé et de la solution témoin de saccharose sont considérées, par une majorité de personnes, avoir la même intensité édulcorante. La manière dont l'invention peut être réalisée et les avantages qui en découlent ressortiront mieux des exemples non limitatifs de réalisation qui suivent.
EXEMPLES
Préparation de l'acide N-(4-cyanophénylcarbamoyl)-L- aspartique-α-3,4-diméthylbenzènamide :
1. Préparation de l'acide N-benzyloxycarbonyl-L-aspartique-α-3,4-diméthylbenzènamide β-benzylester :
A une solution de 3 g (8,4 mmoles) d'acide N-benzyloxycarbonyl-L-aspartique β-benzyl ester (produit
Bachem n° C-1350) dans 50 cm3 de tétrahydrofurane refroidie à -15 °C sont successivement ajoutés 0,84 g (8,4 mmoles) de N-méthylmorpholine et 1,14 g (8,4 mmoles) de chloroformiate d'isobutyle. Après 2 minutes d'agitation à cette température, est ajouté 1 g (8,4 mmoles) de 3,4-diméthylaniline (produit Aldrich n° 12,637-3). Le mélange réactionnel est lentement réchauffé puis est agité durant 2 heures à la température ambiante. Le précipité de chlorhydrate de N-méthylmorpholine est éliminé par filtration, puis est lavé par 20 cm3 de tétrahydrofurane. Le filtrat est concentré à sec sous vide et le résidu obtenu est trituré dans 50 cm3 d'éther éthylique. Le solide blanc obtenu est séparé par filtration puis à nouveau lavé par 20 cm3 d'éther éthylique. On obtient ainsi 3,3 g (rendement 85 %) d'acide N-benzyloxycarbony1-L-asparaique-α-3,4-diméthylbenzènamide β-benzylester dont le point de fusion est de 146 °C.
2. Préparation de l'acide L-aspartique-α-3,4-diméthylbenzènamide :
Une solution de 3 g (5,6 mmoles) d'acide N-benzyloxycarbonyl-L-aspartique-α-3,4-diméthylbenzènamide β-benzylester précédemment obtenu dans 100 cm3 de methanol est soumise, en présence de palladium à 10 % sur charbon actif, à l'hydrogène sous pression atmosphérique durant 18 h. Après élimination du catalyseur par filtration, la solution est concentrée sous vide et le solide blanc obtenu est lavé par trituration dans l'acétone. On obtient ainsi 1,3 g (rendement 85 %) d'acide L-aspartique-α-3,4-diméthylbenzènamide, sous forme d'un solide blanc dont le point de fusion est de 204 °C. Sa pureté est contrôlée par chromatographie sur couche mince sur gel de silice G 60 (support silice Merck n° 1.05554), éluant butanol-acide acétique-eau (8-2-2), révélation à la ninhydrine, Rf = 0,49.
3. Préparation de l'acide N-(4-cyayophénylcarbamoyl)-L-aspartique-α-3,4-diméthylbenzènamide :
A une solution de 0,7 g (3 mmoles) d'acide L-aspar ique-α-3,4-diméthylbenzènamide et de 0,63 g
(6 mmoles) de carbonate de sodium dans 30 cm3 d'eau, est ajouté, sous agitation vigoureuse, 0,47 g (3,2 mmoles) de 4-cyanophénylisocyanate en solution dans 30 cm3 de benzène. La solution est agitée durant 30 minutes à température ambiante avant d'être lavée par trois fois 30 cm3 d'éther éthylique. L'acidification à pH 2-3 par une solution d'acide chlorhydrique 6 Ν entraîne la formation d'un précipité blanc qui est filtré et lavé par 5-6 cm3 d'eau. Après filtration et séchage, on obtient 0,98 g (rendement 86 %) d'acide N-(4-c4anophénylcarbamoyl)-L- aspartique-α-3,4-diméthylbenzènamide, dont le point de fusion est de 172 °C après recristallisation dans l'éthanol à 95 %.
Formule moléculaire : C20H20Ν4O4.
Chromatographie sur couche mince : gel de silice G 60 F254 sur feuilles d'aluminium (Merck n° 1.05554),
éluant : chloroforme - methanol (6:4), révélation à la ninhydrine, Rf = 0,30.
RMN (1H, ppm), DMSO D6 : 2,15 (s, 3H), 2,5 (s, 3H), 2,7 (m, 2H), 4,6 (m, 1H), 6,9 (d, 1H), 7,0 (d, 1H), 7,3 (m, 2H), 7,6 (m, 4H), 9,5 (s, 1H), 9,9 (s, 1H).
Chromatographie liquide haute performance sur colonne Merck de type "Lichrospher 100 RP-18 endcapped", longueur 244 mm, diamètre 4,6 mm, éluant : acétate d'ammonium 65 mM - acétonitrile (65:35), débit de 1 ml/min, détecteur : réfractomètre, temps de rétention 13,6 min.
L'acide N-(4-cyanophénylcarbamoyl)-L-aspartique-α- 3,4-diméthylbenzènamide a un pouvoir sucrant qui est, sur une base pondérale, 50 000 fois plus élevé que celui du saccharose par comparaison avec une solution de saccharose à 2 % .
A titre d'exemples, le pouvoir sucrant d'autres composés selon l'invention, obtenus suivant un protocole expérimental similaire à celui décrit ci-dessus et que l'homme de l'art retrouvera facilement, est donné dans le Tableau 1. Les pouvoirs sucrants approximatifs, exprimés en valeurs arrondies, sont donnés comparativement à une solution de saccharose à 2 %.